Toutes les deux semaines, les rédacteur·ices de Maze vous proposent un tour d’horizon des albums et EP qui ont fait l’actualité musicale.
DJ Gigola – Fluid Meditations
Fluid Meditations est le tout premier album de la Berlinoise DJ Gigola et c’est l’un des meilleurs de ce début d’année. Gigola vous entraîne dans ses méditations exactement comme le ferait un guide de yoga ; le truc trop cool, c’est qu’elle le fait sur un son psytrance et house intense – et profondément organique et introspectif.
La correspondance entre les paroles et le son est parfaite. Et surtout, elle va au-delà des méthodes traditionnelles de méditation, en intégrant des éléments de l’univers des raves pour permettre une évasion loin du quotidien et une reconnexion intime avec le corps et l’esprit. Avec une approche totalement hybride et fluide de la musique, elle nous donne à entrer dans son état d’esprit, le laisser-aller et la sérénité. Et si elle se considère comme la maman du fameux label allemand Live From Earth, c’est d’ailleurs peut-être parce qu’elle a tout d’une sage.
Avec Fluid Meditations, on peut enfin pénétrer dans un espace où la pression sociale existante dans les clubs disparaît et le mouvement vers la musique est tout ce qui importe.
Sortie le 3 février.
Coups de cœur : Affirmation Practice, Gratitude Practice, Stream State
Milena Ill
The Arcs – Electrophonic Chronic
Le super groupe The Arcs, side project de Dan Auerbach des Black Keys, revient 8 ans après son premier opus avec cet album hommage au batteur du groupe, Richard Swift, décédé en 2018. Electrophonic Chronic regroupe les enregistrements fait après Yours, Dreamily sorti en 2015, jusqu’à la disparition de Swift. Ils n’ont jamais arrêté de composer ensemble un peu partout aux États-Unis, et ce nouveau bijou de soul vintage et de garage rock old-school vient animer encore plus cette soul revival grandissante des dernières années.
Dès les premières notes de « Keep On Dreamin’ », avec ce rythme de batterie tapageur, les arpèges et la voix de tête de Auerbach portée par les chœurs du reste du groupe, nous sommes plongés directement dans cette space soul divine. « Heaven Is A Place », balade au piano doux et riff de guitare saturé, fait directement référence à Richard qui, en grande partie, a composé ce nouvel effort avec Dan. Puis les chansons « River », « A Man Will Do Wrong », « Backstage Mess » ou encore l’ultime messe gospel à l’orgue céleste « Only One For Me » suintent la soul sixties et nous font remonter le temps, mais toujours avec une certaine touche de modernité.
Douze titres qui permettent au groupe de dire au-revoir de la plus belle des manières à leur camarade de studio et frère de cœur.
Sortie le 27 janvier.
Coups de cœur : Keep on Dreamin, River, Sunshine, A Man Will Do Wrong, Backstage Mess, Only One For Me.
Thomas Soulet
M83 – Fantasy – Chapter 1
Anthony Gonzalez alias M83 est mondialement connu pour le titre « Midnight City ». Outre ce morceau qu’on connaît toustes, l’artiste est plutôt porté sur le rock atmosphérique et l’électro ambient, qu’il mélange au gré de ses envies et albums.
Alors que son dernier opus, DSVII, était déjà onirique mais instrumental et dénué de percussions, le premier chapitre de Fantasy pourrait être une B-O de film tellement les images affluent lors de l’écoute. Entêtant et sublime, Fantasy – Chapter 1 ouvre sur un monde féerique où guitares, synthés et batterie jouent de concert pour livrer le meilleur de chaque style. Avec des noms paysagers (« Earth To Sea », « Water Deep ») et des ambiances aériennes, le prologue qu’est Chapter 1 donne envie d’en découvrir plus sur l’album attendu pour le 17 mars. Le premier single dévoilé, « Oceans Niagara », était déjà une claque mais la barre ne cesse d’être relevée par M83…
Un petit mois à attendre avant de découvrir l’un des albums de l’année.
Sortie le 9 février.
Coups de cœur : Oceans Niagara, Earth to sea
Basile Hervé
Zoo Baby – Volume 2
Le Mac Demarco de la côte Est canadienne nous présente son deuxième album, Volume 2, riche en groove eighties disco funk mais à la palette éclectique mêlant folk, pop et rock. Xavier Dufour-Thériault et son alter égo Zoo Baby cherchent à travers ce nouvel effort à nous faire danser sur une pop élégante aux paroles sincères.
Les effluves à la ABBA sur « Différent de toi » confortent cette influence des années 80, puis les balades groovy « Je penserai à toi » et « Angela » affirment son image de crooner diabolique. Xavier se la joue Bowie période The Man Who Sold The World avec les titres « L’envie » et le single saturnien aux cordes féeriques « Ton appartement ».
Zoo Baby nous délivre son journal intime empli d’autodérision et de flirt amoureux. Un deuxième album porté sur un célibat assumé aux chansons sexy qui vous charmera sûrement.
Sortie le 10 février.
Coups de cœur : All Night Long, Je penserai à toi, Angela, Ton appartement, +1.
Thomas Soulet
Spiro – Seul dans le couloir
Spiro, originaire du 92, se lance dans le rap avec un premier album iconoclaste. Composé de sept titres, chaque son nous renvoie à une atmosphère singulière. Le rappeur jongle avec les genres, de l’électro à l’autotune en passant par des refrains chantés. Si « Arrivée mégalopole » – qui a fait l’objet d’un clip – se démarque du lot, d’autres titres n’en sont pas moins dignes d’intérêt comme « Michael Myers » et « Flashback, juin, juillet, août ».
L’un des points forts de Spiro ? Sa capacité à diversifier ses textes et à varier les thématiques abordées. Dans son titre romantique « Pars sans moi », nous retrouvons Lord Esperanza à ses débuts. Mais si l’on écoute Gilgamesh, nous sommes aussitôt propulsés dans un univers radicalement différent, quoi qu’encore un peu trop hermétique : « Spiro se réveille, fait de l’expérimental ». Si le rappeur a définitivement plus d’un tour dans son sac, il gagnerait à mettre davantage en valeur son timbre de voix sans avoir recours à l’autotune – ce qu’il fait avec brio dans « Arrivée mégalopole ». Les instrus, souvent lourdes et complexes, font effectivement de l’ombre à sa voix naturelle ainsi qu’aux textes déclamés qui méritent également d’être mis en exergue, quitte à ralentir le rythme par moments.
De toute évidence, Spiro est l’un de ces nouveaux venus dans le rap dont on ne manquera pas de suivre l’évolution avec intérêt.
Sortie le 8 février.
Coups de cœur : Arrivée mégalopole, Michael Myers, Flashback, juin, juillet, août, Pars sans moi
Marion Bauer
Paramore – This Is Why
Retour aux racines pour le trio après le virage pop After Laughter. Résultat ? This is Why est un opus teinté de post-punk qui frôle parfois la monotonie mais offre quelques beaux moments. L’ouverture du disque, « This Is Why », tient en haleine (et pas forcément dans le bon sens du terme). Ce n’est qu’au bridge que la musique commence à intéresser. Même critique pour « C’est Comme Ça ». Le refrain est long et sort presque de nulle part. Dur de s’impliquer… Mauvais départ, qui ne définit pas pour autant le reste du disque : des surprises persistent.
« Running Out Of Time » joue avec les mélodies, les rythmes. La piste nous perd, puis nous retrouve et la maîtrise vocale d’Hayley Williams porte le morceau. Quand la neuvième piste (« Crave ») se lance, c’est la lumière au bout du tunnel : les guitares aériennes annoncent d’ores et déjà la couleur. Coup de cœur pour le refrain à la voix éraillée, qui frôlerait presque avec Alanis Morissette sur l’indétrônable Jagged Little Pill. Pas un mince compliment…
Sortie le 10 février.
Coups de cœur : Running Out of Time, You First, Crave
Robin Schmidt
PICOT – Alimentation Générale (EP)
Howlin Banana Records frappe encore fort et nous présente son petit nouveau PICOT et sa pop lunaire et rêveuse avec un premier EP : Alimentation Générale.
Mélangeant ses influences françaises comme Hardy, Christophe ou encore Daho avec des références anglo-saxonnes telles que Blur, Georges Harrisson et Metronomy, Thibault Picot prend place dans l’océan pas si gigantesque de la musique française actuelle. Nous sommes comme attendris, reposés face à la douceur et la pureté des compositions. Nous nous perdons tout d’abord dans cette ritournelle élégante de « Si Tu Veux », où Picot nous fait valser à coup de riff de guitares séduisants et d’arpèges tordus aux allures de Girls In Hawaii. On dérive à bicyclette en roue libre sur le titre « Vélo » avant d’être surpris par un mélange étonnant sur « La Dérive », avec la voix à la yé-yé style Françoise Hardy de Bérénice Deloire, portée par la production à la Metronomy de Thibault.
L’EP se termine sur « Graham Coxon », où le chanteur guitariste entonne « je trompe personne avec mes grands airs, je suis pas Graham Coxon » et voudrait disparaître, alors qu’il brille sur ces magnifiques quatre titres sans prétention.
Sortie le 2 février 2023.
Coups de cœur : tout l’EP
Thomas Soulet
Joao Selva – Passarinho
Vous ne le savez pas encore, mais ce disque est exactement ce dont vous avez besoin pour supporter les toutes dernières semaines de l’hiver. Ce rayon de soleil transperçant vous est offert par Joao Selva, guitariste et chanteur brésilien, lyonnais d’adoption. Passarinho, c’est une bossa-nova moderne, teintée de jazz et de soul, qui compose son groove en piochant partout dans le monde, des percussions africaines aux cuivres caribéens.
Le boy from Ipanema (il est né dans ce quartier de Rio de Janeiro) qui s’était déjà engagé contre l’extrême-droite de Jair Bolsonaro dans ses précédents opus met ici la préservation de la planète en avant : le passarinho, « le petit oiseau » en portugais, est le symbole au Brésil de cette nature aussi fragile que majestueuse. « Je vais chanter, chanter et danser […] La vie ça ira mieux », scande Joao Selva. Alors chantons et dansons avec lui.
Sortie le 3 février.
Coups de cœur : Cantar Cantar, Vai Te Curar, Chuva
Kevin Dufrêche
Myth Sizer – POISON
Comment rebondir après Bisous (2018), un ovni musical serti de collaborations plus hallucinantes que les autres ? Est-ce chose faite ? Pas forcément. Mais une chose est sûre, dès qu’on appuie sur play, c’est un show transpirant qui démarre. Tout s’arrête, change de tempo à mi-chemin, la brume arrive et le vocodeur s’enclenche… La route continue, les pistes s’enchaînent et les beats sont toujours impeccables.
« Pourquoi tu suis le move ? » entonne Myth Sizer sur « Get Out ». Impossible de pas le faire, a-t-on presque envie de lui répondre. Mais les pistes peinent à briller. Loin d’être mauvaises, elles n’attrapent pas l’oreille. « MW2 » marque un point de non-retour. Les pistes qui suivent sortent du lot. Puis, « Saturday Love Fever » se lance (on retrouve KAYTRANADA aux crédits). Le son monte, comme si on s’approchait du DJ. Il énumère les jours de la semaine, mais (avec surprise) ça fait bouger. Le beat change, les synthés et l’électro de KAYTRANADA se mêlent aux beats coupants du rappeur… Et c’est une très belle rencontre.
Sortie le 10 février 2023.
Coups de cœur : Tout s’arrête, On se reverra, Get Out, Sunday Love Fever
Robin Schmidt
Da Break – Da Best Riddim Eternal Action Crew
Il fait bon vivre à Lyon. Les petits bouchons, la Croix-Rousse, la basilique de Fourvière, ses magnifiques quais, ses jeudis soir de fête… mais on parle trop peu de cet entremet sonore à l’œuvre depuis 2018 : Da Break. Ce collectif de soul qui se démarque, on le sait, par sa culture du non sampling, mais aussi et surtout par la qualité de ses productions.
Leur troisième album Da Best Riddim Eternal Action Crew, qui nous était offert il y a dix jours, ne fait que confirmer la solidité et l’ascension du groupe dans le groove game. Onze titres portés par des couleurs West Coast et caribéennes, à l’ambition de fédérer et d’inonder de leur bonnes vibes et flow celles et ceux qui se trouveront sur leur chemin. A commencer par le Transbordeur (à Lyon) le 23 Février pour la release party !
Sortie le 10 Février.
Coups de cœur : Fine, Morning Sun, Our Time, I.L.U
Guillaume Lacoste