MUSIQUEMusique en bref

Musique En Bref de rattrapage albums 2022

crédit Guillaume Lacoste

En ce début d’année, Maze vous propose un tour d’horizon des albums et EP qui ont fait l’actualité musicale en 2022. Une session de rattrapage pour pouvoir recommencer l’année du bon pied.

Ada Oda – Un Amore Debole

Voici un groupe bien européen. Ada Oda, duo en studio et quintette sur scène. Ce groupe belge nous présente leur musique post-punk saupoudrée de dolce vita avec leur premier album Un Amore Debole. Tout part d’une rencontre sur internet entre César Laloux (membre de The Tellers, BRNS ou encore Italian Boyfriend) et Victoria Barracato qui nous chantera les humeurs et amours de César en italien.

Ce mélange de boite à rythme, riffs de basse glaciales et de guitares acérées est comme réchauffé par la langue maternelle de Victoria, en opposition à son chant sévère digne des Slits, un des premiers groupe punk féminin. Un mixte réussi qui nous fait tout de suite secouer la tête comme sur les premières notes de « Niente Da Offrire » – qui, contrairement à sa traduction, nous offre ici un morceau aux pulsations salvatrices. Des titres punk rassembleurs mais aussi des balades douces comme « La Maschera » et son groove séduisant.

Ce premier effort est donc prometteur pour ce groupe qui nous montre déjà ses muscles (référence à leur pochette) de par son audace de mélange des styles.

Sortie le 25 novembre.

Coups de cœur : Un Amore Debole, Niente Da Offrire, Stanca Di Te, Mai Mai Mai, La Maschera, Domani.

Thomas Soulet

Lucrecia Dalt – ¡Ay !

Après avoir sorti Anticlines en 2019, Lucrecia Daze nous livre ¡ Ay !, un nouvel album saisissant, à l’approche conceptuelle, caractérisé par une exploration des sons et des textures. En centralisant son processus créatif sur Preta, une entité extraterrestre nouvellement arrivée sur terre, Lucrecia Dalt décompose et aborde avec une dextérité scientifique héritée de sa formation d’ingénieur géotechnique les conceptions terrestres de la temporalité, de l’incarnation et de l’amour. La chanteuse amorce une vision s’apparentant à de la science-fiction pour canaliser et revisiter les résonances colombiennes qui ont marqué son enfance.

Véritable voyage sensoriel, ¡ Ay ! écrase les genres en tissant une toile opaque et dissonante, évoluant entre congas, contrebasse sombre et synthés galactiques. Sa musique axée sur le récit utilise savamment la texture et l’acoustique pour venir appréhender autrement le monde tangible. « Je vais perturber ta narration et altérer ton paysage aplati » ; sur des paroles anti-conformistes et anti-restrictives, le boléro envahi de sons de synthé coupants devient anachronique, tandis que des clarinettes et des trompettes mélancoliques viennent se faire heurter par le grondement tapageur d’une contrebasse et d’un vrombissement mécanique.

Mue par le désir de faire de sa musique une autre façon de poser un regard critique sur la condition humaine, Lucrecia Dalt se sert de la dissonance pour faire une rythmique paradoxale, renversant au passage tradition et idées préconçues.

Alors que les bongos convergent avec des synthés métalliques, la décadence industrielle, fatale mais inévitable, revient incessamment tout au long de l’album, nous invitant à élargir les conceptions rigides et les espaces étroits que la musique latino-américaine est censée occuper.

¡ Ay ! est un album suspendu dans le temps, bien des années avant nous, et incarne définitivement l’OVNI musical immanquable de 2022.

Sortie le 14 octobre 2022

Coups de cœur : El Galatzó, Bochinche, La Desmesura

Romane Fragne

Yeah Yeah Yeahs – Cool It Down

On connaît leur principal tube, pour l’avoir entendu de nombreuses fois en soirée, mais on a tendance à oublier le nom de leur groupe. Karen O, Nick Zinner et Brian Chase forment Yeah Yeah Yeahs et se sont fait connaître en 2009 avec le tube international « Heads Will Roll ». En jouant avec les frontières du rock, de la new-wave, du post-punk, et propulsé par le charisme de sa chanteuse Karen O, le groupe se fait une place sur la scène musicale, qui dure depuis 15 ans.

Personne ne les attendait et pourtant, en septembre dernier, le groupe new-yorkais sortait son 5ème album, Cool It Down. Alors que la majorité des albums actuels dépassent les douze voire seize titres et privilégient la quantité à la qualité, Cool It Down n’en contient que huit et se démarque par un choix artistique qui fait sa force. Aucun titre qu’on rechigne à écouter, chaque morceau a sa place, son ambiance, son identité : du vaporeux et sublime « Spitting Off The Edge of the World » à l’électrisant « Fleez » en passant par l’incandescent « Wolf ».

Il faut bien l’avouer, on aime un peu plus ces albums qui restent sous la barre des 45 minutes et qu’on peut écouter en entier sans se lasser. Savoir faire le tri et ne garder que la substantifique moelle est la marque des grands artistes et donnent naissance à de grands albums (The New Abnormal des Strokes, AM d’Arctic Monkeys, Skinty Fia de Fontaines D.C et NO THANK YOU de Little Simz cette année). Pareil côté collaborations, la tendance actuelle est plutôt à l’overdose sans raison artistique apparente.

Yeah Yeah Yeahs choisit de son côté un unique featuring : le chanteur américain Perfume Genius qu’on entend sur le titre introductif « Spitting off The Edge of the World ». On n’aurait jamais imaginé une telle association mais l’alchimie est là, comme les frissons.

Alors que la rentrée musicale traîne un peu, faites vous plaisir et plongez tranquillement dans un album qui manie à la perfection une large palette d’émotions.

Sortie le 30 septembre 2022

Coups de cœur : Wolf, Fleez

Basile Hervé

Yoa – Chansons tristes

Après un premier EP, L’Attente en 2021, Yoa, dévoilait en novembre dernier ses sublimes Chansons tristes dansantes.

Sa pop intime se décline en sept titres aux compositions encore plus abouties et aux textes d’une élégante impudeur. Jeune femme d’aujourd’hui, assumant ses désirs et ses fragilités, la chanteuse continue de nous immerger dans sa chambre au plus près des besoins de son âme et de son corps où anxiété, lucidité, solitude et envies sexuelles se mêlent en douceur.

Qu’elle parle de son «  cœur de pierre  » et «  sa tête pourrie  » dans «  Comment faire ?  » ; de «  normaliser la honte » («  insomniaque 4 ever  ») ou d’aller sur «  pornhub pour (se) calmer  » («  chanson triste  »), Yoa est l’amie qui se confie sans rien omettre. L’amie qui nous ressemble et que l’on comprend, ancrée dans notre époque, cette «  génération maladie mentale  ».

Des thématiques qu’elle nous susurre de sa voix suave tandis que sa musique appelle la danse jusqu’aux parfaites sonorités reggaeton de «  maddy ❤  » ou au beat de «  yt boy  » en duo avec Tomasi (également co-compositeur de l’EP). Ultra talentueuse et multi-facettes, Yoa est décidément une artiste à continuer de suivre de très près.

Sortie le 25 novembre 2022

Coups de cœur : maddy ❤, chanson triste, insomniaque 4 ever

Diane Lestage

SZA – SOS

Très (très) attendue, l’interprète de Ctrl (2017) reprend le contrôle et s’affirme sur un disque aux multiples facettes.

Dès l’ouverture de SOS, un signal de secours en morse se fait entendre… Des coups de feu retentissent et l’artiste annonce la couleur. « No more fuck shit, I’m done/Damn right, I’m the one ». Elle est loin, la jeune femme anxieuse et peu sûre d’elle de Ctrl. On la retrouve, par moments, vite étouffée par une indépendance nouvelle. Les pistes s’enchaînent, différentes mais toujours mélodieuses, sans jamais que leur production ne fasse défaut.

Quelques surprises se frayent un chemin entre ces vingt-trois nouveaux titres. « Blind » rappelle le meilleur de Blonde (2016) de Frank Ocean, tandis que « F2F » et ses guitares rock penchent plus du côté d’Avril Lavigne et des derniers projets de WILLOW. Une jolie mosaïque – construite avec Phoebe Bridgers, Travis Scott, Ol’ Dirty Bastard et Don Toliver – où (presque) tout le monde peut trouver son compte.

Des nouveautés bienvenues, qui prouvent encore que SZA a beaucoup à offrir, et que son catalogue continuera à nous surprendre de projets en projets.

Sortie le 9 décembre

Coups de cœur : Blind, Seek and Destroy, Smoking On My Ex Pack, Gone Girl, F2F, Ghost In The Machine, Special, Open Arms

Robin Schmidt

Vulfpeck – Schvitz

C’était peut-être pour habiller nos soirées du réveillon pour le passage en 2023 que Vulfpeck a choisi de lâcher son dernier groove le 30 décembre. 

Schvitz est en tout cas le bonbon parfait pour traverser la déprime saisonnière qui se présente à nous. La bonne humeur véhiculée par la funk totale de la joyeuse bande du Michigan marche toujours très bien, sans réinventer grand chose cette fois. À l’exception de la manière de dévoiler l’album : les chansons sont sorties une à une sur YouTube, par le biais de vidéos d’enregistrement live tournées dans un sauna (« schvitz » est le mot yiddish pour dire sauna).

Chaleur, détente et donc, un bon moment : Schvitz est un genre de sauna musical, où l’on est heureux de passer une demi-heure, le temps d’oublier un tout petit peu l’hiver.

Sortie le 30 décembre 2022

Coups de cœur : New GuruSimple Step.

Kevin Dufrêche

Little Simz – NO THANK YOU

Début décembre, le nouvel album de la rappeuse anglaise apparaît sur les plateformes de streaming. Sans annonce, sans promotion préalable. L’opus, rendu public un mardi (et non un vendredi, comme le veut la coutume) a tout d’un doigt d’honneur au conformisme de l’industrie musicale.

Pour celle à qui l’empowerment tient à cœur, c’est chose faite : Little Simz prend son destin en main, envoie bouler tous les dogmes qui entravent souvent artistes et projets, pour faire entendre SA voix à elle. Le disque est aussi doux qu’inattendu, élevé par des productions brutes, teintées de jazz. Les textes ne déçoivent pas.

Sur « X », en plus de s’attaquer à des thématiques qui lui sont chères (l’oppression systémique à laquelle font face les femmes noires), elle complimente les percussions et leur laisse le temps de briller. Pour laisser le temps au message, de retomber, de s’imprimer dans les esprits.

NO THANK YOU est plus qu’un simple doigt d’honneur à l’industrie, c’est une expérience viscérale où l’artiste étale ses peines et ses combats. « I don’t wanna live my life being a silhouette ». Que vous écoutiez ou non, elle ne s’arrêtera pas là.

Sortie le 12 décembre

Coups de cœur : Silhouette, No Merci, Sideways, Heart On Fire

Robin Schmidt

Paolo Nutini – Last Night In The Bittersweet

Nous le savons Paolo Nutini aime prendre son temps entre chaque album. Il aura fallu 8 ans pour découvrir cette épopée post punk et psychédélique, aux parenthèses parfois folk, Last Night In The Bittersweet.

Dès la première chanson « Aftermeath » nous embarquons dans les limbes sonores de Led Zeppelin où les mimiques vocales de Paolo s’inspirent de Robert Plant. Puis une pop plus généreuse aux allures de balade post punk colorée nous caresse les oreilles avec les titres « Radio », « Through The Echoes » et « Acid Eyes ». Ce nouvel opus rayonne par son audace, la soul cheesy de These Streets est bien loin et la funk de Caustic Love se transforme en rock suintant les années 80.

Rempli de grooves rockambolesques comme sur « Lose It » et la très Elvis Costello vibes « Petrified In Love », Last Night In The Bittersweet pioche dans tous les styles. Nous y découvrons du hard rock 70’s, du post punk style années 80, de la country sur la sublime chanson « Abigail », ou encore des balades jazzy comme la divine « Take Me Take Mine » aux mélodies inspirées des plus belles chansons de Robert Wyatt période pré Soft Machine.

L’écossais rayonne donc sur ces seize titres majestueux et nous élève, ne touchant plus terre, dans ce nouvel univers Pink Floydien et céleste.

Sortie le 1er juillet 2022.

Coups de cœur : Aftermeath, Through The Echoes, Lose It, Everywhere, Abigail, Childen Of The Stars, Julianne, Take Me Take Mine

Thomas Soulet

Ezra Collective – Where I meant to be

Leur album You Can’t Steal My Joy était l’un de nos coups de cœur en 2019, et leur performance au Pitchfork à Paris cette même année nous avait, et c’est un euphémisme, BLU-FFÉ. Une éternité semble s’être écoulée depuis, la furieuse envie de les revoir sur scène grandissant chaque mois.

Une attente qui a pris fin il y a quelques mois avec la sortie de l’album Where I Meant To Be, introduit au compte goutte avec les déjà mémorables « Victory Dance », « Life Goes On » (où ils convient Sampa the Great) ou encore « No Confusion » (propulsé par Kojey Radical). À l’instar de leur premier disque, Where I Meant To Be est une belle lettre d’amour au jazz et à l’afro beat, et à l’héritage des genres noirs où ils puisent leurs influences, « une célébration percutante de la vie » précisera le leader Fémi Koleoso (batteur de Gorillaz).

Plus qu’une chose à faire, aller célébrer la vie au Trabendo le 14 février prochain.

Sortie le 4 Novembre 2022

Coups de cœur : Victory Dance, No Confusion, Smile

Guillaume Lacoste

Röyksopp – Profound Mysteries I, II, III

Le duo norvégien d’électro pop en fait toujours trop, produit des tubes à la chaîne et ne lésine jamais sur les basses lourdes et profondes. Il ne s’est cette fois pas contenté de faire son grand retour avec un seul album, mais toute une trilogie. Et malgré un côté très classique, la dimension spirituelle et cosmique de leur art fonctionne toujours aussi bien.

Röyksopp tire son nom d’un champignon qui fait de la fumée quand on l’éclate : l’esthétique enchanteresse des clips de Profond Mysteries puise dans l’imagerie des végétaux et des champignons, un peu comme l’a fait cette année une autre Scandinave bien célèbre. Amoureux des ambiances spacieuses, mystiques et denses, des claviers oniriques et des voix grandioses, Svein Berge et Torbjørn Brundtland ont l’habitude de collaborer avec des pépites : après Robyn, c’est désormais Susanne Sundfør et Alison Goldfrapp qui prennent le relai, présentes sur les 3 albums et qui signent avec eux les sons les plus réussis de cet ensemble (« Oh, Lover », « Stay Awhile »). Le duo aura également déniché sur ces albums plusieurs autres talents aux voix féminines puissantes, Astrid S, Pixx.

Et si Profond Mysteries I, II & III est dans l’ensemble plus pop qu’expérimental, on retrouve tout de même des sons dans la veine ambient de leurs débuts (« Press « R » ») voire des morceaux techno (« This Time, This Place… »), avec toujours une dimension spirituelle et cosmique exacerbée, plus de vingt ans après la sortie de l’album qui les a révélés, Melody A.M. et de la Bergen Wave qu’ils auront largement contribué à faire déferler sur le monde dans les années 2000.

Sortie le 18 novembre 2022

Coups de coeur : Me&Youphoria, Oh, Lover, Stay Awhile, I You Want Me 

Milena Ill

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