Céline est le deuxième volet de la trilogie de la metteuse en scène Juliette Navis. Dans ce triptyque, elle s’inspire de personnages publiques pour interroger des thématiques et questionnements purement humains.
Mis en scène par Juliette Navis en coproduction avec le théâtre Sorano, Céline aurait pu prendre un « s ». La référence à Céline Dion est prétexte à des thèmes plus larges, comme ceux de la vieillesse et de la mort. Loin du pathos que ce résumé prédit, on rigole beaucoup devant Céline.
Une femme blonde, faux-cils et longue chevelure débarque avec un justaucorps bleu à paillettes en transportant sa grosse roulotte. Star, super-héroïne ou cliché de la femme blonde écervelée ? Un peu tout à la fois. En tout cas, Laure Mathis interprète les Céline avec une énergie débordante, qui peut être étouffante.
Dans la première partie du spectacle, le débit de parole rapide met sous tension. L’humour est quelque peu redondant avec des expressions québécoises rabâchées. En revanche, les interactions avec le public sont hilarantes et relèvent de l’authenticité. Il y a vraiment un rapport intime avec les spectateur·ices et c’est appréciable.
Un spectacle en trois parties
Débutant par un one-woman show énergique et drôle, la narration commence enfin. Toujours débordante de vitalité, la comédienne incarne et illustre la vie dépossédée de la femme célèbre. L’énergie généreuse de la comédienne se traduit aussi par l’utilisation totale de l’espace du plateau. Très vite, nous ressentons l’épuisement d’être une célébrité et nous nous essoufflons avec elle.
La rythmique du spectacle est abrupte, nous sommes quelque peu balloté·es entre les différentes vies et les différents temps. A la fin, le temps se suspend enfin pour nous laisser respirer tout en rêvassant face à cette image finale. Nous voilà enfin dans ce jardin fantasmé tout au long de la narration et c’est beau. Il n’y a plus de superflu d’énergie ni de perruque ou faux-cils. Toute cette tension prend finalement sens avec le soulagement que procure ce moment. Le fond de cette scène est sûrement plus funeste que ce qui est décrit précédemment. Serait-ce finalement la paix que cause la mort ?
Portrait de femmes
Son costume est sujet à la sexualisation du corps de la femme, poussé consciemment par des positions qui invitent les yeux baladeurs. La comédienne se retourne parfois pour lancer des regards entre complicité et accusation envers les voyeuristes que nous sommes en tant que spectateur·ices. Sans dire que cette pièce est volontairement militante, elle s’inscrit dans son temps et soulève quelques problématiques féministes.
On s’attache à ce personnage d’une grande authenticité grâce au jeu généreux de la comédienne et aux peurs du personnage qui sont en fait les nôtres. C’est un personnage incongru de par son costume, ses mimiques et sa roulotte énigmatique. Avec une peur de la vieillesse physique, le personnage peint par la metteuse en scène est comme nous tous·tes : elle a une grande peur de la mort et du dépérissement des corps.
Un lyrisme contrasté
Bien que le corps de la comédienne soit très engagé, l’imagination du public est titillée par la narration. Le texte est rempli de poésie. Il allie images, souffrance et appel à l’aide. Malgré de jolis mots souvent ponctués d’humour, il est déroutant qu’il y ait des passages plus crus. Le personnage est brut et authentique et nous le ressentons dans ses paroles, notamment lorsqu’elle décrit avec précision la décomposition du corps.
Dans ce spectacle, il est beaucoup question de métamorphose ; celle opérée sur le personnage mais aussi les changements de rythme et d’occupation de l’espace scénique.