MUSIQUEMusique en bref

MUSIQUE EN BREF – Modernisme coloré

Visuel par Guillaume Lacoste

Toutes les deux semaines, les journalistes de Maze vous proposent un tour d’horizon des albums et EP qui ont fait l’actualité musicale.

Lous and The Yakuza – IOTA

Hors du club, près du cœur. Dans la foulée de Gore (2020), l’artiste belge-congolaise s’affranchit à nouveau des genres et des étiquettes. Le disque s’ouvre sur Ciel, courte prière qui fait office d’entrée en matière brumeuse. Mais dès la piste suivante, Autodéfense, la Lous and The Yakuza que l’on connaît réapparaît : cadence, franc-parler et harmonies sont de mise. Épaulée sur plusieurs titres par El Guincho – producteur de Rosalià pour El Mal Querer (2018) et MOTOMAMI (2022) -, la production est léchée.

Takata, pépite reggaeton rythmée d’onomatopées, rappelle fortement l’artiste espagnole. Benjamin Epps et Damso font des apparitions remarquées, mais la rappeuse reste meilleure quand elle joue de ses textes et du rythme dans son coin. Si l’on en doute, il suffit d’écouter Kisé, où elle surfe sur le beat et modifie sa mélodie en cours de route. De quoi presque avoir le tournis.

Sortie le 11 novembre.

Coups de cœur : Takata, La money, Hiroshima, Monsters, Kisé, Lubie

Robin Schmidt

Stavo – TVX

Le premier album solo tant attendu de Stavo est enfin sorti ce mois de novembre. 16 titres. TVX, abréviation de travaux… Fidèle à sa sombre tonalité musicale, le rappeur ne déçoit pas son public. Les basses des instrus, aussi puissantes qu’inquiétantes, contribuent fortement à créer l’atmosphère colérique qui se dégage de l’album. Le rappeur est bien décidé à passer au niveau supérieur et à affirmer son style. Le rythme s’accélère et sa voix, qui était jusque-là relativement posée, gagne en agressivité pour un rendu plus percutant.

Attaché à son ancrage français sans pour autant renier ses origines, Stavo jongle avec ses références culturelles pour partager avec nous son expérience de la mondialisation, entre quête identitaire et affaires internationales, comme l’avait sondé SCH avec son album Marché noir. Si certains titres font clairement de l’ombre à d’autres moins travaillés, comme Federer et IDF Waze, cet album traduit globalement un sens remarquable du rythme et de la vocalité.

Sortie le 11 novembre.

Coups de cœur : Federer, Full Bectance, IDF Waze, Grosse Auto

Marion Bauer

Dinos – Hiver à Paris

Agréablement surprise par Hiver à Paris de Dinos. Comme l’annonce le titre, l’album se fond parfaitement avec la grisaille parisienne et le spleen cher à la capitale. Le rappeur s’adonne à l’introspection et l’assume pleinement avec des titres tels que Quatre saisons et Simyaci. L’ambiance est morose ; les propos de Dinos sonnent juste et frappent sans commisération. Dans CTRL + V, le rappeur s’attaque à la vacuité des relations sentimentales de la génération Z, cette génération dite “connectée” et pourtant si déconnectée du réel…

Mais Dinos a bien conscience que cette catharsis ne peut s’étendre à l’ensemble de l’album. Il régale donc avec des featurings tous plus électrisants les uns que les autres (SCH, Laylow, Ninho) afin que ce moment d’écoute ne soit pas aussi plombant qu’une réunion des alcooliques anonymes. En somme, un album réussi, peut-être un poil trop long, mais riche en réflexions et propice à un corps-à-corps avec la déprime hivernale.

Sortie le 3 novembre.

Coups de cœur : Portes suicide, Pichichi Anderson, Quatre saisons, CTRL + V

Marion Bauer

Mélodie Lauret – le moment présent

Après deux EP, Mélodie Lauret sort enfin un premier album de 11 titres inscrits dans le moment présent, comme elle l’a si justement nommé. L’artiste queer nous conte des histoires comme un flot qui jaillit à nos oreilles, des confidences tantôt chantées, tantôt parlées. Ses récits à elle passent beaucoup par les mots, une écriture très littéraire à la fois brute et hypersensible, celle des sentiments intimes, des amours foudroyants. D’une chanson à l’autre, elle fait une sorte d’état des lieux de ce qu’elle est et où elle veut aller, traînant sa mélancolie directement vers nos âmes.

On se laisse aller dans ce partage d’émotions spontanées, ressentant chaque instant de vie comme un frisson et ses mélodies comme des vibrations. L’album atteint son paroxysme avec j’en fais mon arme, sublime manifeste sur la non-binarité. Il y a finalement dans les textes de Mélodie Lauret un mélange de naïveté et de lucidité qui mène à ce très beau final, j’avance avec, chanson de la maturité, de l’acceptation et de la lumière.

Sortie le 4 novembre.

Coups de cœur : je t’offre tout ce qu’il me reste, hallebardes, j’en fais mon arme

Diane Lestage

Phoenix – Alpha Zulu

Promis, c’est la dernière. Non, pas la dernière fois que Phoenix sortira un album, mais la dernière fois qu’on vous parle d’un album dont les premières lueurs sont apparues pendant la pandémie. Soyons honnêtes, Alpha Zulu est leur meilleur album depuis leur ascension au sommet avec Wolfgang Amadeus Phoenix. Dans un premier temps, on leur reprochera de ne pas se renouveler, de ressortir cette bonne vieille recette qui a fait leur succès. Mais au fond, Phoenix, quand on y repense, c’est un peu ce pote qui nous sort toujours les mêmes vannes, mais qu’on est toujours content de voir car il y met toujours du cœur. Et après 4 ou 5 écoutes, on se rend compte effectivement qu’Alpha Zulu est d’un total confort, mais aussi d’une totale maîtrise. 

Un retour à leurs débuts ? Le disque en porte tous les codes (guitares pop, rythmiques 2000, phrasés répétitifs…), Thomas ajoutera même que l’enregistrement avait fait l’effet d’une source de jouvence, catapultant les quatre potes dans leur 17e année. L’enregistrement, parlons-en. C’est carrément au cœur d’une aile du Louvre, le musée des Arts Déco, qu’ils investiront de tout leur matos pendant la pandémie. Et qu’il leur inspirera toute la direction artistique : du vocabulaire (Artefact), des sujets (Tonight), un clip (Alpha Zulu) et bien sûr cette pochette aux couleurs renaissantes avec une ouverture sur le monde digital. In fine, si l’album ne renferme aucun “tube” au milieu de ses 10 titres – peut-être After Midnight d’une courte tête -, il réussit le tour de force de ne comporter aucune fausse note. Aux heureux détenteurs d’un billet d’un des deux Olympia (28 et 29 Novembre) : “Woo ha” !

Sortie le 4 novembre.

Coups de cœur : After Midnight, Artefact, My Elixir, Winter Solstice

Guillaume Lacoste

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