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« Astrologie » – Liv Strömquist et les signes

© Liv Strömquist et Rackham
© Liv Strömquist et Rackham

Pour sa nouvelle bande dessinée, Liv Strömquist s’attaque à l’astrologie, cette science occulte appréciée par beaucoup, reconnue par personne. Signes après signes, elle décortique avec une sérieuse ironie les lubies du zodiaque.

Qui n’a jamais jeté un petit coup d’œil à son horoscope en fin de journal « juste comme ça puisqu’il est là » ? À l’heure de l’âge d’or des livres de développement personnel et du regain d’intérêt pour les para-sciences, l’astrologie vit elle aussi une petite renaissance, surtout dans les milieux féministes. Et qui de mieux placé que Liv Strömquist pour décortiquer le phénomène ? Après s’être interrogée sur le mariage (Les Sentiments du Prince Charles , 2010) ou encore la sexualité féminine (L’origine du monde, 2014) et avoir fait de ses BD des références de vulgarisations drôles du féminisme, l’autrice se penche avec un peu de sérieux et beaucoup d’humour sur l’astrologie.

Faire signe

Quel est le point commun entre John Krakauer l’auteur d’Into the Wild, Johan Gustafsson otage d’al-Quaida, Bernhard Föster proto-nazi, fondateur de la « colonie arienne » en 1880 et Jane Goodall, ethnologue spécialiste des chimpanzés ? Bingo, tous·tes sont né·es dans l’étroite fourchette du 21 mars au 19 avril et sont donc Béliers ! Pour ouvrir le bal des signes du zodiaque, Liv Strömquist convoque en premier ce signe, qu’elle désigne via moult exemples comme « l’homme des cavernes du zodiaque ».

Dans la première moitié de ce nouvel opus, Liv Strömquist abandonne un temps le ton didactique et renseigné de ses autres livres pour s’amuser de chaque signe astrologique. Mais loin de proposer une vision idyllique de chacun, l’autrice prend à rebours les manuels d’astrologie. Ainsi, le Capricorne devient «  la tête de cochon du zodiaque  » qui «  a les dents qui rayent le parquet  », tandis que le Cancer « l’âme sensible du zodiaque », « t’en veut encore pour ce que tu as dit en 1996 ». Une façon détendue et distanciée de considérer ces croyances dont l’essor fut considérable ces dernières années.

Cette analyse signe après signe est étayée chaque fois d’exemples subjectifs. De l’inventeur du tube des Pringles Fred Baur (Gémeaux) à Taylor Swift (Sagittaire) en passant par Melania Trump (Taureau), Liv Strömquist balaie le spectre de personnalités plus ou moins connues en livrant des anecdotes croustillantes et des hypothèses improbables. L’autrice, qui ne cache pas son propre intérêt pour l’astrologie, s’interroge en fait sur une pratique qui s’apparente à un nouveau phénomène de société dans les cercles féministes.

© Liv Strömquist – Rakham

Astrologie et féminisme

« Comment expliquer le regain d’intérêt actuel pour l’astrologie ? » se demande l’autrice. Pour elle, la réponse est a chercher du côté du philosophe allemand Theodor Adorno. Ce dernier souligne en effet qu’en astrologie « il est très peu question de “mysticisme” ». Gain d’argent, malheur en amour ou sautes d’humeur, les prévisions astrologiques n’ont rien de farfelu et sont au contraire farouchement terre à terre. Jamais l’horoscope ne prévoira l’imprévisible extravagant. L’astrologie répond au contraire à deux questions très simples liées à soi (qui suis-je ?) et au quotidien (carrière, finances, amour etc).

La figure de la sorcière qui a été mise à l’honneur entre autres par Mona Chollet, charrie avec elle tout un imaginaire. L’astrologie en fait largement partie et fleurit sur nombreux comptes Twitter et Instagram. Mais ce nouvel engouement dans le milieux féministe fait débat. Faut-il renouer avec la fantaisie (au point de parfois la prendre au premier degré) ou au contraire rester farouchement rationnel ? Liv Strömquist répond à la question en convoquant comme a son habitude des références à la pop culture, la philosophie et la sociologie. L’astrologie cristallise en fait toutes nos angoisses existentielles. C’est une façon de croire que la vie est ailleurs, loin du monde hyper rationnel tout en donnant des conseils très prosaïques.

© Liv Strömquist – Rakham

C’est dans des tons résolument pop (du vert au gris anthracite) que se décline Astrologie. Liv Strömquist rend ironiquement hommage à cette science occulte en la prenant à revers, par ses imperfections. Mais si l’ironie domine, on ne peut pas s’empêcher de discerner plusieurs degrés de lecture d’ailleurs revendiqués par l’autrice. Astrologie convient donc à la fois à celles et ceux qui détestent les signes du zodiaque, comme à celles et ceux qui y croient un tout petit peu ou passionnément et (surtout), acceptent la critique humoristique.

Astrologie de Liv Strömquist, traduit du suédois par Sophie Jouffreau, éditions Rackham, 176 p., 24€.

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