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Francofolies 2023 – Thierry Larose : « J’ai voulu arrêter d’être un chanteur qui ne s’assume pas »

Thierry Larose
© Léa Goujon

Lauréat du Prix Félix-Leclerc 2022 aux Francofolies de Montréal, le chanteur québécois Thierry Larose était invité à traverser l’Atlantique pour venir se produire sur la scène Rochelle Océan.

Maze l’a rencontré pour parler de son génial deuxième album Sprint ! sorti en mars dernier, où d’après lui, il assume enfin d’être un interprète. Rencontre.

Ce qui apparait en premier dans Sprint ! mais c’était déjà le cas pour ton premier album, c’est l’aspect très littéraire de tes textes, l’idée de raconter une histoire et d’embrasser la langue. Tu peux nous parler de ton écriture ? 

Je crois que pour la plupart des chansons du nouveau disque, j’ai écrit le texte en premier. Ce qui était relativement nouveau, c’était moins le cas avant. Je me forçais pour qu’il y ait une espèce de narration entre les couplets. Au départ, c’était implicite, mais ça me plaisait de plus en plus. Et il y a une bonne partie du disque qui a été écrite pendant la pandémie. J’avais le temps de lire et de regarder des films. Je pense que ça apparaît un peu dans les chansons. Après le style littéraire, ce n’est pas complètement conscient. 

Tu veux dire que tu n’y penses pas quand tu écris ?

Non. J’essaie toujours de servir la chanson. Je pense qu’une chanson, elle existe quelque part dans l’univers et tu l’attrapes. Il y a des chansons comme ça. Sur le disque, il y a une chanson qui s’appelle « Parfaitement intacte ». C’est le genre de chanson qui a toujours existé et qui va toujours exister. Il faut juste grandir l’antenne en quelque sorte. Après ça, c’était hyper facile à écrire. Ça sonne un peu ésotérique, mais c’est formellement très clair. C’est un peu le portrait d’une fille. Au final, Sprint !, dans l’idée, c’est un disque de chanteur. Ce que j’étais moins avant, mais que je voulais assumer davantage.

Justement, tu parles de chanson mais au niveau des arrangements, tu as une grande liberté. Musicalement, ton style passe du rock, à la balade, et il y a même un peu de bossa nova

Ce n’est pas un disque très uniforme, mais ce sont les textes qui relient les chansons. Je pense que ce n’est pas rattaché au genre. Serge Gainsbourg, par exemple, il a pu faire un disque reggae et Mélodie Nelson. Tous mes artistes préférés se foutaient un peu du genre. Mais je pense que leur amour pour l’esthétique de la musique paraissait quand même. C’est une ambition que je partage, avoir mon style très défini, mais pouvoir faire ce que je veux en même temps. Je ne sais pas si c’est comme ça en France, mais au Québec, je remarque que les disques qui sont souvent salués par la critique, ce sont les disques qui sont très identifiables et stylistiquement cohérents. Je voulais faire l’inverse. J’écoutais beaucoup le White Album des Beatles qui tire un peu partout. Je voulais vraiment juste servir la chanson. Il y en a 11 au total. Je voulais que les 11 soient distinctes, mais que chaque décision soit prise en fonction de la réussite de chaque section, de la gravité émotionnelle qu’elle pouvait avoir. Le style ou le genre, c’était en dernier.  

C’est dur d’assumer cette singularité ?   

Non, parce que je suis bien entouré, que ce soit Alex qui réalise avec moi ou mon groupe, on est très omnivore musicalement. On se rejoint sur beaucoup de choses et on est téméraires.

 Tu disais que tu voulais plus assumer l’aspect «  disque de chanteur  », comment tu l’as envisagé ? 

Sur mon premier disque, Cantalou, c’était encore timide. On l’entend. Je pense que j’écoutais plus de musique dite «  à voix  ». J’ai voulu arrêter d’être un chanteur qui ne s’assume pas. Je voulais aimer chanter. Même en spectacle, c’était utilitaire, c’était pour qu’on entende les textes et les mélodies. Avec Sprint !, je voulais incarner davantage. Ce n’est pas venu naturellement au départ, mais plus ça va mieux c’est.  

Tu sens aujourd’hui que tu es plus à l’aise avec cette idée ? 

J’espère que ça s’entend, parce que c’était quand même un long cheminement. Il y a Lou-Adriane Cassidy dans mon groupe, qui joue aussi ici. C’est une très bonne interprète et on a eu beaucoup de discussions et débats là-dessus, elle et moi, au cours des deux ou trois dernières années. Elle joue dans mon groupe et moi dans le sien. À force de faire des concerts avec elle, je pense qu’elle m’a permis de comprendre ce que c’était d’incarner davantage et la magie d’une bonne interprétation. C’est quelque chose qui s’est déclenché au moment de faire Sprint !. Avant, ce n’était pas un paramètre que j’observais quand j’écoutais de la musique ou quand j’en faisais. 

Quelle était ta manière d’écouter et d’en faire alors ? 

J’ai toujours été très dans la structure et dans l’analyse formelle d’une chanson. Ça a toujours été très important. L’écriture méticuleuse était une fierté pour moi et de remarquer quand ça l’était chez les autres aussi. J’ai toujours aimé écrire, jouer et les chansons bien écrites. Mais je ne dirais pas que Sprint ! est mon disque d’interprète encore. Je pense qu’il n’est pas encore arrivé. Je l’ai en moi, mais il n’est pas encore sorti. C’est un pas vers l’avant dans cet aspect.   

Et pour le live, comment tu as traduit ça sur scène ? 

C’est comme s’abandonner. Je pense que je n’osais pas faire ça avant. Je ne voulais pas laisser tomber ma garde. Et là, j’ose plus m’abandonner. J’ai un groupe formidable que je n’avais pas à l’époque où j’ai fait mon premier disque. Maintenant, j’ai un groupe à qui je fais confiance, avec des personnalités distinctes. J’admire leurs jeux et leurs voix. Ça aide à s’abandonner complètement sur la scène car je me sens en confiance.  

C’est important pour toi de jouer ensemble dans les projets des uns et des autres et de créer une connexion entre artistes ? 

Je ne m’attendais pas à ça. Au Québec, c’est plus courant, mais dans notre cas, c’est quand même extrême. Nos calendriers communs sont très chaotiques. Le côté collectif de la musique, c’est crucial à mon sens, surtout quand on s’entend bien sur le plan créatif. C’est rare quand ça arrive. Ça m’a pris des années avant de vraiment connecter avec quelqu’un aussi fort. Là, en plus, c’est avec quatre autres personnes. Je pense que ça s’entend et que ça se voit aussi sur scène. Il y a plus de cohésion, de plaisir et de fougue. 

C’est ta première fois aux Francofolies de La Rochelle, tu es content d’être là ?  

Oui !  On est super bien accueillis. Il fait beau. Et je suis ici parce que j’ai gagné le prix Félix-Leclerc et ça m’a permis de venir chanter, d’avoir ma date de concert. On aurait aimé que ça corresponde à nos autres dates françaises mais c’était impossible malheureusement. 

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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