CINÉMA

Festival Format Court 2023 – Nos coups de cœur

Sur la tombe de mon père © Offshore
Sur la tombe de mon père © offshore

Le festival Format Court 2023 s’est tenu, du 13 au 16 avril, au Studio des Ursulines. Une programmation éclectique, de plus d’une vingtaine de court-métrages, aux genres variés. Alors que le palmarès a été révélé dimanche 16 avril, voici les coups de cœur de Maze pour cette quatrième édition.

Ville éternelle, Garance Kim (2022)

Compétition 1

Dans un petit village, non loin de l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle, Lili, jouée par la réalisatrice Garance Kim, attend son car. Elle rencontre Thibault, incarné par Martin Jauvat, qui, au premier coup d’œil, la reconnaît. Ils étaient ensemble au lycée. Le bus n’arrivant pas, ils décident de partir pour un périple doux et léger.

L’espace dans lequel les protagonistes s’émancipent, indépendamment de là où ils sont nés, a façonné leur vision du monde. Pourtant, ces personnalités qui se sont éloignées, apprennent à se supporter, et in fine, se rassembler. Les points communs font surface petit à petit, et sont le socle d’une comédie délicate. Les plans larges donnent une autre idée de la banlieue : la nature se dévoile, et la petite balade à vélo et à pied se transforme en road-trip champêtre.

Ville éternelle est disponible sur arte.tv jusqu’au 02/12/2023.

© Garance Kim

Riad, Yann Verburgh (2022)

Compétition 2

Un père, anciennement dans la Légion étrangère et souffrant d’un syndrome de stress post-traumatique, s’apprête à revoir son fils après une longue période de séparation. Les retrouvailles, qui ont lieu dans un espace parents-enfants, Riad les appréhende. D’autant plus qu’il lui est interdit d’évoquer son passé, possiblement réparateur. 

Le court métrage croise l’intime et le voyeur : intime, car chaque mot du père est scruté avec attention ; voyeur, car l’organisatrice assiste, parfois de manière indélicate, à l’intégralité de la séance. Sans pathos, le film met l’accent sur le poids des mots, fondamentaux pour guérir un lien longtemps abîmé. Mais aussi sur les expressions du visage, en témoignent les plans serrés. Dans ces moments cruciaux, chaque mouvement peut être réinterprété. 

Binge Loving, Thomas Deknop (2021)

Compétition 3, Prix de la presse, Prix du jury étudiant et Prix du public

À Bruxelles, un détective privé, Otis, est chargé de recueillir toutes les informations sur un homme que sa femme soupçonne d’adultère. Cet antihéros a une addiction bien particulière : lorsqu’il est en filature, il ne peut s’empêcher de manger. Lorsqu’il se retrouve à se rapprocher de celle pour qui il travaille, Otis trouve un réconfort. Les deux personnages tentent de rompre leur solitude : l’un, face à son isolement professionnel, l’autre, face à son isolement conjugal.

Les obsessions gastronomiques du réalisateur, en gros plan, et son look de Monsieur Tout-le-monde, confèrent à Otis une image de proximité, loin du traditionnel détective, avec son trench et son chapeau. Thomas Deknop joue d’ailleurs, dans le choix de la photographie, sur cet aspect de « personnage lambda », avec une série de calques transparents (vitres, miroirs reflets). L’idée : voir, sans être vu.

© Denzzo Productions

La Vie sexuelle de Mamie, Urška Djukić et Émilie Pigeard (2021)

Compétition 3, Prix de la création sonore

Récompensé par le César du meilleur court métrage d’animation cette année, le film raconte l’histoire d’un modèle patriarcal où les droits des femmes slovènes sont bafoués. Un récit établi à partir de réels témoignages. L’animation ressemble à un croquis, aux couleurs limitées et souvent sombres, donnant un caractère grave au tableau. Des images d’archives, gros plans sur les mains, les bouches, sans sourire, ponctuent le court-métrage, et donnent le ton jusqu’à la dernière seconde. 

Les expressions sont déshumanisées, voire animalisées. Onomatopées et sonorités bestiales plongent le spectateur dans le quotidien dégradant et rétrograde de ces femmes, au début du siècle précédent. Et si l’on voulait se persuader que toute cette histoire n’était finalement qu’un dessin, la narration par une personne âgée, de temps à autre, amène indéniablement à la dure réalité.

La Vie sexuelle de Mamie est disponible sur UniversCiné.

Partir un jour, Amélie Bonnin (2021)

Focus Bastien Bouillon

Julien (Bastien Bouillon), écrivain parisien, revient chez ses parents, en Normandie, le temps d’un week-end. Un bout de la France rurale, qu’il a quitté pour faire ses études et s’évader. « Dans mon village, le plus cultivé, c’était le champ de patates », écrit-il même dans l’un de ses romans. Au détour du rayon biscuiterie de la grande surface du coin, il rencontre Caroline (Juliette Armanet), son amour de jeunesse. C’est alors que les souvenirs surgissent en pleine figure. Ceux que l’on pensait avoir oubliés, ou que l’on voudrait oublier. 

Un court-métrage étonnant et stupéfiant, aux essences de comédie musicale sur fond de 2Be3, Ménélik et Larusso. Un grain particulier ramène le spectateur dans les années 1990, et donne un caractère mélo, voire nostalgique (avec parcimonie) aux scènes qui se déroulent devant ses yeux. Amélie Bonnin relate avec précision le sentiment de ceux qui sont revenus, pensant faire table rase du passé, mais doivent se rendre à l’évidence : les souvenirs sont indélébiles. 

Sur la tombe de mon père, Jawahine Zentar (2021)

Focus Ville de Paris

Une mère et ses enfants se rendent à l’enterrement du père dans son village natal, au Maroc. Là-bas, seuls les hommes peuvent se recueillir au plus près du défunt et assister à l’inhumation, tandis que les femmes restent à la maison. La plus jeune, Maïne, ne l’entend pas de cette oreille. Elle va se battre pour faire son deuil, être présente auprès de celui qui lui est cher.

Maïne défiant les injonctions de sa famille, sa sœur comprend l’injustice qu’un tel protocole implique : mais seule, elle ne peut rien faire. Un plaidoyer contre une tradition funéraire patriarcale, à laquelle il reste interdit de déroger, sous peine d’être la « hchouma » (honte) de la famille. Un court métrage haletant et sensible, qui exploite un sujet peu representé au cinéma : la répression du deuil, en particulier chez l’enfant. Dans les scènes collectives, de communion et de recueillement, la réalisatrice filme les regards. Des regards qui en disent long. 

Sur la tombe de mon père est disponible sur MyCanal.

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