Deux fois par mois, la rédaction vous offre une sélection de clips qui ont fait l’actualité musicale. Pour cette deuxième sélection du mois de février : Silly Boy Blue, Flavien Berger, Two Faces, Ottis Coeur, Aryus, Saaro, TAFTAF, aupinard et damlif.
Silly Boy Blue – « I Don’t Look Good When I Cry / Widow Dreams Forever » réalisé par Yannick Demaison et Alexis Magand
L’artiste nantaise est de retour ! Pari audacieux de revenir avec un double clip, mais c’est réussi. Les 6 minutes de vidéo s’ouvrent sur la chanteuse armée d’une batte rose fluo. Sur fond de chant a cappella, Ana détruit une table de dîner qui n’a rien demandé. Flou artistique et rage room, telle est la première moitié du clip. Et puis coupure nette. La deuxième partie du double clip est complètement différente. Toute vêtue de noir, Silly Boy Blue joue les prêtresses pendant que des fantômes dansent autour d’elle. Plus pop et entraînant, le titre sera sur le prochain album de la musicienne, attendu pour le printemps. Avec son univers atypique, Silly Boy Blue attise notre curiosité…
Basile Hervé
Flavien Berger – « Feux Follets » réalisé par Vimala Pons
Troisième extrait de l’attendu nouvel album de Flavien Berger qui sortira le 17 mars, « Feux Follets » s’apparente à une métaphore de la vie et du temps qui défilent, à travers un texte profond et tout en dualité d’une existence qui passe « en un éclair » jusqu’à la « fête au cimetière ». Côté musique, les sonorités galopent dans un rythme plus dansant. Dans le clip réalisé par la comédienne et metteuse en scène Vimala Pons, le chanteur, regard face caméra, se fait tracter dans un étrange terrier d’Alice aux pays des merveilles, où les décors défilent sous lui : murs, sols, neige, tout y passe. « Les mots me manquent » apparaissent sur l’écran, Flavien Berger perd sa voix. Nous aussi, les mots nous manquent face au talent monstrueux de l’artiste.
Diane Lestage
Two Faces – « Fearless » réalisé par Joris Fleurot
Par leurs deux visages et surtout leurs deux voix, les « frères d’âme » du duo Two Faces – dont le premier album est prévu pour le 31 mars – explorent nos peurs dans un nouveau titre, « Fearless », en sublime symbiose musicale dans un clip réalisé par Joris Fleurot. La caméra apparaît comme un miroir dans lequel les deux compères peuvent chacun se regarder en face, tandis qu’on les observe. La mise en scène joue de ces valeurs de plans et d’un montage saccadé faisant défiler des images en mouvement, comme dans un View-Master.
Ainsi, le temps s’écoule dans ce jardin d’hiver, la neige tombe et le décor de tableau en plan fixe se meuble progressivement d’objets quotidiens, au rythme des mélodies rock/trip-hop. « Leave the shelter, it’s time / Don’t miss on your life / Jump off the bridge, swim against the current », comme une belle invitation à se réconcilier avec ses peurs, sortir de ses zones de confort et continuer d’affronter la vie.
Diane Lestage
Ottis Cœur – « Laisse-moi » réalisé par Margaux Fremaux
Leur EP Léon est sorti le 17 février dernier, quelques jours avant le duo Ottis Cœur dévoilait « Laisse-moi », une chanson et un clip dans une ambiance rétro colorée. En tailleurs rose et violet, les blonde et brune rockeuses s’amusent sous le soleil estival dans un square pour enfants. Un clip filmé par Margaux Frémaux, avec une utilisation joviale du fish-eye, où les chanteuses apparaissent plus complices que jamais, riant et dansant dans ces images décalées du texte qui, lui, a le mérite d’être clair : « À toutes tes questions j’ai répondu non », des paroles adressées aux hommes qui insistent lourdement et qui se retrouvent recalés sans détour.
Diane Lestage
Aryus – « On a gagné » réalisé par Saturn production
Intéressante découverte que le jeune rappeur Aryus qui se lance dans le game en clippant son premier single, sorti l’année dernière à l’occasion d’un concours initié par le projet Festigone, visant à mettre en lumière la scène artistique lyonnaise. En se réappropriant les codes d’un rap puissant et traditionnel dans la continuité de Nekfeu, Aryus témoigne d’une parfaite maîtrise de sa plume et son univers. Le rappeur se fait pleinement confiance et cela se ressent dans sa gestuelle et dans son flow.
Aryus prend le parti pris de revenir à la base pour plus d’efficacité – et ce choix mérite d’être salué car la course effrénée à l’innovation que connaît actuellement le rap français commence à en agacer plus d’un… Cet exercice d’ego-trip est on ne peut plus réussi et témoigne déjà d’une volubilité et d’une certaine souplesse dans le style. Affaire à suivre !
Marion Bauer
Saaro – « Course de fond » réalisé par ScopProd
Jeune rappeur originaire de La Rochelle, Saaro rappe depuis ses quinze ans. Influencé par les têtes d’affiche du rap français dont fait partie Ninho, il s’essaye à différents styles comme dans son titre « Désert », où il met à l’honneur ses origines maghrébines, son goût du rythme et sa capacité à jouer de sa voix avec truculence. Dans « Course de fond », il ralentit la cadence et opte pour un rap plus humble, plaçant le sens des valeurs au cœur de l’attention. Saaro nous remet les idées en place : « Le rap français ? (rires) C’est un peu embêtant, faut être Parigot ou Marseillais sinon crois pas qu’on t’entend ».
Mise en abyme de l’industrie musicale, « Course de fond » tourne en dérision la quête du buzz inévitable aux rappeurs : « J’réfléchis à un truc de con pour plus de visibilité et j’hésite entre rapper en coréen, freestyler dans une rue publique, publier ça sur TikTok, faire péter les dix millions... ». Saaro se livre à nous sans concession, fidèle à sa vision d’un rap authentique et consciencieux : « J’suis pas Ninho mais dis-moi que tu m’aimes », lance-t-il non sans autodérision, en référence au titre éponyme de ce dernier.
Marion Bauer
TAFTAF – « S’enfuir » réalisé par ScopProd
Rappeur d’Ivry-sur-Seine, Taf Taf nous dévoile son premier single « S’enfuir ». Si le clip – efficacement réalisé – reprend en toute simplicité les codes usuels du rap de cité, le jeune artiste capte notre intérêt avec ce titre empreint de musicalité. Sa voix enveloppante ne va pas sans rappeler certains refrains des frères PNL ou encore de Maes, qui joue pleinement de cette musicalité quitte à s’éloigner du rap par moments. Un premier projet modeste mais qui remplit dignement ses objectifs. Avec plus d’originalité dans les textes et davantage de prise de risques, nul doute que l’univers musical de Taf Taf gagnerait en profondeur et ferait des émules dans le rap game.
Marion Bauer
M4 – « Luis Garavito » réalisé par Saki
Originaire de Liège en Belgique et seulement âgé de dix-huit ans, l’intrigant M4 débarque dans le monde du rap d’un pas assuré – pleinement investi dans ses premiers titres hors-série avant de passer à des projets plus sérieux. « Gog & Magog » sorti en novembre dernier témoignait déjà de sa voix charismatique et de sa maîtrise de la rime. Avec « Luis Garavito », M4 n’a plus de temps à perdre et voit les choses en grand : musique classique en guise d’ouverture, débit de parole qui s’accélère, ruptures de rythme…
Italien de par sa mère, M4 a le sens de la tchatche et il est vrai que sa cadence rappelle parfois celles de certains rappeurs italiens, comme Keta dans le titre « Glide ». Le travail s’en ressent et le rappeur ne s’en cache pas : « J’ai gratté des textes dans ma chambre toute la noche ». Ce premier clip officiel ne laisse présager que du positif pour la suite à venir.
Marion Bauer
aupinard – « texto » réalisé par aupinard et Lonnyprod
Le jeune artiste bordelais aupinard continue de nous partager son amour pour la musique brésilienne avec son nouveau single post-rupture bossa-nova « texto ». Le romantique nous parle ici d’une fin de relation causée par les habitudes barbantes de la vie de couple et le manque d’attention envers son ex, tout ça sur un air de guitare doux et ensoleillé. Le clip, réalisé par Lonnyprod et lui-même, nous montre les galères du train de vie et de couple de ce Pierre Barouh des temps modernes sous la grisaille bordelaise. Une chanson de rupture à la mélodie entêtante et aux rythmes bossa qui soignera, on l’espère, les cœurs brisés.
Thomas Soulet
damlif – « Mentir ah ça j’aime » réalisé par lerayonlunaire, dushan zofka et damlif
Entre rap et chanson introspective, le jeune rappeur damlif, membre du collectif 75e session (Népal, Zinée, M le Maudit…), revient avec ce nouveau titre sombre et intime « Mentir ah ça j’aime ». C’est sur une guitare pleine de reverb telles des vagues qui s’échouent sur la plage et des accords au synthétiseur envoûtants que damlif continue sa quête d’identité. Le clip, aux images très art contemporain, flirte avec la musique mélancolique co-produite par Sheldon et les paroles amères du rappeur, pour un résultat sombre et trouble. Une tristesse envahissante que l’artiste s’est empressé d’évacuer sur un nouvel EP prévu pour le printemps.
Thomas Soulet