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Rencontre avec ALIAS – « Je ne me sers pas de la musique pour faire passer un message »

Crédit : @MarinaViguier

Le 28 septembre sortait Jozef, un album-concept autour de l’alter ego du musicien. Partons à la rencontre d’ALIAS, de sa tournée française, son album et ses influences cinématiques.

Il y a quelques semaines, nous avions rencontré Emmanuel, plus connu sous le nom d’ALIAS, pendant son passage à la capitale. Entre naïveté et horreur, ALIAS nous raconte une histoire à travers 12 titres dans son nouvel album Jozef.

Comment se sont passés les concerts que tu as faits à Paris ?

Très cool ! Beaucoup de monde au MaMA, beaucoup de wildness, il faut aller très vite, les change over sont de 20 minutes… mais très cool. C’est quarante minutes, donc ça passe en deux secondes. Le Plan, c’était incroyable. Il y avait moins de monde mais c’était incroyable quand même. C’était ailleurs avant, super grunge, rock’n’roll, punk, avec des tags partout – ils ont même gardé des bouts de l’ancien mur qu’ils ont mis dans Le Plan. Il y avait deux scènes, une scène club et une grosse scène. On a joué sur la grosse scène juste avant MNNQNS, donc super chouette ! J’adore leur musique et les personnes, on a traîné un peu ensemble.

As-tu fait des découvertes là-bas ?

Oui, Structures, que je ne connaissais pas, super fucking cool. Après j’ai parlé avec une fille qui était au MaMA, je l’ai rencontrée dans les escaliers. Elle m’a interpellé parce qu’elle nous a découverts via France Inter et elle est venue au MaMA alors qu’elle ne connaissait pas du tout ALIAS. C’était très touchant, elle était super sympa. On lui a dit qu’on jouait au Plan, je ne pensais pas qu’elle viendrait parce que c’est compliqué d’y aller, mais elle était là. De très belles expériences.

Crédit @MarinaViguier

Qu’est-ce qui est prévu pour les prochains jours ?

Mercredi, on prend la route pour aller à Angoulême. On va jouer avec les Levitation Fee, et ensuite on part pour Saint-Nazaire, pour la première partie de Bass Drum of Death. Quand on m’a dit que j’étais booké pour leur première partie, c’était incroyable parce que c’est un groupe que j’écoute depuis des années. Je les adore, ils m’ont inspiré dans le psych, dans le stoner… Déjà d’avoir le plaisir de les voir en live, c’est trop cool, et en plus de ça ouvrir pour eux ! On a quand même hâte de quitter Paris, de rouler un peu, parce que c’est bizarre de faire une tournée sans faire de route.

Comment as-tu reçu le retour du public par rapport à tes lives ?

Bien à chaque fois, c’est toujours dur d’avoir le recul de se dire si c’était un bon concert ou pas. Moi je pars du principe que quand tu fais une chanson, les gens applaudissent toujours à la fin. Savoir ce qu’ils pensent, c’est un peu plus compliqué. Mais il y avait beaucoup de personnes qui venaient me voir en me disant « super chaud », « trop cool »… c’est flatteur. 

D’où vient l’esthétique rouge de ton projet ? 

À la base, il y a bien évidemment quelque chose de diabolique que je veux mettre en avant sur Jozef, sur l’album. Le rouge, c’est un peu la couleur du démon, et puis il y a une autre connotation. M. Night Shyamalan, le réalisateur du film Sixième Sens, a toujours, si tu remarques bien, un clin d’œil au rouge. Que ce soit une fleur qui représente le mal ou une fille qui a commis un crime et qui est habillée en rouge. Donc c’était un peu un clin d’œil, mais je ne voulais pas que ce soit trop gore, c’est sans violence. Le rouge se retrouve aussi dans mes habits, ça reflète un petit peu un côté diabolique.

Oui, et ça reste classe !

Oui, il faut que ça reste accessible quand même. Mon but c’était de faire comme si c’était un film d’horreur, mais produit par Pixar, un film d’horreur pour les enfants quoi.

L’album Jozef est construit autour de l’histoire du personnage de Jozef. Comment décrirais-tu ce personnage ?

Physiquement, je ne sais pas, parce que dans ma tête il a plusieurs physiques, plusieurs personnalités. Ça peut être une femme ou ça peut être un homme, ça peut être un chien, ça peut être n’importe qui. C’est un personnage que j’utilise pour exprimer mes sentiments, lui les exprime de manière abusive, très expressive. Jozef vit à 200 % ses émotions, c’est mon avatar et je me cache un peu derrière lui, il parle pour moi. Moi je ressens les choses et lui parle, c’est un peu ma marionnette.

C’est une manière pour toi d’extérioriser aussi tes émotions sans te mettre trop en avant ?

C’est ça, je ne suis pas de nature très timide mais c’est un peu un raccourci si on veut. C’est comme quand tu es plus jeune, que tu trouves quelqu’un mignon et que tu n’oses pas aller lui parler. Tu lui envoies ta copine, la personne va le voir et lui dit : « Il y a ma copine qui te trouve mignon ». 

Pour toi, la musique sert à exorciser tes émotions, mais est-ce que ça te sert à d’autres choses aussi ? 

C’est un peu la seule chose que je sais faire. Je n’étais pas bon à l’école, j’ai eu plein de jobs à droite et à gauche, j’ai travaillé dans un lycée militaire, dans une banque… La musique est un peu un exutoire et en même temps, c’est un besoin. Je ne me sers pas de la musique pour faire passer un message. Je ne fais pas de politique avec la musique, loin de là. Pour moi, ce que je transmets reste du divertissement. La musique, c’est un besoin, si je n’en fais pas pendant deux semaines, il y a quelque chose qui ne va pas tourner rond dans ma tête. 

Tu en parlais tout à l’heure, le côté cinéma est très important aussi dans ton projet. Est-ce que tu as un top de films que tu aimes ?

En premier lieu, je dirais Vol au-dessus d’un nid de coucou avec Jack Nicholson. Ça se passe aussi un peu dans un asile. Jack Nicholson est accusé d’un crime particulier et il se fait passer pour un fou pour ne pas aller en prison. Ça reste quand même quelqu’un d’attachant : il est complètement barré, c’est quelqu’un qui fait plein de conneries à la seconde et il se retrouve là, entouré de personnes auxquelles il s’attache.

Et il va un petit peu délivrer l’hôpital psychiatrique, emmener les patients faire un tour en bateau alors qu’il n’a pas le droit par exemple. Ce film-là est vraiment très touchant et le jeu d’acteur incroyable. Avec Jack Nicholson toujours, Shining, qui est bien évidemment une grosse référence. Direct après, Toy Story. Je suis un grand fan de Toy Story, j’adore les jouets. En quatrième, les Back to the Future. Quand j’étais petit je disais souvent à mes parents que je voulais devenir cowboy ou voleur parce que j’avais vu Retour vers le Futur 3, qui se passe dans un western.

Quand tu disais que tu voulais vraiment une esthétique entre Pixar et le film d’horreur, c’est typiquement à Shining et à Toy Story que je pensais.

Mais tu te rappelles dans le premier Toy Story, il y a Sid le voisin, celui qui déformait tous ses jouets ! Il y a quelque chose d’apeurant quand même là-dedans… Aussi, l’araignée avec une tête de bébé, c’est super effrayant quand même mais c’est accessible. 

Oui, c’est vrai que j’avais peur de regarder quand j’étais petite…

Mais c’est comme les Harry Potter, il y a quelque chose d’effrayant. Il y a des petits frissons, des sursauts.

ALIAS, Jozef - LITZIC
Pochette de l’album Jozef

La pochette de l’album est vraiment typique d’une affiche de film d’horreur, est-ce qu’il y a une histoire derrière ?

J’ai voulu illustrer un moment clé de l’album dans le storytelling. Ça arrive au milieu de l’album, dans cet hôpital psychiatrique. La chanson Keep on Dancing se passe dans l’hôpital avant qu’il brûle, Josef y est interné pour X raison à un moment donné. Il va se lier d’amitié avec une autre patiente, dans l’aile commune, « la cafétéria des fous », et ils vont décider d’apprendre la valse ensemble. Pourquoi, je ne sais pas, mais j’ai trouvé ça charmant. Tous les deux, ils vont apprendre la valse tous les jours, à chaque fois qu’ils se retrouvent là. C’est leur rendez-vous quotidien, jusqu’à ce qu’un jour, elle ne se présente plus. Il la cherche un peu partout. Il la recroise dans un couloir mais elle ne le reconnaît plus. On ne sait pas en quelle année ça se passe, parce que dans les années 70, il y avait la lobotomie. On ne sait pas ce qu’on lui a fait. Dans mon écriture, c’est ce que j’ai voulu faire ressortir, qu’on lui a lavé le cerveau et qu’elle ne le reconnaît plus.

La chanson s’appelle Keep on Dancing « I will keep on dancing for you » : je continuerai à danser pour toi même si tu n’es plus là. Elle est quand même avec lui. Mais c’est vraiment une déchirure pour Jozef qui va décider de se venger et de brûler l’hôpital psychiatrique. C’est le moment du gros drama de sa vie et c’est ce qui va le faire sombrer. C’est comme s’il avait trouvé un remède dans sa vie, qui était cette personne-là, son amie, et on le lui a enlevé. Il va sombrer et ça c’est tout le reste de l’album qui est beaucoup plus dark, et l’hôpital aussi représente un peu ça.

Ça ressemble un peu à l’histoire du Notebook, à la fin du film.

C’est drôle parce que c’est le genre de film que tu regardes quand tu es adolescent, qui te fait pleurer… Mais le problème, si je le re-regarde je repleure, en plus avec Ryan Gosling qui est tellement beau dedans. Oui, on retrouve un côté touchant.

Est-ce que tu aurais une découverte culturelle à nous partager ?

J’écoute beaucoup de musique donc je pourrais nommer beaucoup de groupes. Avant, je n’aimais pas la musique cubaine mais maintenant, je l’adore. Je suis parti à Cuba en mars et j’ai redécouvert la musique cubaine et argentine. Ruben Gonzalez est Argentin et c’est cette musique nostalgique, un peu imprégnée du jazz qui ne me parlait pas avant mais qui en ce moment, me plaît. Je m’ouvre complètement à cette culture-là.

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