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Rencontre avec Le Noiseur : « Avec Relax, il y avait cette envie de liberté »

Le Noiseur
© Antoine Henault

Un an après la sortie de son second album Relax, Le Noiseur revient avec Encore plus relax une réédition comprenant quatre nouveaux titres « toujours plus » géniaux et une version acoustique de Jimi Hendrix. Rencontre.

Un an après la sortie de Relax avec cette réédition et des lunettes de soleil rajouté sur la pochette, Encore plus relax vraiment ? 

L’album s’appelle comme ça, oui. Je trouvais ça marrant pour une réédition de faire le lien avec Relax. C’était assez évident. 

Il y a donc quatre niveaux titres : «  Good Morning  », «  Je reste cool  », «  Pour toujours  » et «  La dernière chanson  ». On a le sentiment d’une suite de l’album avec une progression de ton personnage, l’impression de se convaincre d’être encore plus cool et détendu…

Oui, il y a l’idée dans « Je reste cool », même si le fond parle de la mort, donc ce n’est pas si joyeux que ça. Je crois que les quatre chansons sont toutes assez différentes. Le premier single, « Je reste cool » est une chanson pop, assez classique. « Good Morning » est une ballade plus complexe et j’avais envie d’un piano/voix, d’un truc plus épuré. J’ai l’habitude de faire des arrangements assez chargés, assez riches. Je voulais essayer un truc plus simple et en live. Et « Pour Toujours » est assez hors format, il n’y a ni couplets ni refrains. J’aime bien cette chanson, car c’est la première que j’ai écrite dans laquelle je peux me lâcher dans l’interprétation. Elles viennent compléter la palette qui est la mienne. 

Quand tu sors «  Musique de chambre  », qui devient le nom de ton EP, c’est pourtant la seule chanson qui n’est pas présente sur l’album Relax, est-ce qu’il y avait cette idée de passer de la «  Musique de chambre  » à la «  Musique de stade  » ? 

C’était une chanson un peu hors format aussi. Comme une introduction pour raconter là où j’en étais quand je faisais cet EP après le premier album. Quelques années s’étaient écoulées donc c’était une manière de dire ce que j’avais envie de faire, et là où j’avais envie d’aller. «  Musique de chambre  » était un passage qui ne justifiait pas une présence sur l’album. 

Pour revenir sur le passage du premier au deuxième album, Du bout des lèvres (2015) était très beau mais complètement premier degré dans la mélancolie et te plaçait obligatoirement dans une filiation avec d’autres chanteurs : Delerm, Biolay, Miossec… Avec Relax, on te retrouve dans un lâcher-prise totalement libre où tu mélanges les styles, les sujets mais surtout avec beaucoup d’humour… Comment s’est fait ce changement de direction ? 

C’est vrai que Du Bout des lèvres était très premier degré, mais hyper sincère. Il a été fait sans savoir ce que c’était de faire un disque. Je n’en étais pas tout à fait content, justement de ce côté hyper romantique. Ça me ressemblait, mais pas complètement. C’était très important pour moi que le suivant me ressemble dans tout ce que je suis. Je voulais un album généreux où je pouvais me faire plaisir dans la musique en essayant de réunir toutes mes influences : du rap et de la chanson. Après, c’est normal, le chemin est long. Avec Relax, il y avait cette envie de liberté et de ne pas avoir peur des mélanges. Il y a quand même une unité par l’interprétation et la voix même si les chansons sont différentes. La volonté était de ne rien s’interdire, de ne pas trop se poser de questions et de faire les choses comme elles venaient. 

C’était logique de faire ton retour en sortant la chanson « Summer slow 88  » qui est dans la lenteur avec ce slow comme ton premier album mais directement il y a un décalage avec le clip, l’univers…

« Summer Slow 88 » peut faire le lien entre les deux albums. Il y a la lenteur, mais des influences hip-hop, du second degré tout en étant très romantique. C’est une rencontre amoureuse et rétrospectivement oui, ça crée le lien. 

Tu fais beaucoup de citation également dans Relax, qui vont de la pop culture et certaines plus contemporaines, est-ce qu’il y a un désir d’inscrire tes textes dans une intemporalité par ces choix ? 

Je me suis rendu compte qu’il y avait pas mal de noms propres dans l’album, et je pense qu’il y a deux raisons. La première, ça permet de référencer, de situer dans une époque, de dire « j’ai grandi dans les années 1990 » ou « je peux parler d’aujourd’hui ». Et il y a une autre raison plus inconsciente, par exemple, j’ai une chanson qui s’appelle « Jimi Hendrix ». Quand on ne connaît pas un artiste et qu’une chanson porte le nom de quelqu’un que tout le monde connaît, on a envie de l’écouter. Je pense que c’était une manière de faire venir les gens vers mon univers, vers mes chansons. Pareil, pour « Week-end à Rome 2.0 » en référence à Daho. 

Il y a une construction d’ambiance dans tes chansons ? Comment est-ce que tu écris ? 

De plus en plus, j’essaie de partir d’une idée. J’ai envie de parler de telle chose de telle manière et je peux avoir l’idée du titre qui donne une direction musicale. Mais écrire des chansons, c’est toujours un petit miracle. Il n’y a pas tellement de manières de faire, parfois ça peut venir d’une musique, d’une envie de climat. Il n’y a pas de règles. C’est assez mystérieux. 

Il y a quelque chose qui revient beaucoup dans ton album, c’est l’ idée de mouvement que ce soit les textes ou les compositions : entre la danse, la voiture, le week-end à Rome, le Perche, etc. c’est quelque chose qui t’animait cette envie de bouger ?

J’aime bien partir. J’aime écouter de la musique dans la voiture en conduisant. Peut-être qu’il y a ce truc de mouvement, mais je n’y ai pas pensé en écrivant les chansons.

Les chansons d’amour sont encore très présentes dans Relax, c’est plus facile d’écrire des chansons d’amour ? Qu’en penses-tu ? 

C’était plus le cas du premier album et c’est un peu la facilité, oui. On s’est tous fait quitter un jour donc ça devient le premier réflexe de raconter ça quand on écrit des chansons. Mais c’est bien d’essayer de dépasser ça en parlant d’autres choses même si c’est difficile. Il y a tellement de belles chansons d’amour qui sont de très grandes chansons. J’essaie de m’en détacher aujourd’hui. 

L’album s’accompagne d’un aspect visuel très fort construit avec le réalisateur Aurélien Ferrer, comment ça s’est fait cette idée d’établir des univers différents pour chaque chanson ?

Un peu par hasard. Le premier clip que l’on a fait avec Aurélien est « Summer Slow 88 »et le tournage a été improvisé quelques jours avant. Ce n’était pas prévu. On devait faire un clip totalement différent avec une grosse équipe et tout a été annulé. On s’est retrouvé à devoir trouver une autre idée rapidement. On ne se connaissait pas à ce moment-là et le tournage a été magique. On a donc décidé de poursuivre dans l’idée d’aller à la rencontre des gens chez eux, dans leur univers et de tourner au milieu d’eux sans les déranger. Puis on a décliné sur plusieurs clips et ça a toujours été de superbes rencontres. Il y en a dont je suis resté proche. Par exemple, on a tourné le clip de « L’origine du monde » dans une boulangerie dans Les Pyrénées et cette famille de boulangers sont venus à Paris pour le salon du chocolat et ils nous ont invités. C’est une manière de tourner des clips que j’aime bien, qui est tournée vers les autres. Je ne sais pas ce que sera la suite, mais on en a fait une dizaine avec Aurélien jusqu’au dernier, sorti récemment où on a tourné dans un Club Med avec des gens en vacances. Ça donne une idée de qui je suis et c’est à ça que sert le clip. 

D’ailleurs, est-ce qu’il y a une influence du cinéma sur ton travail artistique ?

Oui, mais parce que j’écoutais beaucoup de musiques de films à une époque et j’avais envie d’en composer. Je pense que ça se ressent dans les arrangements. J’aime notamment Ennio Morricone, Georges Delerue, Philippe Sarde, Badalamenti aussi qui fait des choses plus électroniques. Ça a forcément infusé. 

À quel moment est venu chez toi cette envie de devenir chanteur ?

La musique est venue assez tôt, j’ai appris la batterie à 6/7 ans dans une école de musique. Puis au lycée quand j’ai découvert le rap, je me suis dit que j’aimerais faire de la musique plus tard. Et petit à petit, j’ai commencé à composer des instrus’. Ça a été un long chemin pour arriver à chanter devant des gens et à leur faire écouter. La passion est née au lycée et ne m’a jamais quitté depuis. 

Tu penses que ça prend du temps de s’autoriser soi-même ?

J’étais très timide et pudique. Faire écouter mes chansons était très difficile. Ça a pris du temps. C’est assez tard que j’ai commencé, vers 25 ans, je pense. Et après ça a pris encore du temps d’aller plus loin, de prendre confiance. Mais ce qui est sur c’est que ce désir de musique ne m’a jamais quitté pendant toutes ces années. 

Tu te souviens de ta première fois sur scène ?

Le premier concert était au Réservoire à Paris dans le cadre d’un tremplin. Ils avaient choisi trois ou quatre artistes qui venaient jouer chaque soir. C’était la toute première fois que je jouais mes chansons avec des musiciens. C’était un immense stress, on n’avait pas vraiment répété mais finalement tout s’était bien passé. J’ai le souvenir d’un trac immense et ce n’était pas non plus une petite salle. J’étais impressionné de démarrer comme ça. La même année, j’avais fait une sorte d’open mic dans un bar, je pense que c’était la vraie première fois. 

Et là La Cigale le 28 novembre…

C’est cool d’avancer et de voir que ça progresse. Faire La Cigale, c’est une belle salle, je suis content de pouvoir le faire. Ça prend du temps et c’est bien aussi. Avec cet album, il s’est passé beaucoup de choses, c’est un bel aboutissement, un beau symbole ! 

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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