Présenté dans la Section Panorama du 73ème Festival de Berlin, Green Night, réalisé par Han Shuai, raconte la rencontre de deux femmes dotées de personnalités diamétralement opposées mais qui se retrouvent dans un objectif commun : celui de fuir la domination masculine.
Green night met en scène deux femmes que tout semble opposer. A la sécurité de l’aéroport de Séoul, la protagoniste Xia, une jeune femme qui travaille avec rigueur, voit son quotidien bousculé lorsqu’une adolescente aux cheveux verts tente de faire passer de la drogue à travers ses chaussures.
Cette rencontre troublante marque le point de départ d’une relation ambiguë presque déjà sensuelle. Le film s’articule ensuite autour de leur fuite. La jeune fille aux cheveux verts, dont on ne saura jamais le nom, suit Xia jusque chez elle après leur rencontre, et on comprend que les deux femmes ont respectivement des ennuis. Des ennuis causés par des hommes pour toutes les deux, qui les appellent sans cesse et rendent l’atmosphère assez oppressante pour le spectateur. Le mari de Xia et le dealeur de la jeune fille veulent les posséder.
En compagnie l’une de l’autre, elles semblent trouver la force de s’émanciper et l’on comprend qu’elles vont fuir et tenter de vendre de la drogue à leur compte, de trouver ainsi une indépendance financière. L’épopée de nos deux actrices sera une réelle quête de liberté, entravée par les hommes, et qui pose même la question à travers le désir naissant entre les deux femmes : peut-on se passer d’eux totalement ?
À travers Green night, la réalisatrice fait le portrait d’une Corée qui exclut les femmes de ses activités sociales. Celles-ci n’ont d’autre choix que de se ranger dans la vie de femme au foyer ou dans la religion. Dans plusieurs scènes, notamment une scène de viol particulièrement violente, une notion revient : elles doivent se faire pardonner. Pardonner d’être des femmes ? Qu’ont-elles fait de si grave dans ce film si ce n’est de vouloir exister, avoir un travail et de l’argent à soi. Non seulement le duo que l’on suit ne se conforme pas à ces exigences de la femme soumise, mais elles n’ont d’autre choix que de tuer le mari de Xia. Légitime défense ou vengeance : cela reste à déterminer.
Le point de vue proposé par Han Shuai est pluriel dans le sens où il montre les facettes de la femme qui a été maltraitée toute sa vie, qui s’en veut, qui hésite et ne se croit pas capable de mériter mieux que de la violence. La figure de la fille aux cheveux verts permet cette fuite en avant, on en vient même à se demander si elle existe vraiment à la fin du film. Ne serait-ce pas le côté courageux que le personnage principal a en elle tout ce temps, mais qu’elle bâillonne pour ne pas aller trop loin ? La symbolique de la couleur verte est très importante dans ce film comme si la porter était du courage, et qu’il était contagieux.
On se demande si leur relation romantique nait du désir seul ou d’une lassitude de la misogynie qu’elles subissent. Mais cela importe peu. A travers la manière dont leur corps sont filmés, on retrouve un « female gaze » porté à la perfection par les deux actrices. Notamment dans ce plan de tendresse où il s’agit seulement de déplacer quelques mèches de cheveux. Un point de vue que l’on retrouve aussi dans de nombreux plans, loin des clichés de l’homo-sensualité trop souvent vus au cinéma. Et cette proposition laisse aussi imaginer la possibilité de rapports plus sains, bienveillants et dépourvus d’idées de domination. D’autres plans comme leurs trajets à moto, sans casques, crient la liberté.