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CANNES 2023 « Jeanne Du Barry » : Un tapis rouge qui fait tache

© Stéphanie Branchu - Why Not Productions

SÉLECTION OFFICIELLE – HORS COMPÉTITION – Maïwenn ouvrait le bal cette année au Festival de Cannes. Non pas le bal des actrices mais bien celui du masculinisme. Revenons sur un film historique bancal, qui ne tient que par les marches du grand palais.

Ce mardi 16 mai, le festival de Cannes ouvrait ses portes par le nouveau film de Maïwenn, Jeanne du Barry. Johnny Depp interprète le roi Louis XV. Celui qui boude Hollywood depuis, entre autres, les « méga-pint » et les accusations – suivies de condamnations – d’agressions sexuelles, se réfugie au sein du cinéma français. Ce dernier l’accueille à bras ouverts. Et la France de confirmer son statut de terre d’accueil – et d’éloges – pour agresseurs sexuels en détresse.

« En déroulant le tapis rouge aux hommes et aux femmes qui agressent, le festival envoie le message que dans notre pays nous pouvons continuer d’exercer des violences en toute impunité, que la violence est acceptable dans les lieux de création ». C’est dans Libération qu’un collectif d’actrices, comptant dans ses rangs Laure Calamy et Julie Gayet, dénonce ce « repère de chefs violeurs », comme le décrit Adèle Haenel. Strass et paillettes ne parviennent pas à camoufler le goût plus qu’amer en ce début de 76ème festival de Cannes.

Le choix de Jeanne du Barry comme film d’ouverture n’a jamais été autant dans l’air du temps, un air qui étouffe certes, mais un air « actuel ». Cependant cet air n’est pas bien artistique, cinématographique, onirique, mais bel et bien inévitablement politique. Jeanne du Barry devient la farce, ironiquement, d’un cinéma qui normalise l’éloge d’hommes abuseurs. Qui sous couvert d’un film « qui parle d’une femme », témoigne d’un retour en arrière fulgurant. Johnny Depp nous casse les pieds, sur ses sabots et perruques bien montées. Il piétine, lors de sa montée des marches, le mouvement #Metoo. A bas la prise de parole des femmes, et comme on dit « Vive le roi ! ». Ne vous cachez pas, nous aussi nous rions jaune.

Pauvre Jeanne du Barry

Très à cheval sur la politique du « séparer l’homme de l’artiste », le comité de sélection semble avoir lâché un peu de lest du côté esthétique. Car voilà un nouveau faux pas pour Jeanne du Barry. Le film ne vole pas bien haut. Aux allures des séries Netflix à l’eau de rose, aux dialogues bourrés d’anachronismes, il développe plutôt l’alter-égo de Maïwenn et relance la carrière de Johnny Depp. Jeanne du Barry témoigne seulement du virage inquiétant que prend le milieu du cinéma aujourd’hui. Vers l’invisibilité, voire la diabolisation, des victimes et la normalisation des agresseurs. Quel drôle de monde dans lequel nous vivons.

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