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Rencontre avec Fishbach : « L’objectif du live pour moi c’est de jouer de l’instant »

un portrait de Fishbach, habillée en noir
© Eva Duc

Plus d’un an après la sortie de Avec les yeux, Fishbach continue de tourner à travers la France. De passage au Biches Festival, l’artiste nous a confié son envie de changement, sa passion pour le métier de DJ ou encore son rapport au succès. Rencontre.

Tu as sorti deux albums, parcouru la France pour tes tournées, aujourd’hui tu es dans quel état d’esprit ? 

J’ai clairement envie de changer. C’est ma dernière tournée avant un moment, ce n’est pas une tournée d’adieu, je n’arrête pas la musique mais je vais me consacrer à d’autres facettes de ce métier. D’ailleurs au départ je ne voulais même pas faire un second album, je voulais faire plusieurs EP et embrasser cette époque où tout va plus vite. Malheureusement, mon ancienne maison de disque m’a poussée à devenir une chanteuse de variété que je ne voulais pas être. Aujourd’hui je suis séparée d’eux et j’ai enfin compris la musicienne que j’étais et celle que je ne voulais pas être. 

C’est-à-dire ? 

Je veux refaire de la musique comme quand j’ai commencé, avec toutes les erreurs que ça implique. J’ai envie d’aller vers plus d’improvisation, plus de collaborations. Et sortir du format un album – une tournée. Le monde a vraiment changé et notre rapport à la composition, au public et à la délivrance aussi. Récemment, j’ai eu la chance de pouvoir improviser dans des clubs, notamment au Silencio, et j’ai retrouvé mes premiers amours de la scène. L’objectif du live pour moi c’est de jouer de l’instant. Et quand on fait des tournées classiques c’est plus dur. Le quatrième mur est davantage présent. À l’époque, on testait nos morceaux en live. Maintenant on ose plus le faire parce que les gens filment, tout reste gravé. On n’a plus le droit à l’éphémère, à l’impromptu.

Tu as rencontré le succès rapidement, ça n’a pas été trop rapide pour toi ?

Si, ça a été plus vite que ce que j’étais capable d’encaisser d’ailleurs. Je suis hyper contente que mon quotidien soit de faire de la musique. Mais je ne pourrai jamais faire tous les sacrifices que mes amies qui sont dans les charts font en permanence. Je ne fais pas de la musique pour arrondir les angles ou être aimée. D’ailleurs, je ne veux pas être une star et avoir une vie de succès.

Qu’est-ce qui te dérange dans la notion de succès ? 

Quand je vois les destins de grandes stars, mais aussi de gens que je connais intimement, je vois que ça peut briser. Notamment la créativité, et ça me terrifie. Typiquement, un truc tout bête mais me faire applaudir est toujours très gênant. Je ne peux pas l’empêcher ça serait impoli, les gens se taisent pour t’écouter, et ensuite ils expriment leur joie. Mais ça me gêne énormément. Alors qu’il y a beaucoup d’artistes qui aiment tellement le live qu’ils sont en jouissance totale au moment des applaudissements, ça se voit sur leur visage. 

Lors d’une précédente interview tu m’avais confié que ton deuxième disque était moins amoureux que le premier, plus trentenaire. Tu es toujours d’accord avec ça ? 

Le premier disque était dans l’attente amoureuse, le deuxième c’est la femme qui part, qui s’assume. Pour un tas de raisons, ce deuxième disque a été très malheureux. J’ai notamment eu une séparation sentimentale qui m’a bouleversée. J’ai passé les interviews à prouver que je tenais la barque alors que j’étais dévastée. Je disais des choses et je pensais l’inverse au fond de moi. Désormais je suis guérie, je n’ai plus de pudeur à en parler. Au départ je voulais en faire une chanson, mais ça m’aurait empêchée de m’en débarrasser. Alors j’ai décidé d’amener mon histoire personnelle vers l’universel.

Tu fais de plus en plus de DJ sets, qu’est-ce que tu préfères dans cet exercice ? 

Ce métier de DJ est incroyablement excitant parce que je sais qu’on va se marrer. Alors que ma musique c’est dur. Ça me fait du bien de la faire sur le coup, pour exorciser, mais sur la durée c’est plus compliqué. Il y a plein de gens qui détestent le fait que je sois DJ, mais moi j’y trouve beaucoup plus d’échanges qu’avec le live. Avec le live j’arrive, je fais le truc et si ça ne plaît pas malheureusement c’est pareil. Alors qu’avec le DJ set, je peux m’adapter. Je n’arrive jamais avec un set très prêt, je sais à peu près à quelle heure je vais jouer et quel genre de public je vais avoir devant moi mais c’est tout. Surtout, je peux me rattraper, faire des pirouettes. J’ai le sentiment que la chanson, c’est un truc très personnel et impudique. Alors que la musique qui nous rassemble, ça c’est le vrai boulot social, mon vrai rapport aux autres. 

Tu te sens plus créative dans les moments difficiles ? 

Une fois, mon copain Voyou m’a dit « Tu sais Flora, quand tu vas pas bien c’est un peu ton fonds de commerce », ça m’avait choquée sur le moment. Je m’étais dit « Il faut que j’aille mal pour gagner ma vie en fait ». Je préfère être pauvre et heureuse ! Je n’ai pas envie de porter mon malheur comme un étendard. C’est comme les gens qui font de leur militantisme politique leur publicité, je trouve ça dégueulasse. Ce qui nous réunit encore aujourd’hui, à une époque où on est tous devant nos écrans, c’est la joie. 

Et le cinéma, ça en est où ?

Je suis à nouveau comédienne dans un film, et j’adore ça. C’est un aparté dans ma vie, c’est ne plus être soi pendant quelque temps, explorer nos possibilités. Et surtout se mettre au service d’un projet qui n’est pas le sien. Parce que « moi moi moi » c’est bien cool mais c’est fatiguant. J’apprécie le fait d’être un rouage de quelque chose. Je ne suis pas une très bonne cheffe d’ailleurs, j’aime bien mener ma barque mais aussi me mettre au service des autres. De manière générale, je cherche l’expressionnisme pur. 

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