CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2022 – «  Le Parfum vert  »  : Mystère et boule de gomme

Le Parfum Vert
© Diaphana

QUINZAINE DES REALISATEURS – Vincent Lacoste et Sandrine Kiberlain en tandem dans une enquête aux dimensions européennes ? C’est le pari, réussi, que fait Nicolas Pariser avec Le Parfum vert. Son dernier long métrage est un film d’espionnage décalé à l’univers truffé de références populaires.

Soir de représentation à la Comédie Française. En pleine tirade, un comédien s’effondre. Avant que le rideau ne tombe sur son corps sans vie, la victime souffle quelques mots à l’oreille de son collègue et ami, Martin (Vincent Lacoste) : « Le parfum vert ». Et voilà ce dernier lancé sur la piste d’un réseau criminel d’envergure européenne. Kidnappé, drogué, puis soupçonné par la police, le jeune homme a de quoi être désorienté. Son air constamment égaré trouvera en Claire (Sandrine Kiberlain), autrice de BDs en mal de public, une alliée à sa mesure pour mener l’enquête.

Une femme de dos au chignon relevé, un escalier en spirale, deux policiers aux faux airs de Dupont et Dupond… Le Parfum vert aurait pu s’asphyxier sous le poids de ses références. Pourtant, Nicolas Pariser (Alice et le maire) tire de cette matière première un cadre cartoonesque coloré et récréatif.

Comme l’explique le réalisateur, le film s’origine dans le parallèle original qu’il a tracé entre les aventures de Tintin et les films d’Hitchcock. La transposition des éléments de cet héritage aux décors et aux costumes crée ainsi une belle complicité avec le spectateur. Comme un clin d’œil, Le Parfum vert vaut peut-être moins pour son intrigue que pour le plaisir, partagé, que prend son auteur à raconter des histoires dans un univers légèrement décalé.

Objectif Europe

Cet art du récit, Nicolas Pariser le déploie dans des dialogues finement sculptés dont l’humour fait mouche. Réuni.e.s dans un duo inséparable, Vincent Lacoste et Sandrine Kiberlain donnent au Parfum vert une touche de maladresse charmante. Affublé.es d’un pantalon beige et d’une chemise bleue tintinesques pour lui, d’une veste à la Corto Maltese pour elle, Martin et Léa sont toutefois uni.es par une caractéristique commune qui les écarte de leur personnage de référence.

Car les deux comparses sont des juifs ashkénazes. Ils partagent le trouble anxieux caractéristique des déscendant.es des victimes de la Shoah. Nicolas Pariser ne s’en tient au pastiche farceur. L’organisation criminelle du Parfum vert a des relents nauséabonds d’antisémitisme.

En filigrane il y a donc cette donnée souvent oubliée des discours politiques et médiatiques. Alors qu’une guerre a lieu sur le continent Européen et que la violence fascisante de l’extrême droite française (et européenne) s’expose impunément, Le Parfum vert prend un tout autre relief. Le parcours européen de Martin et Léa – de Paris à Budapest en passant par le Parlement européen – n’est en ce sens pas anodin. Et sous ses allures de comédie d’espionnage artisanale et inoffensive, Le Parfum vert vire au noir ; celui d’une Histoire qui semble tourner en rond.

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