ARTThéâtre

« Authentique » – David Castello-Lopes, multiformats

David Castello-Lopes
© Thomas O'Brien

Le journaliste-blagueur se lance sur scène avec un premier seul en scène autobiographique. Un spectacle très soigné, dans lequel on eût apprécié que Castello-Lopes s’égratigne un peu plus.

La première blague – qui pique à la fois les juifs et les Portugais – est un peu limite. Elle est limite, mais David Castello-Lopes peut se la permettre. Comprenez, il est juif et d’origine portugaise. Il bénéficie du fameux « totem d’immunité », annonce-t-il à la salle, goguenard sur scène. Après cette première vanne, des images projetées sur un écran au fond de la scène, dans lesquelles le journaliste-humoriste, dont le visage angélique se prête décidément à toutes les parodies, se met en scène en conquistador portugais. Depuis ses débuts, David Castello-Lopes adore ne pas se prendre au sérieux. Ce spectacle est le point d’orgue de ce travail d’autodérision. Authentique, ce sera un spectacle qui dit la vérité, la vérité sur son auteur et interprète, David Castello-Lopes, et qui répondra au passage à quelques questions existentielles que l’on se pose. Car l’homme est passionné de vulgarisation. Et les questionnements en tous genres – des plus épineux aux plus stupides – ne l’effraient pas.

Au début, on est un peu surpris de constater que le joyeux luron se produit en spectacle. L’homme est journaliste de profession. Il a notamment contribué à lancer le service vidéo du quotidien Le Monde, écrit pour Le Gorafi et été chroniqueur sur diverses émissions de télé et radio. David Castello-Lopes a acquis une reconnaissance du grand public avec sa pastille mi-humour mi-journalisme pédago Intéressant, diffusée chaque semaine dans le magazine 28 minutes, diffusé sur Arte. Plus récemment, on a ouvert au journaliste les portes de la très prestigieuse matinale de France Inter, pour décliner à la radio son concept : une question, une réponse, avec au passage un petit ton décalé et quelques vannes bon ton. Si son travail a toujours été plutôt drôle – chacun de ses sujets mélange autodérision et un humour très second degré, proche des mèmes que l’on voit défiler sur internet -, il fallait sauter le pas.

La même chose, mais sur scène

Sur scène, le dispositif est le même que pour les chroniques qui l’ont rendu célèbre : quelques minutes de prise de parole et entre chacune, des vidéos projetées. Le ton adopté sur scène, à mi-chemin entre ses pastilles sur Arte et un TedX, se veut un peu professoral. Le ton idéal pour créer le décalage – sa marque de fabrique. Entre ce qu’il dit (ou avoue) et la manière dont il le dit, un énorme fossé prête toujours au rire. Ainsi, Castello-Lopes se souvient pêle-mêle de plusieurs épisodes gentiment embarrassants de sa vie, par exemple lorsqu’en plein entretien avec François Hollande il perd le fil et se met à penser à autre chose. Ni une ni deux, un passage de ladite interview est diffusé sur scène. L’extrait fait merveille – Castello-Lopes en a plein sa besace.

Pour illustrer sa vraie fausse conférence gesticulée, le journaliste se met lui-même en scène en vidéo. Entre deux anecdotes bien senti dîtes par Castello-Lopes, une vidéo de Castello-Lopes façon mème d’internet. Comme lorsqu’il évoque le très intello concept de «  bien positionnel » – concept sociologique tiré des thèses de Thorstein Veblen : ce sont ces objets que l’on achète pour montrer aux autres que l’on a de l’argent, du pouvoir, ou les deux – et qu’il diffuse, juste après son «  hit » fait maison : « Je possède des thunes ».

Au cours de cette petite odyssée autobiographique, le journaliste revient un peu sur son parcours : un père photographe, des études à Berkeley (à l’époque, il a fait imprimer une carte de visite tout spécialement pour montrer qu’il a étudié dans la prestigieuse université), une vie de bon garçon. On rit volontiers avec le journaliste-comédien de ses blagues sur lui-même. Il avoue pêle-mêle, avec ce ton pédago et un peu surjoué qu’on lui connaît prononcer les «  a » avec un accent de riche, n’être ni beau ni moche, avoir distribué pendant des années des cartes de visite périmées pour montrer à tout le monde qu’il avait bel et bien étudié à Berkeley.

Garçon bien élevé

Si le spectacle est drôle, Castello-Lopes le doit à son grand talent pour questionner nos conventions. Lui-même avoue se poser des questions idiotes partout, tout le temps (l’éleveur sur la bouteille de lait au supermarché est-il vraiment éleveur de vaches ?). Grand spécialiste de la vulgarisation, il décrypte en même temps qu’il se confie de petites manies ridicules qui concernent tout le monde : vouloir briller devant les filles – ça ne fonctionne pas toujours – acheter des vêtements chers, essayer de frimer… Tout le monde est passé par là, tout le monde se reconnaît.

L’inconvénient, c’est que David Castello-Lopes, qui assume et revendique ce statut de bon-garçon-pas-vraiment-révolutionnaire, ne s’égratigne en fin de compte pas tant que ça. Il faut être un peu mégalo pour monter sur scène et raconter sa vie. Les meilleurs seuls en scène assument et revendiquent cette mégalomanie. On aurait aimé que le journaliste fasse pareil et donne à voir encore plus de son excentricité. Ce qu’il confesse sur scène – et qui nous amuse la plupart du temps – est bien un peu honteux. Mais pas tant que ça. Par exemple, lorsqu’il confie avoir un physique moyen, le journaliste ment un peu. David Castello-Lopes il est plutôt beau garçon. Ses pastilles gaguesques sont bien un peu ridicules, mais pas tant que ça. Au fond, tous les rires sont très acceptables. Comme notre homme. C’est cette dernière retenue de garçon bien élevé – et peut-être la différence entre journaliste et comédien – , qui l’empêche d’obtenir le fou rire ultime. Celui qui vient des tripes.

Si le spectacle est frustrant à certains égards, il n’en est pas moins réussi. Ce qui le sauve, c’est le travail immense abattu par David Castello-Lopes avant de monter sur scène. Au-delà des scènes de grimaces – rigolotes -, le journaliste a pris grand soin de reconstituer chacune des séquences dont il parle. En vrai pro de la vidéo, tout a été pensé pour être illustré, avec un niveau de détail qui force le respect. Lorsqu’il se prend à imiter une séquence dans laquelle Emmanuel Macron visite le parking d’une ville de Province, le blagueur se rend sur le même parking désert. Même plans du président de la République, même mimiques au millimètres près. A ceci près qu’il est seul et dans un lieu désert. Ridicule et excellent. La séquence est à l’image de son spectacle. Cet humour-là est souriant et très bossé. Chez David Castello-Lopes, le perfectionnisme est authentique.

Authentique, un spectacle de David Castello-Lopes. En tournée partout en France. Le 1er novembre à l’Ecrin de Talant, le 3 novembre au Palais Neptune de Toulon, le 10 novembre aux Folies Bergères à Paris, le 21 novembre à la maison de la Culture de Clermont-Ferrand et le 30 novembre à la Comete/Le passana de Saint-Etienne. Informations et réservations.

Journaliste

You may also like

More in ART