Dans The Whale, Darren Aronofsky met en scène l’histoire d’un homme en asphyxie face à son obésité, vivant ses derniers jours. Film triste mais beau, qui a la vertu de faire réfléchir sur une certaine vision de la vie.
Voilà bien longtemps qu’une grande majorité de personnes partage l’idée stéréotypée que l’obésité est un choix de mode de vie. La volonté pour l’homme obèse de procrastiner les exercices physiques, l’envie pour lui de combler toutes ses pulsions de « gourmandises », etc. La pensée commune s’obstine à croire que cette façon de se détruire à petit feu les rend heureux. Darren Aronofsky, quant à lui, décide d’insister sur la maladie. Il met alors en scène dans The Whale les derniers jours d’un homme en asphyxie sous son obésité morbide, essayant, avec le peu de temps qu’il lui reste à vivre, de renouer avec sa fille, profondément en colère contre lui.
Asphyxie d’un homme obèse
Le film enferme le spectateur dans un huis-clos souvent insoutenable, où il se retrouve condamné, avec Charlie, à attendre sa mort en comptant et en regardant les jours défiler. La tonalité verdâtre et jaunâtre et la faible luminosité amplifient l’ambiance asphyxiante de la vie d’un homme ne pouvant presque plus respirer, étouffé sous son adiposité. Pourtant, le plus grand combat de ce personnage, c’est bien de pouvoir respirer de nouveau. Pouvoir se libérer de ce lourd fardeau qui l’emprisonne dans son petit appartement.
Les seuls moments où une bouffée d’oxygène vient soulager Charlie, mais aussi le spectateur, jusque-là en apnée, c’est lorsque qu’il se souvient de ses moments passés sur la plage en compagnie de sa fille. Des scènes troublantes qui ne montrent que les pieds de Charlie dans l’eau, sur un fond sonore de baleine, se sentant libre face à l’horizon. Des séquences qui viennent souligner la nostalgie et le regret de sa chute dans la maladie. Ainsi que la solitude qui a suivi sa séparation avec sa fille et la mort de son compagnon.
Tristesse, solitude, déception
C’est surtout le regard d’autrui qui donne forme à cette solitude. Un regard qui dégage une sensation de dégoût : le livreur de pizza qui s’en va répugné, les élèves qui découvrent choqués le visage de leur professeur, la surprise dans les yeux du jeune prêcheur… La présence constante de jugement. C’est un homme isolé qui ne souhaite qu’une chose, faire du bien et positiver. Et c’est alors une double peine que de voir la déception chez ceux qu’il aime, mais surtout de devoir faire face à la haine de sa fille.
Le plus triste dans cette souffrance psychologique, c’est qu’il doit la combler à l’aide de son hyperphagie. Pour ne plus souffrir, il est obligé de se faire du mal en mangeant des quantités astronomiques de nourriture. Ses seuls moments de joies et de soulagements sont dans la douleur. Il se sent heureux dans la nourriture comme une baleine se sent heureuse dans l’eau.
Même dans l’asphyxie la beauté réside
La maladie résonne alors, ne plus pouvoir se contrôler, et se condamner à se tuer petit à petit. Manger jusqu’à en vomir, manger jusqu’à en mourir. Il serait alors facile de penser que seuls sa santé et sa famille le condamnent pour son obésité, mais la religion s’ajoute à ces deux souffrances. Sa fin arrive et il le sait, il doit mourir pour son péché qu’est la gourmandise dans la chrétienté. Le prêcheur tente en vain de le ramener dans le droit chemin et lui propose de l’aide, mais il refuse, il a fait son choix, il se tuera par la faim.
Alors que propose Darren Aronofsky ? Un film sur un homme obèse luttant contre sa maladie ? Un film sur le regard dévastateur qu’autrui peut avoir ? The Whale raconte avant tout l’histoire d’un homme amoureux, intelligent, d’un père admiratif devant sa fille, ne trouvant que des choses positives même dans sa mort, avant de nous parler de l’obésité. Car le film commence, termine et est constamment segmenté par sa philosophie de vie : la sincérité est ce qu’il y a de plus important, peu importe la forme, c’est le fond qui nous intéresse. Et c’est à la fin, quand sa fille lui lit ce qu’elle a écrit de plus sincère dans sa vie, qu’il arrive à de nouveau marcher, et qu’il s’envole heureux vers la lumière.