Peut-on rire du changement climatique ? Le duo War and Peas, spécialiste du strip assassin et percutant, en fait la preuve avec ce court recueil publié chez Requins Marteaux.
Un iceberg se plaint du changement climatique à l’un de ses congénères. Ce dernier lui rétorque que son arrière-grand-père luttait déjà contre ce fléau avant que celui-ci ne devienne une mode. Étonnement du premier. Chute de la dernière case : un iceberg à moustache style belle époque regarde narquois un petit bateau se rapprocher tranquillement de lui. Sur la coque est évidemment noté « Titanic ». Quatre cases par page, il n’en faut souvent pas plus au duo War and Peas pour nous faire rire jaune du dérèglement climatique. Un format court et efficace calibré pour Instagram où le duo a fait ses armes, qui se décline aujourd’hui en livre.
Alors que le changement climatique est de plus en plus tangible – records de chaleur, inondations, sécheresses, la liste n’en finit plus de s’étendre – parait en France le premier recueil de War and Peas, sobrement titré Salut la terre (Hi, Earth). Un salut bonhomme qui ne trompe personne : si l’humour est présent dans le recueil, il s’agit de celui du désespoir. Pas un désespoir annihilant, mais un désespoir qui fait rire nerveusement, qui agit comme une piqure de rappel.
« This is fine »
Derrière War and Peas il y a Elizabeth Pich et Jonathan Kunz. D’origine allemande, le duo se rencontre en école d’art et c’est en 2011 qu’ils créent ensemble leur premier blog. Depuis, la ligne claire est leur mot d’ordre : un dessin aux traits épurés, dynamique, avec aplats de couleurs et un contour marqué. Leurs œuvres se situent à mi-chemin entre le dessin de caricature et le mème, toujours rapidement assimilables et efficacement drôles. C’est d’ailleurs à la culture du mème que fait référence la couverture mise en page par Gérald Fleury. Notre planète bleue personnifiée se tient sur une petite chaise au milieu de flammes : le chapeau, le contexte, tout rappelle le mème « This is fine » détourné d’un strip de l’artiste KC Green. War and Peas reprennent le même type d’humour noir et absurde dans leurs dessins.
Si le changement climatique est le fil rouge de ce recueil, le duo s’autorise aussi quelques exceptions. De la sexualité des mantes religieuses (peu favorables aux mâles) en passant par l’intimité de la petite sirène (qui elle aussi, imparfaite, peut avoir des gaz), rien n’est interdit. Pich et Kunz décortiquent les hypocrisies et pointent du doigt les faiblesses. Et c’est souvent le décalage qui créé le rire. Des dinosaures amoureux font le vœu d’être toujours unis devant des « étoiles filantes » qui sont en fait un météore géant ? Pas de soucis, la magie du pétrole les réunira sous forme de plastique 150 millions d’années plus tard.
Les strips de War and Peas agissent comme autant de remèdes à mélancolie. Souvent politiques et toujours drôles, ils nous font réfléchir à des problématiques vitales sous couvert de malice et de simplicité. Mais c’est peut-être ça, les fondements de l’humour : montrer la réalité sous un autre prisme, décaler le regard. Ici sous forme de pédagogie. Et toujours par l’absurde.