Le duo Bandit Bandit, composé de la chanteuse Maëva Nicolas et du guitariste Hugo Herleman, dévoile son tout premier album, 11:11, onze titres où la puissance des riffs de guitare se met au service de chansons sensuelles et envoûtantes.
« La mer aimante, la marée monte ». Bandit Bandit jongle habilement avec les mots et montre une aisance certaine à manier la langue française avec une pointe d’insolence. Après avoir électrisé les scènes avec deux EPs percutants, Bandit Bandit et Tachycardie, le groupe a décidé de prendre un virage audacieux avec 11:11. Ils ont choisi de repousser les limites, d’explorer de nouveaux horizons musicaux, et de cultiver un son pop qui détonne, tout en conservant le fil rouge du rock brut et de l’alternatif sophistiqué. Le duo a façonné un joyau musical, conçu avec minutie et trois années de travail acharné. Cette musique débridée résonne puissamment à travers un album qui déborde d’un désir insatiable et d’une énergie contagieuse. Avec ce nouvel album, Bandit Bandit impose son empreinte avec une audace et une passion débordantes. Rencontre.
Comment vous sentez-vous après la sortie de ce premier album ?
Les deux : Fatigués (rires).
Hugo : Mais soulagés. Ça a été long. C’est toujours très long quand tu enregistres un album, mais celui-ci est mixé depuis un an, donc on a eu le temps de l’écouter, de le réécouter, de le détester, de le re-aimer… C ‘est un petit soulagement, enfin, il est là. Le meilleur, c’est le retour des gens. Il y a que des retours chouettes, c’est la petite récompense, quoi.
Vos deux premiers EPs (Bandit Bandit sorti en 2019 et Tachycardie, sorti en 2021) semblaient très liés, alors que là, il semble y avoir un véritable virage. Comme si les deux premiers avaient posé les fondements de votre identité et de votre univers et qu’il était maintenant temps pour vous de vous diriger vers autre chose. Qu’est-ce que ça a été ce changement, ce tournant ?
Maeva : Le changement s’est manifesté par le fait que les deux premiers EPs ont été conçus simultanément, alors que l’album a connu un processus de maturation. Nous avons pris le temps de réfléchir à la direction que nous souhaitions prendre, de développer nos aspirations, notre style. Il y a aussi eu le confinement, qui s’est imposé de lui-même comme une pause qui nous a été bénéfique. Elle nous a permis de prendre du recul par rapport à notre identité artistique et à nos objectifs. Cela a été une période propice pour affirmer des aspects que nous n’avions fait qu’effleurer dans nos EPs précédents.
Hugo : Je le vois comme un deuxième chapitre. Effectivement, les deux premiers EPs, c’est comme si c’était la première étape, ils sont très proches au niveau des influences et du son. Là, on s’est permis des échappées belles, et le format album permet de faire des titres assez variés. C’est de cette façon que l’on aime penser l’album, avec des nuances.
Par rapport au titre, qui est clairement une référence assez superstitieuse aux heures miroirs, qu’est-ce que ça raconte de votre rapport aux croyances, à la spiritualité ?
Maeva : Je crois qu’on est très superstitieux avec Hugo. On a plein de petits rituels, et puis on croit aux signes. Et avec 11:11, il y en a eu plein. Parfois, il a fallu les déjouer, parfois, il a fallu les accueillir à bras ouverts. Cet album prend naissance dans une continuité de signes.
Hugo : Il y a ce côté onirique très présent, puis 11:11, Bandit Bandit… On aimait bien bégayer (rires).
Entre vos différents projets on ressent toujours l’énergie d’une forme de lutte intérieure constante. ll y a comme un côté documentaire sur votre propre relation, mais en même temps, votre relation semble vous inspirer pour créer . Comment est-ce que vous vous positionnez par rapport à cela ?
Hugo : Je ne sais pas si on pourrait parler d’autofiction, mais on se raconte, en quelque sorte. On puise notre inspiration dans nos vies, grâce aux personnes qui nous entourent, grâce à nos proches… Peut-être qu’il y a une forme de mythologie qui se crée grâce à la musique. C’est peut-être ça, finalement, que la musique permet : de rêver. On aime tous les deux rêver, c’est pour ça que l’on revient toujours à cet aspect onirique. Mais c’est amusant de penser à notre musique comme une fiction, c’est assez surprenant. Et il y a définitivement un aspect libérateur.
Maeva : La musique a toujours été un exutoire pour nous. Depuis toujours, la musique est un refuge, pour Hugo comme pour moi. Pour lui, il y a eu une période pendant sa préadolescence où trouver un refuge était essentiel, et pour ma part, la musique a toujours été mon univers, mon jardin secret. Elle nous a toujours accompagnés, à la fois individuellement et dans la construction de notre relation qui s’est bâtie autour de la musique. Nous parlons de musique pendant des heures, nous en écoutons pendant des heures. C’est une part très importante de notre vie.
On vous compare souvent au couple de gangsters Bonnie et Clyde. Comment le vivez-vous ?
Hugo : Eh bien, personnellement, cela ne me dérange pas du tout. On trouve ça amusant en fait. C’est un surnom qui nous plaisait beaucoup, et nous avons même poussé le trait jusqu’à reprendre le morceau de Gainsbourg. On est évidement pas des assassins, mais cette image un peu cinématographique nous a toujours fascinés. En fait, on a toujours été très intéressés par le cinéma, en particulier pour nos clips. On a une projection de direction artistique très précise en tête.
Maeva : Cela fait partie de ce que nous aimons. Quand on a pensé à ce que pourrait être Bandit Bandit au tout début, on avait écrit deux ou trois titres maquettes, et on s’est demandés : « Si Bandit Bandit existait, t’aimerais qu’on en dise quoi ? ». Et là, on s’est dit néon, fumeux, sexy, poisseux… En plus, on a immédiatement eu en tête des scènes de films qui nous ont vraiment inspiré pour créer cette image de duo un peu déjanté, sauvage , provocateur, accrocheur. Vraiment dans l’imaginaire des Natural Born Killers, en quelque sorte !
Quand on entend parler de vous, il y a tout un ensemble de références qui émergent : Birkin, Gainsbourg, Nirvana, Grand Blanc … Ces influences ont évolué ? Est-ce que vous avez fait d’autres découvertes entre temps ?
Hugo : Bien sûr. Pendant le confinement, on a regardé beaucoup de choses, écouté beaucoup de musique… Le changement, je crois que ça a été que l’on a toujours pensé Bandit Bandit comme un groupe de rock avec un côté chanson française, le curseur rock au début était plus prononcé, maintenant la chanson française a peut-être pris le devant. En ce qui concerne les textes aussi, on a pris beaucoup de goût à écrire. Par rapport aux découvertes, c’est compliqué d’avoir des références très précises. Personnellement, Stromae m’a beaucoup inspiré ! On pourrait citer Oh pardon tu dormais, l’album de Jane Birkin composé et produit par Daho, le dernier MGMT…
Maeva : On est très avides de musique. On va voir énormément de concerts, on va régulièrement au cinéma. En fait, on passe notre temps à digérer de nouvelles images et de nouveaux sons en piochant ce que nous aimons ici et là. On a envie d’avoir un Bandit Bandit que l’on attend pas, de l’imaginer pluriel, et de surprendre les gens.
Hugo : L’important c’était de ne surtout pas se répéter. Il était hors de question de faire la même chose que ce que nous avions déjà fait, même s’il y a un fil conducteur rock, et donc quelques pistes qui se rejoignent un petit peu, mais pas que, on ne veut surtout pas faire de la redite. Et pour la suite je pense que ce sera toujours un point important.
Vous avez une méthode d’écriture ?
Hugo : Eh bien, pour ma part, j’ai un stock de riffs de guitare sur mon téléphone, et plein d’idées qui me traversent l’esprit. Ensuite, je crée des maquettes chez moi sur mon ordi, que je propose à Maeva pour avoir son avis. Elle apporte ses propres idées et ses propres mots pour l’arrangement. Pour les textes c’est un peu pareil. De mon côté, j’ai des notes, des punchlines, des mots, que nous organisons ensemble. Maeva donne souvent un sens à l’ensemble. Et voilà, c’est ça faire des chansons ! (rires). En réalité il n’y a pas vraiment de secret, ça dépend du moment, de l’inspiration. Certaines chansons ont été écrites en une seule matinée.
Maeva : Par exemple, « Si j’avais su », nous l’avons écrit en une matinée. Je me souviens qu’Hugo savait commencé à bosser dessus à 5 heures du matin avec une idée en tête, et à midi, elle était terminée.
Hugo : Et pourtant à côté il y en a que l’on n’a toujours pas terminé d’écrire ! Vraiment il n’y a pas de règles.
A l’origine Bandit Bandit semblait être une sorte de miroir déformant de votre relation, qui avait l’air de s’inspirer largement de votre expérience et du genre musical. La musique évolue-t-elle en parallèle de votre relation ? Ou considérez-vous ces deux aspects comme distincts ?
Hugo : C’est surtout au niveau des paroles qu’il y a une influence qui se joue. L’air musical, c’est autre chose. Peut-être qu’indirectement quand on écrit une chanson avec une musique plus légère, l’air va nous inspirer des textes moins deep. Je pense à « La Montagne » par exemple, qui est un morceau groove, avec un côté dansant, on n’avait jamais exploré ce genre d’influence auparavant. Le morceau aborde un crush, le désir, une sexualité libérée, mais elles ne s’attardent pas nécessairement sur des thèmes profonds liés à l’amour et aux sentiments.
En revanche, un titre comme « Des fois » est plus sombre. Dans ce morceau on évoque une rupture, c’est beaucoup plus déchirant. La musique peut nous amener vers tel ou tel sujet. On écrit les paroles en parallèle de la musique, mais je ne me verrais pas écrire des textes très profonds sur une mélodie légère. Et pourtant il y a des artistes qui l’ont fait. Évidement je pense à Nirvana, le groupe qui a marqué mon adolescence, et à leur titre « Lithium », qui est un texte très lugubre sur une mélodie pop.
Comment avez-vous choisi d’organiser la séquence des morceaux sur 11:11 ?
Maeva : Ah ça, c’est super compliqué à chaque fois, c’est un domaine qui me dépasse un peu.
Hugo : En fait on a fait des tracklists, on essaye, puis on voit si ça fonctionne ou pas. C’est une question d’ambiance, de thème, de tempo… C’est un élément crucial. L’album est conçu pour être écouté dans l’ordre, c’est vraiment essentiel.
Maeva : C’est vrai que les gens qui écoutent simplement des morceaux au hasard, en aléatoire, cela perd une grande partie de son sens. En tant qu’artistes on prend tellement de temps à élaborer l’ordre des morceaux. Peut-être que cela peut sembler illogique, ou complètement déphasé par rapport à l’ère actuelle, où les titres sont souvent écoutés de manière isolée, mais un album est pensé comme un tout, et on passe à côté de quelque chose si l’on ne suit pas le cheminement conçu par les artistes.
Pour nous ça a été un travail minutieux, impliquant des heures de réflexion, trois ans de travail… Nous nous sommes tellement investis pour en faire un petit bijou, et nous voulons vraiment que les gens puissent l’apprécier de la meilleure manière possible. C’est un peu comme une recette. Si quelqu’un vous donne une recette de grand-mère, pour apprécier le plat tel qu’il est censé être, il faut vraiment suivre les étapes dans l’ordre.
Sur certains morceaux comme « Lucky Luke » ou « Pyromane », vous abordez des thèmes féministes et les féminicides. Maeva j’ai lu que tu avais beaucoup lu sur ces sujets. Pourquoi avez-vous choisi de les aborder dans cet album ?
Hugo : Nous en parlons beaucoup avec notre entourage, et nous sommes profondément engagés dans cette cause. Nous avions envie d’en parler. Pour « Pyromane », c’est aussi parce que nous avons été personnellement touchés par une histoire de #MusicToo, et nous nous adressons un peu à la personne concernée, tout en nous adressant à ceux qui abusent de leur pouvoir.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Hugo : Déjà, on a sorti l’album hier, donc ça, c’est fait (rires). On a une tournée prévue qui se boucle pour 2024, et on espère faire un maximum de festivals. Jouer à l’étranger aussi, on a hâte. On a déjà eu la chance de jouer à l’étranger, c’était dingue. On bassine pas mal notre équipe avec ça, parce que c’est toujours vraiment génial de visiter le monde avec la musique, on aimerait pouvoir continuer.
Bandit Bandit sera en concert le 28 novembre à La Maroquinerie à Paris et en tournée dans toute la France.