LITTÉRATURE

« Les petites amoureuses » – Clara Benador, l’étoile naissante

Les petites amoureuses
© éditions Gallimard

Vingt-quatre ans et déjà pleine de projets, Clara Benador délaisse l’espace d’un instant ses (nombreuses) autres disciplines artistiques pour la littérature et signe Les petites amoureuses, un premier roman envoûtant.

Mannequin, chanteuse, actrice, photographe et désormais écrivaine. Difficile de ne pas parler de Clara Benador, même pas la trentaine, comme d’une étoile montante. Les cinéphiles ont pu l’apercevoir dans le dernier long-métrage de l’italien Paolo Sorrentino (La main de Dieu, toujours disponible sur Netflix) ou dans Conan La Barbare, de Bertrand Mandico. Les spécialistes ont pu voir ses clichés exposés dans la librairie et galerie d’art parisien Ofr, où elle a exposé pour la première fois. C’est forte de ces expériences à l’éclectisme impressionnant que la jeune femme se lance dans l’écriture. Comme son parcours, ce premier roman est impressionnant de maîtrise.

Un tumulte

Publié dans la prestigieuse collection Blanche, ce premier texte se veut ambitieux. Comme beaucoup de premiers livres, Clara Benador signe un roman d’apprentissage. On y suit Lola, petite Juive aux cheveux blonds. Elle coule une existence paisible à Vienne, en Isère. Son quotidien est bouleversé par la guerre qui éclate, la nécessité de porter l’étoile jaune, les stigmates sur sa famille, le danger permanent. Ses parents décident de fuir, la famille se déporte à Casablanca, au Maroc. En 1941, là-bas, on ne risque plus d’être poursuivi parce que Juif mais les choses de la vie ont un goût âpre. Le racisme est omniprésent dans ce pays qui n’a pas encore acquis son indépendance. On ne se mélange pas, les règles sont ainsi faites, et pourtant Lola, un jour, rencontre Shéhérazade au coin d’une rue. Elle danse. Elle est belle. C’est une Arabe, et une prostituée.

Récit de fuite, histoire d’une passion – ni amicale, ni amoureuse, mais les deux en même temps, le genre que seule l’adolescence sait produire – Les petites amoureuses s’appuie, pour se construire, sur les impressions, les sensations, les odeurs, les paysages. Il y a bien Lola et son désarroi, mais le véritable héros de ce livre c’est le Maroc. La petite société qui gravite dans Casablanca s’impose comme un fil rouge, ce que l’on y mange, les températures, les personnes qui marchent dans les rues et ne se mélangent jamais. La résistance du père en toile de fond.

Clara Benador tisse sa toile, raconte moins une histoire aux rebondissements linéaires qu’une impression sensible, touffue, de ce qu’était la vie de son héroïne en ce lieu, à cette époque. Shéhérazade émerge finalement de ce tumulte de sensations, pour une fin en apothéose qui laisse présager une grande écrivaine.

Les petites amoureuses de Clara Benador, éditions Gallimard, 16 euros.

Journaliste

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