ARTThéâtre

Festival d’Avignon 2023 – « Guerre » : Portrait de l’acteur en Louis-Ferdinand Céline

© Clément Puig

Aperçu à l’affiche d’Illusions perdues et Ete 85, Benjamin Voisin monte sur les planches avignonnaises pour Guerre, adapté de Louis-Ferdinand Céline. Son interprétation est impeccable.

Soldat bleu dans un crépuscule orangé, le teint sale pour dissimuler une bouille d’ange, celle de Benjamin Voisin. Au théâtre du Chêne Noir à Avignon, l’acteur césarisé de 26 ans, remarqué dans les films Été 85 et Illusions Perdues s’attaque à un texte inédit du romancier Louis-Ferdinand Céline : Guerre. Ce premier incipit du roman Voyage au bout de la nuit (1932), est issu d’un manuscrit de l’auteur retrouvé en 2020, puis édité en 2022. Céline y parle, au travers de son double romanesque Ferdinand Destouches, de l’atrocité de la guerre 14-18. Ce conflit, véritable traumatisme, tant physique que moral pour l’auteur, traverse son œuvre toute entière.

Sur les planches, Benjamin Voisin raconte ce morceau retrouvé de la guerre de Céline. Il s’approprie à la perfection le vocabulaire si particulier de l’auteur. Sans sourciller, il dégueule les phrases, recrache sans détours les mots crus, lubriques et souvent violents de l’écrivain. Le tout avec une efficace mise en scène de Benoît Lavigne. Un tabouret en guise d’objet de décor et des sons terrifiants d’orages ou de tirs. Un jeu de lumières aussi, roses, orangées ou rouges, comme une métaphore des moments de vie et de mort.

Une galerie de personnages

Tour à tour, Benjamin Voisin est le «  troufion  » Ferdinand (Céline), puis son ami, l’hurluberlu Cascade, rencontré à l’infirmerie alors qu’il est convalescent. Il est également la redoutable soignante l’Espinasse ou encore la magnifique femme de Cascade, Angèle, qui déclenche les émois de tous les soldats de la rue et de Ferdinand lui-même. Il passe de l’un à l’autre avec aisance et emporte avec lui le spectateur. Tantôt par le rire, tant l’absurdité de la nature humaine jaillit du texte de Céline et de cette succession d’individus. Tantôt avec gravité, tant la violence reste la toile de fond indélébile de l’auteur.

L’acteur occupe l’espace avec une énergie débordante. Sa jeunesse solaire entrerait presque en contradiction avec le texte de Céline, mais il parvient, par sa présence, à faire écho à d’autres juvéniles soldats de la littérature. Lors de la scène d’ouverture par exemple, lorsque Benjamin Voisin git de tout son long sur le sol, le spectateur pense au dormeur du Val, du poète Arthur Rimbaud. Tel un adolescent hébété, avec son air naïf, il se relève et raconte la mort de ses camarades soldats, qui gisent à ses côté.

Dès ce premier monologue, Benjamin Voisin convainc. Si l’acteur reste un peu trop scolaire, avec son attitude de jeune premier qui connaît sur le bout des doigts son texte, le spectateur se laisse séduire par son jeu attachant et traverse avec lui volontiers, ce bout d’enfer décrit par Céline.

Guerre, mis en scène par Benoît Lavigne. Du 7 au 29 juillet au festival d’Avignon.

You may also like

More in ART