Les autrices ont toujours écrit, autant que les hommes. Azélie Fayolle leur rend hommage et propose un guide pour appréhender l’histoire littéraire en féministe.
« Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de voir ce que les femmes font quand elles écrivent : c’est d’examiner comment les femmes (et quelques hommes) écrivent avec une conscience féministe. Autrement dit, que se passe-t-il quand la littérature rencontre la politique, et les femmes ? » Voilà le postulat énoncé dès l’introduction. Azélie Fayolle prend à bras le corps l’histoire littéraire pour rendre leurs lettres de noblesse aux écrivaines de tous les domaines. Essais, romans, contes, science-fictions, elle dresse un panel des genres incontournable de la littérature française mais aussi internationale. Son but est de rendre visible un travail fondateur fait par des autrices qui n’ont pas eu le droit à la même postérité que leurs homologues masculins. L’essai est une analyse plus sociologique que historique de la mise en place d’une histoire littéraire écrite par les hommes. Et comment la réécrire par la production féminine qui a toujours existé. Et trop souvent invisibilisée.
Azélie Fayolle est chercheuse en littérature. On le sent dans son essai, et c’est ce qui fait à la fois la force et la faiblesse. Des femmes et du style est le fruit d’un travail de recherche que l’on reconnait poussé et parfaitement documenté – la bibliographie contient plus de 150 ouvrages et les notes de bas de page sont foisonnantes.
Du male gaze au feminist gaze
Des femmes et du style propose en quatre grandes parties un voyage en littérature et convoque des autrices et leurs ouvrages pour appuyer des arguments clefs. Virginia Woolf, Annie Ernaux ou encore Monique Wittig, Christine Delphy ou Virginie Despentes. À ces noms usuels de la pensée féministe s’ajoutent également tout un panthéon d’autrices de toutes époques du Moyen-Âge avec les contes de Marie Catherine Aulnoy aux récits utopiques de la fin du XXe siècle avec Kathy Ackers (Don Quichotte. Qui était un rêve).
À travers son livre Azélie Fayolle questionne le genre, revient sur l’importance d’être féministe, redéfinit le rape and revenge… Tous les sujets peuvent – doivent ! – être discutés à travers le prisme d’une écriture plus que féminine mais tout à fait féministe : on passe du male gaze au female gaze au feminist gaze.
« Je n’admire pas (ou plus) les girl bosses ni les femmes qui s’en sortent par leur capacité à se fondre dans les moules du patriarcat : ce sont les bizarres, les désaxées, celles qui en fait ont trouvé leur propre voie/x qui ont mon admiration. »
Azélie Fayolle, Des Femmes et du style
Azélie Fayolle fait cependant preuve d’une certaine réserve face à celles qui ont écrit « comme les hommes ». Elle cherche avant tout celles qui ont choisi dès le début l’altérité. Des Femmes et du style est un essai implacable pour se dresser face à celleux qui continuent à faire l’apologie d’une histoire littéraire désespérément masculine.
Surabondance d’informations
Malheureusement, le travail d’orfèvre réalisé par l’autrice n’est accessible qu’à une minorité. L’abondance d’informations condensées en à peine 200 pages en fait malheureusement un ouvrage peu accessible à un lectorat non renseigné sur les féminismes ou débutant en sociologie. Les différents concepts abordés sont trop peu définis, comme s’il était attendu des lecteur·ices qu’iels soient déjà renseigné·es. Pour le lectorat débutant, il y a un grand risque que le livre lui tombe des mains. Un constat regrettable, quand on sait à quel point cette exploration est indispensable à une évolution du prisme par lequel la littérature est consommée, mais surtout monnayée.
On retient cependant une bibliographie qualitative où les lecteur·ices pourront peut-être trouver d’autres productions plus accessibles – voir même simplement divertissantes, mais en résonance avec cette volonté énoncée notamment par Alice Coffin dans son Génie Lesbien de ne lire « plus que des femmes ».
Des femmes et du style de Azélie Fayolle, paru aux éditions divergences le 5 mai 2023, 232 p., 16€