Octave raconte le passage douloureux de l’enfance, au monde sérieux. Questionnements, solitude et souvenirs sont habillements convoqués dans ce court-métrage de Lili Papamiltiadès à travers le jeu d’Alexandre Desrousseaux. Lauréat du prix du jury Arda-Adami au Festival Jean Carmet, il nous a accordé un peu de son temps. Rencontre.
Suivi par ses amis imaginaires, Octave tombe en panne et se rend à l’hôtel. Il y rencontre Anna, qui vient de quitter son métier pour se consacrer à la photographie.
Bonjour Alexandre, tu es nommé en tant que jeune espoir, pour ton rôle dans le court-métrage Octave. Peux-tu nous présenter ton personnage ?
Effectivement, je joue Octave dans le film éponyme, écrit et réalisé par Lili Papamiltiadès. C’est l’histoire d’un jeune homme un peu perdu dans sa vie, qui est à ce fameux tournant vers l’âge adulte. Il a du mal à se détacher de son enfance, pour de multiples raisons, et on le suit en quelque sorte dans son apprentissage des responsabilités, sa séparation de l’adolescence.
Comment as-tu rejoint cette réalisation ?
C’est un très heureux hasard. Je dois avouer qu’en règle générale, je regarde très peu le Nikon Film Festival. Pourtant, je suis tombé un jour sur Yiorgos — qui a été récompensé par le prix du jury en 2020 – et j’ai tout de suite pensé « Putain, elles ont réussi en deux minutes vingt à ce que je me dise : ce sont des réalisatrices avec qui j’aimerais travailler un jour ».
Je me suis donc intéressé aux parcours de Lili Papamiltiadès et Marion Grépin. Deux semaines plus tard, Antoine Playoust, qui est le responsable de la production chez Cowboy Films, m’appelle. « Nous produisons le prochain court-métrage de Lili Papamiltiadès, on aimerait te proposer de la rencontrer, est-ce que ça te dirait ? ». Il m’a présenté son travail. Mais ce qui était dingue, c’est que moi, je savais déjà tout ça, puisque j’étais tombé sur son film deux semaines auparavant. J’ai dit oui. Direct. Dans ma tête, peu importe ce qu’elle avait écrit, j’avais envie de travailler avec elle, pour son univers et son intelligence.
Et puis il y a aussi un côté romanesque à tout ça, parce que c’est un peu la première fois que je me suis retrouvé dans cette situation. J’ai bien sûr déjà travaillé avec des metteurs en scène, avec qui ça a été génial de tourner. En revanche, c’était la première fois qu’un metteur en scène avec qui je m’étais fait la réflexion de vouloir travailler, me propose quelque chose. Voilà l’heureux hasard de mon arrivée sur le film.
De bien jolies circonstances ! Tu aurais donc suivi Lili Papamiltiadès sur n’importe quel scénario ?
Je pense que j’aurais probablement accepté n’importe quel scénario. Évidemment, celui-ci m’a séduit, je l’ai trouvé superbe à lire.
C’est toujours un peu difficile un format court : c’est plus compliqué de raconter un début, un milieu, une fin. Ce que j’aimais dans cette narration, c’est qu’on ne se posait pas la question. On racontait juste une histoire, on prenait ce moment de la vie d’un mec et on le racontait. Le moment que Lili a choisi, je le trouve intéressant. On en a beaucoup parlé et on est allé chercher le personnage. Comme je suis arrivé assez tôt sur le projet, j’ai vu des phases de réécriture, de petites modifications de la part de Lili, pour réussir à trouver ce personnage et je suis très content de ce qu’on a produit.
L’histoire aborde le deuil d’une époque. Une très belle phrase du film dit que « la tristesse ne s’amoindrit pas, mais l’on apprend à la partager ». Comment aborde-t-on un tel sujet, pour nourrir son personnage ?
Certains diraient que pour jouer un personnage qui a perdu sa mère, il faudrait avoir l’idée de ce que c’est de perdre sa maman. La vérité à mon sens, c’est que tant que tu ne l’as pas vécu, tu ne peux pas le comprendre. Donc dans mon cas, j’essaie de rapprocher mon degré de tristesse et d’empathie, le plus possible de celui de mon personnage. Mais ça, je ne peux le faire qu’à partir de mes expériences de vie. Donc il m’arrive d’essayer d’incarner, ce que je n’ai parfois jamais vécu. C’est de cette manière que j’ai abordé une partie d’Octave.
Au-delà de son deuil et sa tristesse, il y a également ce moment qu’il vit entre deux générations. Ce ressenti-là, je le connais davantage. Je me sens adulte, parce que j’ai 25 ans et que je paye mon loyer ou que je fais mes courses. Mais souvent, je me rends compte que j’ai encore ce besoin d’être entouré de gens plus responsables que moi. En ce sens, j’ai pu, par instances, me reconnaître dans le personnage d’Octave. Sa situation, à mi-chemin entre deux mondes, me parle.
En parlant de mondes, peux-tu me parler de la figure des musiciens russes, récurrents dans Octave ?
Je les adore ces musiciens russes dans le film. Je pourrais presque avouer que je suis jaloux (rires). Non en réalité, j’adule cette idée, je la trouve extra ! Ça va complètement avec Lili et son univers, je trouve que ce « détail » permet de mettre en évidence la réflexion du personnage : bien plus occupée qu’il n’y paraît. Comme pour montrer la complexité d’un humain et de ses pensées. Même si les gens sont taiseux, il se peut que leurs esprits soient bavards.
Pour moi, ces musiciens représentent tout ce qu’Octave pense, mais qu’il tait. Une image assez joviale finalement, à travers le prisme musical. C’est habilement fait : il se sent seul, mais il s’accompagne de pensées. Et ces pensées semblent joyeuses. On parle d’un jeune qui a appris à vivre avec sa solitude en s’inventant quelque chose qui n’appartient qu’à lui : sa bande de musiciens russes. C’est original, et plutôt poétique.
Dans l’hôtel, quelques notes de Lou Doillon ou Dalida résonnent, mais à l’extérieur, c’est le groupe de musiciens russes qui rythme la narration. Cet hôtel à l’esthétique habillement feutrée et distinguée, c’est une composante importante, pour se fondre dans l’humeur de ton personnage ?
Oui, absolument. Ce qui est pertinent dans cet hôtel, c’est son décor aux accents difficiles à définir. On ne se rend pas compte dans quelle époque on est. Le genre d’hôtel qui a une décoration qui ne vieillit pas, probablement empruntée aux années 70’s avec les moquettes et les papiers peints. La première fois que j’ai lu le scénario d’Octave, je me suis demandé si les personnages qu’Octave rencontre, étaient réels. Je me demandais si on n’était pas juste dans son univers.
Ça marche d’autant mieux, si on se pose la question de la temporalité dans cet hôtel. Fait-il jour ? Fait-il nuit ? On pourrait être dans les années 70, ou bien à l’ère actuelle. J’aime cet aller-retour entre son imaginaire et la réalité. En tant qu’acteur, ça m’a beaucoup plu d’être dans ce décor, pour aborder le personnage.
Tu soulèves la temporalité. À ce propos, quels avantages trouves-tu au format du court-métrage ?
J’aime l’idée que ce soit une rencontre avec un réalisateur, avec une équipe – qui est différente sur un long métrage. Les enjeux ne sont pas les mêmes : les films sont moins faits pour la salle habituelle, plutôt pour des festivals. C’est un exercice qui concerne pas mal de réalisateurs en début de carrière, et je dois dire que j’aime beaucoup être convié à ce moment-là.
Le court, c’est un format dans lequel les gens se permettent encore beaucoup de choses. Il y a moins de contraintes, de règles scénaristiques établies pour qu’une narration fonctionne. Le court-métrage est plein de bonnes surprises, je pense que c’est pour ça que j’apprécie en faire, et que j’en referai certainement.
Une particularité du court aussi, c’est cette tendance à l’absence d’introduction et de conclusion. C’est régulièrement au spectateur de se les figurer. Il ne faut pas en faire une généralité, mais c’est vrai que ce format éveille souvent un grand nombre de questionnements auprès du spectateur.
Comment s’est construit ton attrait pour le cinéma ? Y a-t-il une personne qui a eu un impact résonnant dans ton parcours ?
On ne peut faire mieux : c’est une jolie anecdote, puisque la femme dont je vais parler est actuellement présente au Festival Jean Carmet. Il s’agit de Tatiana Vialle-Nuytten, que je n’avais pas revue depuis longtemps.
Je viens d’un village qui s’appelle Montfort-l’Amaury dans les Yvelines et il se trouve que, Tobias Nuytten était mon meilleur ami d’enfance. Pendant les vacances, il n’y avait pas beaucoup de choses à faire dans nos petites villes. Alors, sa maman qui n’est autre que Tatiana Vialle, a entrepris d’organiser un stage de théâtre. Tobias m’a proposé d’y participer, ce que j’ai fait.
À la suite de ça, Tatiana m’a proposé de passer une scène. J’ai eu le rôle en question, sur une série de téléfilms qui s’appelle Tango, avec Audrey Fleurot et Arnaud Giovaninetti. Je me suis trouvé un agent de façon très pragmatique à l’origine, pour signer mes contrats. Et puis, il m’a proposé de passer d’autres castings, et c’est comme ça que j’ai commencé le cinéma, grâce à Tatiana.
Et comment ça continue pour toi alors ?
Je serai à l’affiche du prochain film de Fred Cavayé avec Dany Boon, Jérôme Commandeur, Claire Chust et avec la participation de Grégory Gadebois et Marie-Anne Chazel. Il sortira le 21 février 2024.
Octave, disponible sur Canal + OCS et Universciné