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Francofolies 2023 – « Dabadie ou les choses de nos vies » : Rencontre avec Clarika, Maissiat et Emmanuel Noblet

Dabadie ou les choses de nos vies
© Léa Goujon

Des répliques cultes de César et Rosalie à la chanson « Rêves immoraux » de Patrick Juvet, les chanteuses Clarika et Maissiat et le comédien/metteur en scène Emmanuel Noblet offrent un sublime hommage aux mots de Jean-Loup Dabadie avec le spectacle Dabadie ou les choses de nos vies, présenté lors de cette 39e édition des Francofolies de La Rochelle. Rencontre.

Qui a eu l’idée de cette création originale en hommage aux mots de Jean-Loup Dabadie ? 

Maissiat : C’est Clarika qui a eu cette idée brillante !

Clarika : Oui, je me suis rendu compte qu’entre les films que j’avais vus petite ou adulte, et les chansons qui étaient des tubes incontournables, il y avait un lien. C’était une personne et c’était lui : Dabadie. Ça faisait longtemps que je me disais qu’il y avait quelque chose à faire autour de cet auteur et de son œuvre qui réunit tout ce que j’aime : le cinéma et la chanson. Quand j’ai eu cette idée, je me suis demandée avec qui j’avais envie de le faire et j”ai pensé à Maissiat.

Maissiat : Quelle chance j’ai eu ! 

Clarika : Et elle a pensé à Emmanuel (Noblet), parce qu’il fallait un comédien et un metteur en scène pour mettre les dialogues en forme. C’est autre chose que de mettre en scène un concert. La petite équipe s’est formée comme ça dans un premier temps, puis un musicien nous a rejoint, Mathieu Geghre. Il est devenu comédien aussi, grâce au metteur en scène, qui lui a concocté un rôle et écrit une partition avec les mots de Dabadie.

Emmanuel Noblet  : Assez vite, l’idée a été de ne pas dire un mot qui ne  soit pas écrit par lui. Les filles ont choisi toutes les chansons en se demandant qui fait quoi, en duo, en solo… Et en me proposant de chanter deux chansons aussi, alors que ce n’était pas ma partie au départ. Ensuite, on a cherché les moments incontournables dans les films, ceux qu’on voulait absolument. Après avoir monté ça, on s’est dit qu’il fallait que Mathieu notre seul musicien joue, parce qu’il y a plein de punchlines très drôles dans les films, et Mathieu est un mec drôle avec beaucoup d’esprit. On voulait qu’il le joue sur scène.  

Clarika : Donc dans un deuxième temps, Emmanuel est allé chercher des dialogues et lui a créé des scènes. 

Maissiat : C’est du sur-mesure quand on connait Mathieu dans la vie, ce qui n’est pas le cas du public. C’est une partition  faite pour lui.  

Emmanuel Noblet :  Et les gens sortent en disant : « mais il est super cet acteur ! »

À travers les mots de Dabadie c’était aussi une manière pour vous de réunir sur une scène la chanson, la musique, le théâtre, le cinéma…  ?

Clarika :  C’était l’envie ! Et de le faire sans aucune projection d’images.  C’est nous qui créons ces images. Emmanuel a imaginé avec  son scénographe un écran qui tourne et qui projette nos images, et où chacun peut se projeter son film. On ne voulait absolument pas de photos d’acteurs ou d’actrices comme Romy Schneider. D’abord parce que la comparaison est impossible. On se confronte quand même à des monstres sacrés. Il fallait désacraliser ça, et puis se l’approprier pour y mettre notre vécu et quelque chose d’universel et de simple.

Maissiat : Et c’est aussi considérer le public, qui ne connaît pas le répertoire de Dabadie. C’est le laisser libre de se faire ses propres images, et aussi de réinventer l’histoire, tout comme nous on l’a fait quand on a écrit le spectacle. 

Emmanuel Noblet : Et ensuite, je me suis dit qu’il fallait que ce soit comme une mise en scène habituelle, où on sert à la fois le texte et ces grands acteurs et actrices n’étant plus là, sauf de rares exceptions, pour faire un hommage du théâtre au cinéma. Chacun se fera ses propres films sur cet écran blanc. Les acteurs ne sont plus là, mais il y a nos ombres à nous, et on fait des images comme ça.  

Il y a donc une vraie création visuelle sur scène ? 

Clarika : On ne pouvait pas l’imaginer autrement. Il y a un écrin, mais qui est simple, et à la fois assez sophistiqué. Ça représente quelque chose d’assez épuré et en même temps qui fait une proposition pour se projeter. 

On peut imaginer que vous avez mêlé l’émotion et la comédie car les écrits de Dabadie étaient situés entre les deux, autant au niveau des scénarios que des paroles de chansons…

Clarika : La comédie, c’est aussi l’émotion, c’est un tout, ça peut être tragique, ça peut être comique.

Emmanuel Noblet : C’est Piccoli qui a mis les deux adjectifs ensemble. 

Clarika : Il disait que Dabadie était mélancomique. C’est très beau, et ça lui va très bien, à lui, mais aussi à tout ce qu’on joue, nous, parce qu’on est toujours balancés entre deux mouvements, et c’est  aussi là-dessus qu’on a aimé jouer. Dans l’écriture et quand on dit ses textes sur scène, il n’y a pas juste une couleur, il y en a plein, il y a toute une palette, et nous on emmène comme ça le public dans ces sentiments-là. 

C’était quoi votre premier souvenir de Dabadie ? 

Clarika : Moi, c’est les films de Sautet. Je pense que c’est César et Rosalie, je crois, le tout premier film que j’ai continué à regarder des milliers de fois. Et puis « La Chanson d’Hélène », bien sûr !

Emmanuel Noblet : C’est la même chose, mais j’ai réalisé autre chose en travaillant l’ampleur de l’écriture des chansons. Je n’aurais jamais pu dire qu’il y avait autant de tubes de chansons françaises qui étaient de lui. Je le connaissais plus par le cinéma, et surtout les films de Sautet aussi. Les Choses de la vie, c’était mon film mythique. Je crois que mes parents me l’ont montré vers 11 ans, et je le revois tous les ans. 

Clarika : Parfois, on entend des bruits dans la salle quand une chanson arrive. Il y a beaucoup de gens qui se disent « Ah oui, c’est lui ! » On a essayé de mélanger les artistes, les tubes incontournables, et aussi des chansons un peu moins connues.  

Emmanuel Noblet :  Parce qu’on a découvert des textes très beaux.  

Clarika : « Rêves immoraux », par exemple, de Patrick Juvet. On en a fait une version très différente, évidemment, parce qu’on est deux femmes à l’interpréter en duo. Cette chanson, tout le monde nous dit : « C’est magnifique ! ».  

Maissiat : C’est vrai que cette chanson est remarquée. On nous en parle à chaque fois, parce qu’elle est peu connue, donc le public la découvre.

Clarika : Et Patrick Juvet n’a pas forcément un côté comme ça dans l’imaginaire. Ça fait plaisir de faire partager ce genre de chansons. 

On ressent qu’il y a eu un vrai plaisir de création collective entre vous.

Emmanuel Noblet : Oui, c’est vrai ! 

Clarika : Pour le coup, Amandine, comme moi, nous ne sommes pas « comédiennes »…

Emmanuel Noblet :  … Moi, je n’étais pas « chanteur ».  

Clarika : C’était aussi rencontrer un autre terrain artistique et se mettre un peu en danger sur ce genre de trucs  et trouver un plaisir qu’on ne connaissait pas. 

Oui. Vous faites tous les trois de la scène depuis longtemps c’est super de pouvoir continuer d’expérimenter dans d’autres domaines, et collectivement.

Maissiat : Ça apprend énormément de choses. Moi, je sais que ça m’a fait bouger des choses, bien au-delà du spectacle en lui-même.  Quand on rit, on apprend autre chose. C’est une autre discipline. Chanter, ce n’est pas jouer la comédie. Ça n’a rien à voir. C”est génial aussi de se réaliser un peu plus en apprenant ça.  

Emmanuel Noblet : Et moi, je fais les Francos !  Je l’aurais jamais imaginé ! J’ étais à Avignon il y a deux jours. Chacun son festival !  

Clarika : Et nous, c’est l’année prochaine à Avignon !  L’année prochaine, dans le IN ! (Rires). D’ailleurs l’intelligence d’Emmanuel par rapport à ce qu’on disait tout à l’heure de se confronter  à de très grands interprètes que ce soit Romy Schneider, Michel Piccoli, Rochefort, etc, c’était de ramener Dabadie à nous quand il raconte des choses de la vie universelles.

Maissiat : Ce que j’adore aussi, c’est d’être dans ce rôle d’interprète. C’est-à-dire que nous, on est le médium. On est l’intermédiaire entre des textes, que ce soit des chansons, mais aussi des dialogues de films. On est utile à ça et on est là pour transmettre comme des passeurs. 

Emmanuel Noblet : Tout à l’heure, tu as dit une phrase très belle sur le côté atemporel, où effectivement, il y a des gens  qui viennent retrouver leurs souvenirs et des jeunes qui découvrent et qui après vont regarder les films. On est heureux de savoir qu’ils ont eu envie.  

Clarika : Oui, parce qu’on a vraiment ces deux types de publics-là, des gens qui connaissent par cœur les dialogues et qui rient ou qui reconnaissent des évocations musicales…

Emmanuel Noblet : Il y a beaucoup de musiques de film. 

Clarika : On a utilisé la musique de Philippe Sarde. 

Emmanuel Noblet : La phrase d’Amandine, c’était « Parce que les sentiments ne se datent pas. » Voilà, c’est ça.  

Maissiat : C’est mon métier, vous savez. J’écris, je suis autrice aussi. (Rires)

Clarika : « J’ai les intérieurs en duvet de canard. » Ça, c’est une expression de Dabadie !

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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