Où la chanson va rassemble neuf nouvelles inspirées d’artistes, avec autant de personnages qui affrontent une menace, intérieure ou extérieure. Et la musique comme arme pour faire face au danger.
Sur la première de couverture, une photo de Robert Johnson aux tons bleutés. Bleu comme le blues – courant musical dont le guitariste et chanteur américain a marqué l’histoire. Il est en effet une légende pour beaucoup d’artistes. Mais ce roman ne parle pas de lui, ni de blues en particulier. Il nous propose neuf histoires, neuf fictions sur le pouvoir de la musique face au danger. Ce n’est pas seulement « où la chanson va », c’est aussi d’où la chanson vient. Les neuf histoires de Sébastien Ménestrier nous font voyager entre Nevers, Wellingborough, Cap Canaveral, Cisnadioara, Belgrade ou encore Paris, de 1913 à aujourd’hui. Un espace-temps très large, dans lequel la nature occupe une place importante. Le thème de la forêt, la rivière, l’espace sont autant de lieux qui permettent de s’échapper et apportent aux personnages une certaine libération.
Il n’y a qu’en fuite que nous sommes beaux.
Sébastien Ménestrier, Où la chanson va
Et justement, en fuite, il l’est. Alain Bashung, premier personnage que l’on croise dans ce roman, fait du stop au bord d’une route. Le narrateur s’arrête et l’emmène chez lui, dans une maison à l’orée de la forêt. S’en suivent une série d’événements mêlant peur et danger.
« J’étais en danger »
Les premiers mots du prologue sont les suivants : « J’étais en danger quand j’ai commencé ce livre. » Un danger tout de suite nommé, placé au centre. « Le danger a un nom pour moi, l’anxiété. Être si près de ne plus pouvoir faire un pas, de ne plus dire un mot, jamais. S’effacer. Alors j’ai commencé à écrire ces histoires sur la musique car la musique est une amie, elle allait m’aider. » Ce livre vient comme une tentative de répondre à ces angoisses.
L’angoisse se traduit de mille façons. D’abord à travers les personnages que l’on rencontre : la volonté de se détacher pour quelques jours d’une vie de chanteur célèbre, un accident de la route, le frisson du premier baiser, un piège tendu au fond des bois, le pouvoir des addictions… Tous·tes sont lié·es par ce sentiment de détresse, par une attente teintée d’angoisse.
Ces histoires m’ont ramené au danger. C’est lui que mes personnages affrontaient. On ne sait jamais avec le danger si on va s’en tirer. On ne peut que marcher et prier.
Sébastien Ménestrier, Où la chanson va
Le climat du roman nous plonge dans l’attente. On cherche à savoir quelle tournure va prendre le récit que nous sommes en train de lire. On se demande d’où le danger va venir, de quelle manière il va se manifester. On est aussi curieux·se de savoir comment les traits des personnages vont être dessinés : entre l’échappée d’Alain Bashung dans la forêt, le dernier concert d’Amy Winehouse à Belgrade ou encore le voyage du compositeur Béla Bartók en Roumanie, toutes les situations sont prétextes à imaginer ces artistes qui nous accompagnent depuis des années.
Des mots à la musique
Sébastien Ménestrier compose son roman comme on écrit une chanson. Enseignant et pianiste, l’auteur fait la jonction entre ses deux passions en jouant avec la musicalité des mots. Il écrit certains paragraphes comme des paroles de chansons, crée des jeux de rimes d’une phrase à l’autre. La proximité de Ménestrier et ménestrel devient alors une évidence ; sinon un clin d’œil voulu, du moins une belle coïncidence.
Si l’angoisse de Sébastien Ménestrier nous gagne, elle est parfois de courte durée. Avec ses neuf nouvelles en seulement 144 pages, l’auteur-compositeur laisse parfois le/la lecteur·ice sur sa faim. On aimerait prendre davantage le temps de découvrir les personnages, de se plonger dans les décors et dans cette atmosphère de danger si particulière qu’il cherche à nous faire ressentir. Ces petites histoires auraient peut-être gagné à être plus longues, plus immersives.
Où la chanson va de Sébastien Ménestrier, éditions Zoé, 144 pages, 16,50 euros. Sébastien Ménestrier propose également une playlist accessible en scannant un QR code à la fin du livre. Elle est composée des chansons et pièces musicales qui l’ont inspiré lors de l’écriture de son roman.