MUSIQUE

Agaçante de sagacité, Zaho de Sagazan

Zaho de Sagazan à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), le 15 novembre 2022. ESTELLE AVRIL
Zaho de Sagazan à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), le 15 novembre 2022. ESTELLE AVRIL

Elle agace par sa sagacité. Zaho de Sagazan est la nouvelle voix de chanson made in France. Tous ceux qui l’ont vue sur scène décrivent son magnétisme, celui-là même qui transparait dans son phrasé mordant.

A 23 ans, la jeune femme signe son premier album, La symphonie des éclairs, et s’inscrit dans un réveil de la scène musicale française avec des morceaux exigeants, une pop avec un zeste d’électro qui ne néglige pas les slows sur des pianos-voix.

L’album s’ouvre avec un titre qui renferme toute son identité, « La fontaine de sang ». Beaucoup lui avaient déconseillé de le mettre en tête parce qu’il ne serait « pas accessible à tout le monde ». Têtue (autoproclamée), elle affirme son choix et nous donne à entendre dès les premières secondes la mesure du talent qui s’offre à nos oreilles attentives.

Une exigence du mot à la note

«  Des hommes, les hommes, ces hommes / Gastrolâtres et gourmands / Viendront dévaliser / La fontaine de sang  ». Le ton est donné. La ritournelle est synthétique. Presque psychédélique. Le tout s’envole et nous hisse sur les deux titres qui suivent et s’enchainent sur le même ton. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle ne manque pas d’« Aspirations » pour défendre les thèmes qui lui tiennent à cœur, des addictions au sujet des violences conjugales qu’elle évoque entre autres dans le single « Les Dormantes » qui l’a fait connaître.

Amoureuse de l’amour

Sous sa blondeur intrigante et son teint blanc, Zaho de Sagazan pique la curiosité, d’autant plus quand, au bout d’un peu plus de dix minutes d’écoute de morceaux sombres, de petites notes de piano se mettent à voltiger. Tout le poids posé sur nos épaules s’envole. C’est « la symphonie des éclairs », un souffle de lumière qui ouvre un deuxième acte à l’album éponyme.

Une minauderie mielleuse et jouissive s’étale sur cinq titres dans lesquels l’artiste clame son amour… De l’amour  ! Amour amoureux, précise-t-elle. Elle ne l’a jamais connu, mais cela ne l’empêche pas de l’exulter avec brio sous le joug du fantasme. Amoureuse de tous les garçons, elle les façonne, les fantasme, crie à celui qui voudra bien l’entendre « dis-moi que tu m’aimes ».

On prend alors la mesure de son talent de diction. Elle décroche les syllabes pour dire « je t’ai-me ». On pense à un Brel plongé dans un club berlinois des années 2000, qui n’aurait rien perdu de sa superbe de rendre le personnel universel. Comme lui, elle roule les consonnes, envole les voyelles, enivre de « dis-le moi, dis-le moi, dis-le moi ».

Génération (dés)enchantée

Portrait d’une génération tourmentée, les derniers morceaux élèvent le propos de l’album dans une note personnelle universelle. Dans « Tristesse », Zaho de Sagazan évoque la manipulation qu’ont les émotions basses sur nous, le combat de tous les jours que cela représente de vivre avec la mélancolie collée au corps. La mélodie aux accents électro, cassée par sa voix saccadée, nous plonge droit dans ces soirées technos où la jeunesse déhanche ses désillusions et violente ses espoirs.

Sincérité tranchante des histoires incarnées, voilà ce qu’est cette symphonie des éclairs. Une symphonie qui appelle à l’émancipation, à prendre soin de soi, du corps au cœur. Sagace avait-on dit. La musique de Zaho de Sagazan entre en nous avec toute sa finesse, son intuition et sa vivacité d’esprit.

You may also like

More in MUSIQUE