SEMAINE DE LA CRITIQUE – SÉANCE SPÉCIALE – Vincent doit mourir, titre énigmatique et séduisant pour le premier long-métrage de Stéphane Castang. Une comédie noire et protéiforme prometteuse, qui poursuit la carrière passionnante de Karim Leklou.
Vincent, graphiste, est atteint du jour au lendemain d’un étrange mal : des gens se mettent à le violenter sans aucune raison apparente, pour peu qu’il croise leur regard. Un pitch simple et efficace, qui œuvre comme puissant moteur a l’inventivité drôle et acide du film. Vincent doit mourir est une très belle surprise venant de La Semaine de la Critique.
Poursuivi par les méchants
Vincent doit mourir se déplace avec fluidité entre la comédie et le thriller, grâce à la mise en scène soignée de Castang. La première demi-heure du film est en ce sens remarquable. Entrant immédiatement dans le vif du sujet, se déroulant avec un rythme tenu et créant un pur comique de montage et de cadrage, le charme opère immédiatement. En maintenant le premier degré total de ses personnages face à la situation, Castang laisse tout l’espace à son public pour en rire.
Le film crée ses plus réjouissantes images grâce à sa méchanceté assumée. Une séquence de bagarre entre Karim Leklou et deux enfants, en plus d’être techniquement très réussie, reste comme un des grands moments de drôlerie cruelle du film. Comme un The Sadness soft, ou un Buster Keaton sous stéroïdes, le burlesque est au cœur de Vincent doit mourir.
Leklou, qui continue de s’affirmer comme l’un des acteurs français avec la carrière la plus étonnante et audacieuse du moment, se prête particulièrement bien à cet exercice. Son air hébété et las en font la cible idéale de toute cette violence gratuite.
Isolement.com
Le film est le plus pertinent dans sa représentation des cercles de paranoïa et d’isolation dans lequel s’engouffre son personnage. Quand Vincent rencontre un certain « JoachimDB », atteint du même mal que lui, il suit ses conseils. Il rejoint un forum et se coupe de toute communication avec l’extérieur.
L’écho avec les formes modernes de l’isolement numérique, souvent décrit comme principe à l’origine du complotisme, est indéniable. La plongée en empathie dans cet univers est l’endroit où Castang est le plus intéressant dans la représentation de son contemporain. Une justesse que l’on retrouve aussi dans la caractérisation rapide, en quelques détails discrets mais très bien sentis, du personnage campé par Leklou.
Happy end…
Malheureusement, dans son dernier tiers, le film perd de son mordant. Il finit par s’enliser dans une intrigue plus ordinairement sentimentale. Le caractère revêche et irrévérencieux des protagonistes ne remplace pas la réelle noirceur que le film se permet dans sa première heure. Il patauge un peu et peine à atteindre son climax, pourtant très réussi, et se conclut péniblement.
Malgré la très belle interprétation de Vimala Pons, le personnage de Margot, acolyte et love interest de Vincent, peine à s’élever au delà du personnage faire-valoir. Si son côté blagueur et un peu borderline la rend charmante, elle ne sera là dans la plupart des scènes que pour relancer l’intrigue et la trajectoire du héros, dont elle épouse immédiatement tous les objectifs. C’est le seul personnage féminin vraiment présent à l’image. C’est dommage, dans un film par ailleurs écrit assez finement.