Accompagnée par le Chantier des Francofolies depuis 2022, Yoa ouvrait pour November Ultra le samedi 15 juillet de cette 39e édition des Francofolies de La Rochelle avant de mettre le feu à la scène Jean-Louis Foulquier en intercale. Rencontre.
Quelques mois après la sortie de son EP Chansons tristes, Yoa dévoilait début juillet, juste avant les Francofolies, une réédition Chansons (+) tristes augmentée de trois nouveaux morceaux. Sur les scènes rochelaises, la chanteuse à la voix suave n’a fait que confirmer qu’elle est la nouvelle reine de la pop française. Investissant tout l’espace en robe blanche, dansant entre les jeux de lumière, elle livre avec une parfaite impudeur ses états d’âme et de corps. Si nous étions déjà conquis par ses chansons, Maze a pu discuter avec Yoa de réconfort, de scène et de son accompagnement au Chantier des Francofolies.
Il y a quelques jours, tu as sorti une réédition de ton EP Chansons tristes, intitulé simplement Chansons (+) tristes avec trois nouveaux titres. Et en même temps tu chantes « Mes chansons sont moins tristes »… C’est paradoxal non ?
La chanson où je dis que « Mes chansons sont moins tristes », j’ai tenté d’écrire une chanson un peu réconfortante. Cette réédition est très mélancolique. Et dans la mélancolie, il y a deux choses, l’envie d’aller mieux, l’espoir et en même temps la grande tristesse et pour moi c’est un condensé de ça.
C’est drôle car quelque part toutes tes chansons sont réconfortantes pour celle ou celui qui les écoute. Ça s’inscrit dans le fait d’oser parler de ces tristesses sans tabou. Est-ce que c’est quelque chose que tu as en tête quand tu écris ?
Ça me fait plaisir mais je n’y pense pas trop. J’écris de manière très instinctive. Je ne me dis jamais que j’écris pour réconforter ou pour un autre sentiment précis. J’écris, ça me vient comme ça et puis si ça peut réconforter les autres, c’est super. C’est encore mieux si ce n’est pas voulu et que ça se fait naturellement. Beaucoup de gens m’ont dit que mes chansons les accompagnent, les aident, leur font du bien.
Et est-ce que ça te réconforte toi, d’écrire ces chansons, de les chanter ?
Oui il y a une part de réconfort mais j’essaie d’être très terre-à-terre avec ce métier. Pour moi, c’est un travail donc c’est fou si les gens trouvent du réconfort dedans. Mon réconfort, je ne le trouve pas forcément dans l’écriture ou dans la scène. Je peux le trouver quand je suis avec mon copain et que je regarde un film.
D’ailleurs, tu as commencé au théâtre et tu as mis du temps à montrer les chansons que tu écrivais dans ton coin c’est bien ça ?
Oui, je faisais du théâtre avant. Je n’ai jamais voulu les montrer J’avais écrit deux/trois morceaux parce que j’aimais bien chanter dans mon coin. Je n’avais pas comme but de les montrer ou de les partager. Et puis, un jour, je me suis mise au piano et j’ai joué ces deux/trois chansons devant Tomasi, qui est mon copain dans la vie. Lui, était déjà musicien professionnel et il m’a dit, « tu ne veux pas qu’on essaie de faire une prod ensemble ? » Je trouvais ça marrant comme une activité de couple. Et au bout d’un moment, le théâtre, m’a un peu lassé à cause du Covid. Je n’arrivais plus à jouer ni à bosser. J’étais en école de théâtre et les écoles étaient fermées. Donc, j’ai commencé à essayer de faire de la musique comme ça mais à le faire bien. Et aujourd’hui, j’en suis là.
La scène semble très importante dans ton projet. Tu es seule et tu habites tout l’espace, tu bouges, tu danses, tu cours… Est-ce que le théâtre a pu influencer ta présence sur scène ?
Je ne pense pas que j’ai toujours voulu être chanteuse ou comédienne, mais j’ai toujours voulu faire de la scène. La performance comme moyen pour transmettre l’art, c’est ce qui m’a toujours le plus ému dans la vie. Les concerts de grandes pop stars américaines m’ont toujours fait kiffer, c’est ce qui m’a donné le plus d’émotion. Je ne sais pas pourquoi mais c’est comme ça. Et je pense que c’est ça que j’ai toujours voulu faire. Avec la musique, ce qui est fou et que tu n’as pas quand tu es simplement actrice, c’est que tu es aussi metteur en scène. Tu décides de tout et c’est toi qui montes ton spectacle. Tu es créateur autant que moyen.
C’est important pour toi d’avoir cet aspect-là ?
Oui, je pense que c’est ce qui m’a toujours déplu dans le théâtre. Quand tu es actrice, c’est bien, mais si personne ne t’appelle, tu ne travailles pas. Alors que là, c’est plus sympa de tout gérer.
Est-ce que tu dirais qu’il y a une part de politique dans ton travail, dans tes paroles, dans ta musique et surtout dans le fait d’être une femme qui assume de s’exprimer sans tabous ?
Oui, c’est sûr, je suis une femme, je suis métisse et je chante sur le sexe donc mon existence est politique. Après pour moi, la scène n’est pas le lieu de la politique. J’en fais autrement, peut-être à travers mes paroles mais je ne veux pas revendiquer des choses. Ça se fait parce que je suis une femme, je suis sur une scène et il y a des pays où c’est impossible de le faire, donc dans cette mesure-là, c’est déjà politique.
Et en même temps tu laisses passer des messages qui peuvent aussi aider des jeunes filles qui n’oseraient pas assumer certaines choses. Tes chansons peuvent avoir un impact non ?
Carrément. Je pense que si j’avais eu un modèle en France qui me ressemble rien que physiquement en grandissant, je me serais épargnée beaucoup de problèmes avec mon corps, avec ma tête donc c’est sûr que si ça peut aider. C’est génial. Encore une fois, si ça le fait naturellement, c’est tant mieux. J’aurais du mal à le revendiquer personnellement. Mais si ça aide des personnes, c’est tout gagné.
Il y a une vraie diversité musicale dans tes chansons. Tu fais de la pop, mais tu n’hésites pas à te tourner vers le reggaeton et même l’électro…C’est important pour toi aussi de mélanger les styles musicaux ?
Pour moi, ce n’ est pas que c’est important, mais c’est juste que ça se fait comme ça parce que moi, je pense que c’est à la fois une chance et peut-être une faiblesse, mais j’ai pas un style de musique super défini, super cadré, super précis. Pour moi, c’est une chance et une liberté parce que je peux faire un peu tout ce que je veux. Dans l’EP, il y a de la chanson. Là, avec la réédition, il y a de l’électro hardcore et du reggaeton. Enfin, il y a un peu de tout.
La pop permet ça. Les chanteuses de pop se permettent d’un album à l’autre de changer complètement de direction artistique et d’aller vers quelque chose de plus house, comme Beyoncé récemment, ce qu’elle ne faisait pas du tout il y a dix ans. Je pense que c’est cette liberté qui me plaît dans la pop de ne pas être attachée ou accrochée à un style de musique en particulier et de pouvoir aller un peu partout. Mais toujours avec une base de chansons. C’est ça qui fait l’essence de la pop-musique !
Et avant d’être ici, tu as participé au Chantier des Francofolies, qu’est-ce que ça t’a apporté comme expérience ?
Ça m’a apporté énormément de choses à tous les niveaux. C’est un endroit qui est fou pour les jeunes artistes. Pour les gens qui ne savent pas ce que c’est, le Chantier est un programme d’aide pour les artistes émergents où il y a une sélection d’artistes qui va être accompagnée par les Francofolies de La Rochelle, avec des résidences au cours de l’année et des intervenants.
Pour avoir fait plusieurs programmes d’aide, l’année dernière, quand j’ai commencé mon projet, celui-ci est le seul où quand tu sors de ta semaine de résidence, tu as appris un an de travail en une semaine. Tout est fait pour le bien-être de l’artiste. Il y a une masseuse, une sophrologue… et à tous les niveaux, d’un point de vue technique, artistique, mais aussi administratif. On parle des relations avec les labels… Je conseille à tous les artistes émergents de tenter leur chance !