La comédienne qui a conquis en quelques années le cinéma français s’attaque maintenant au théâtre avec un monologue écrit par son ami, Pascal Rambert. Pour un résultat décevant.
Les lumières sont restées allumées. Alors que les spectateurs pas tout à fait installés continuent de bavarder, une jeune femme s’avance et traverse la scène, le pas vif. Elle marque un silence, défie du regard ces dizaines de paires d’yeux qui la scrutent et se lance. Cette jeune femme, c’est Lyna Khoudri, vêtue d’une salopette beige, de bottines qui font clac-clac quand elle se meut sur la scène, une mèche bleue dans les cheveux et le visage entouré de grandes créoles dorées. La jeune actrice est connue surtout pour ses rôles au cinéma. Elle a émergé comme un astre dans Papicha de Mounia Meddour qui lui a valu le César du meilleur espoir féminin, avant de confirmer son talent avec ses rôles dans Gagarine et The French Dispatch.
L’incarnation
C’est son ami Pascal Rambert qui l’a invitée à réciter ce court monologue – seulement quarante minute – joué en duo avec un autre, Ranger, interprété par le comédien Jacques Weber. Le dramaturge a rencontré l’actrice alors qu’elle étudiait dans une formation dédiée à promouvoir la diversité chez les comédiens. Maintenant que Lyna Khoudri est en orbite dans le monde du cinéma français, on s’attend à quelque chose de forcément grand, à la hauteur de son talent. Pourtant, quelque chose se grippe dans la mécanique de son jeu dès les premières phrases.
Déguisée en laveuse de vitre, l’actrice raconte la morosité du quotidien, ses envies de fuite, de ne pas mener la vie que lui promettait son bac+5 parce que oui c’est possible d’être laveuse de vitre et d’avoir bac+5. Elle raconte, tout d’un trait, sa rencontre avec Sandrine, qui n’a pas bac+5 elle, mais qu’elle aime comme elle est, dit son mépris de ceux qui sont de l’autre côté, ceux qui ont bac+5 et qui méprisent les gens comme Sandrine. Elle vide son sac. Avant de perdre, littéralement dans l’histoire, son sac.
Le texte, magnifique et déclamé tout d’un coup, est parfois ponctué de déplacements dans la salle. Lyna Khoudri se déplace et longe le public, fait un court numéro de claquettes avant de reprendre son très court texte. On ne désire rien d’autre que d’être convaincu mais il y a dans sa voix une tonalité qui manque. Comme si la comédienne ne parvenait pas à habiter pleinement ce personnage. C’est l’écueil des monologues, on doit être transporté tout de suite sinon il y a cette petite musique monocorde dans la voix qui s’installe. On a l’impression d’entendre quelque chose de récité. Et on ne parvient plus à voir la dureté de la vie même quand on a bac+5, les soupirs de Sandrine et la colère du personnage.
Perdre son sac, un monologue de Pascal Rambert interprété par Lyna Khoudri aux Bouffes du Nord, du 2 au 18 février 2023. Du 28 au 31 mars à la Comédie de Béthune, les 5 et 6 avril au théâtre municipal de Villefranche, le 13 avril au Canal de Redon.