Blooming Girls, c’est cinq amies qui décident, la même année, de faire l’amour avec quelqu’un pour la première fois. Destiné à un public d’adolescentes, ce shojo aborde avec une grande intelligences les problématiques liées au corps et au désir.
Parler de la sexualité d’adolescentes aux plus jeunes, sans tabou ni clichés. C’est le pari réussi que fait le manga Blooming Girls. Le lecteur y suit le parcours de la jeune Kazusa, membre du club de littérature de son lycée avec ses amies Rika, Niina, Hitoha et Momoko. Parfois, ce petit groupe s’amuse à lire avec délectation des ouvrages qui évoquent les plaisirs de la chair. Un interdit qu’elles franchissent sans pour autant se questionner sur leurs propres désirs. Jusqu’au jour où Niina annonce qu’elle veut savoir ce que cela signifie « de faire l’amour » avant de mourir. L’adolescente explique vouloir franchir le pas dès cette année ! Les jeunes filles vont donc se mettre en tête de « passer à l’acte ». Le début, pour les protagonistes, d’une quête remplie de questions sur leur corps et leurs envies.
L’autrice renvoie le lecteur aux premiers émois que suscite la découverte de la sexualité chez les adolescentes. Plusieurs clichés sont abordés, comme la déchirure de l’hymen pendant l’acte qui provoquerait une intense douleur ou encore, la prétendue odeur qu’aurait le sexe féminin. Ces interrogations sont abordées avec simplicité au travers des discussions entre les cinq amies.
Éducation sexuelle
Les délicats dessins de Nao Emoto (Josée, le tigre et les poissons) viennent illustrer leurs questionnements et aventures de façon réaliste et comique. Par exemple, Kasuza surprend un après-midi son voisin et ami d’enfance du même âge, Izumi, en train de se masturber. Ce dernier est découvert en pleine action dans sa chambre, assis devant son bureau mal rangé, encore vêtu de sa chemise d’écolier. Kasuza hurle de surprise avant de s’enfuir tandis que lui, avec son visage de poupon, rougit de gêne. Une situation ridicule mais criante de vécu, qui permet à tout adolescent·e ou ex-adolescent·e de s’y retrouver, filles comme garçons.
Blooming Girls a par moment des airs de la série britannique à succès Sex Education, diffusée sur Netflix. Le protagoniste Otis, fils d’une sexologue, s’improvise thérapeute dans son lycée et conseille une galerie de personnages sur les doutes qu’ils ont à propos des rapports sexuels ou de leurs relations. Dans la série, comme dans le manga Blooming girls, les adolescents sont seuls face à cette découverte de la sexualité et, le plus souvent, ils reçoivent peu de réponses de la part des adultes.
Un sujet encore tabou
Ainsi, l’héroïne du manga, Kasuza, demande un soir à ses parents comment elle a été conçue. Mais ceux-ci font mine de ne pas comprendre le véritable sens de sa question. Ils ne lui parlent que du bonheur qu’a suscité chez eux sa naissance. Rien d’étonnant malheureusement lorsque l’on sait qu’au Japon le sujet de la sexualité reste tabou. En novembre 2022, le correspondant du journal le Monde à Tokyo, Philippe Mesmer, présente le nouveau spectacle de la dramaturge japonaise Yuri Yamada. Il décrit comment celle-ci a mené, jeune adulte, tout un travail pour se découvrir et connaître le fonctionnement de son corps. En cause, souligne le journaliste, l’absence de cours d’éducation sexuelle durant leur scolarité pour les enfants japonais. Dans certains manuels nippons même, il n’est pas rare que les croquis destinés à présenter l’anatomie d’un corps féminin ou masculin soient présentés habillés plutôt que nus.
Néanmoins, cette absence de cours d’éducation sexuelle est loin de concerner la seule société japonaise ou britannique. En France, seules trois séances annuelles sur la question sont organisées dans les classes de collège et de lycée. Une approche jugée encore insuffisante par bien des associations. D’autant que ces séances ne sont pas toujours réellement mises en place par les établissements. C’est pourquoi, l’autrice et la dessinatrice de Blooming Girls apportent quelques réponses bienvenues aux adolescentes. Au travers des aventures plus vraies que nature de Kasuza et de ses pairs.
Blooming Girls de Mari Okada et Nao Emoto, éditions Delcourt, 7,29 euros.