Toutes les deux semaines, les journalistes de Maze vous proposent un tour d’horizon des albums et EP qui ont fait l’actualité musicale.
Malo’ – PAUSE (EP)
Malo’, de son vrai nom Malory Legardinier, est un jeune chanteur franco-australien à l’univers atypique. Sa voix pincée et légèrement criarde peut déplaire à la première écoute, mais rapidement l’on retrouve l’excentricité et la jovialité de Lewis OfMan auquel Malo’ ressemble beaucoup. On se laisse emporter par l’ingénuité et le dynamisme de cette jeune pousse de la pop française. Certains titres dansants sont marqués par la légèreté et la sincérité du chanteur, quand d’autres plus pénétrants comme Hold On et Love on Demand tirent sur la mélancolie et l’introspection, avec une instru tout droit sortie des hits de Chris Isaak et de Lana Del Rey. Le style de Malo’ semble encore sur la voie de la maturation, PAUSE laisse transparaître des fluctuations et gagnerait sûrement à être homogénéisé. Mais nul doute qu’il s’agit là d’un artiste à suivre.
Sortie le 21 octobre
Coups de cœur : Hold On, Love on Demand, Pause
Marion Bauer
Dry Cleaning – Stumpwork
C’est sur un riff de basse ésotérique que Florence Shaw prononce ses premiers mots « Should I Propose Friendship ? » pour lancer l’incroyable deuxième album de Dry Cleaning. À peine un an après New Long Leg, le quatuor nous délivre ce second opus vibrant et soyeux : Stumpwork. Dès les premières notes d’Anna Calls From The Arctic au dernier larsen d’Icebergs, nous entrons dans un monde nébuleux, rêveur et poétique, porté par le spoken word transcendant de Shaw.
Ce deuxième effort montre un groupe plus attentif et moins pressé que sur le premier album. Les guitares au son de Johnny Marr des Smith comme sur le titre éponyme Stumpwork ou encore la basse saturée et rythmique de Hot Penny Day, démontrent une nouvelle étape plus constructive et imaginative pour Dry Cleaning. Le post-punk lancinant aux riffs de guitare tirés de Tom Dowse sur No Decent Shoes For Rain ou Driver’s Story remonte le temps et fait un clin d’œil vibrant à leur prédécesseur. Mais les coups de maître viennent du morceau cadencé et mélodieux Gary Ashby, chanson étrange sur une tortue qui disparaît et sa famille qui panique, et le titre à la guitare acoustique à la R.E.M Kwenchy Kups qui nous parle des souvenirs simples et joyeux d’enfance.
Un magnifique nouvel album qui encore une fois frappe fort dans la bulle fragile du rock.
Sortie le 21 octobre 2022
Coups de cœur : tout l’album
Thomas Soulet
Drugdealer – Hiding In Plain Sight
Collins fait revivre le groove et la soul des années 60 et 70 avec ce nouvel opus, Hiding In Plain Sight. Cet album qui a failli ne jamais voir le jour nous éclabousse de joie, d’amour et de bonnes vibrations à travers ses 9 titres délicieux. Que ce soit avec les groovy Madison et Someone To Love aux influences soul seventies ou par la folk country à la Van Morrison de Hard Dreaming Man, Collins explore les méandres créatifs et infinis du début des années 60-70. C’est grâce à l’artiste d’avant-garde Annette Peacock que le musicien californien reprendra espoir dans la musique afin de nous concocter ce superbe effort.
C’est aussi grâce à ses amis, qu’il invitera à jouer sur l’album : son acolyte Tim Presley sur le titre romantique Baby, la séduisante Kate Bollinger et leur balade suave Picture Of You, ou encore Bambina & Sedona sur le très disco boogie à la Stevie Wonder Posse Cut. Un voyage dans le temps charmant et captivant qui, on l’espère, permettra à Michael Collins de ne plus jamais douter de Drugdealer.
Sortie le 28 octobre 2022
Coups de cœur : Madison, Someone To Love, Picture Of You, Valentine, Hard Dreaming Man, Posse Cut
Thomas Soulet
Loyle Carner – hugo
Fini d’être sage. Après deux disques largement salués, au rythme et au flow bien souvent décontractés, Loyle Carner revient avec force. Cette force s’appelle hugo, un album court de 10 titres pour 34 minutes, un uppercut venu du cœur de Londres et du cœur tout court. S’il était déjà habitué aux incursions autobiographiques, notamment en rendant hommage plusieurs fois à sa mère dans ses deux opus précédents, le Britannique n’avait jusqu’ici jamais porté aussi haut les thèmes évoqués sur ce disque : le racisme, les inégalités ou encore la marginalité dans une société qui n’accepte pas les différences, un sujet important pour celui qui, plus jeune, s’est vu mettre de côté par l’école parce qu’il était hyperactif.
Pour illustrer tous ces sujets, Loyle Carner se livre, évoquant notamment l’abandon par son père, originaire du Guyana, ce pays qui fait partie de ses racines et auquel il rend hommage dans Georgetown, du nom de la capitale de cet état d’Amérique du Sud. Il y invite d’ailleurs le poète guyanais John Agard pour ouvrir le titre. Car malgré des textes plus bruts et plus crus qu’à l’accoutumée, Loyle Carner n’en oublie pas la poésie, utilisant notamment la métaphore du piano, composé de touches noires et blanches pour évoquer son métissage.
Pour faire sa musique, Loyle Carner sait déposer de légères touches des influences de toujours pour le hip-hop : une batterie aux accents jazz (Plastic), des chœurs venus du blues (Nobody Knows) ou encore un refrain posé dans la pure tradition R’n’B des années 2000, ici par Olivia Dean (Homerton). Un mélange subtil et habile, en équilibre entre ce qu’il faut pour ne pas trahir et en même temps gagner sa place dans l’oreille de celles et ceux qui n’ont pas l’habitude d’écouter du rap. C’est réussi et à 28 ans seulement, Loyle Carner s’impose comme un des grands du genre.
Sortie le 21 octobre 2022
Coups de cœur : Hate, Speed of Plight, Plastic
Kevin Dufrêche
Stéfi Celma – En oblique (EP)
Quel bonheur de découvrir l’univers musical de la talentueuse Stéfi Celma, connue pour avoir joué le rôle de Sofia Leprince dans la série 10 pour cent, dans ce premier EP marquant un tournant décisif dans sa carrière artistique. En faisant le pari de la simplicité, la chanteuse nous livre un projet plein d’intimité et de profondeur. Sa voix ronde et chaleureuse s’impose à nous sensuellement, religieusement presque. Que dire de ce premier projet sinon qu’il ne s’agit d’un sans-faute ?
Stéfi Celma sait attendrir et émouvoir aussi bien par les mots que par le chant, effleurant nos fêlures les plus secrètes … Les percussions traînantes viennent nous rappeler la musique de la Martinique dont elle est originaire.
Souhaitons-lui tout le succès qu’elle mérite pour cette heureuse entrée dans la cour des grands.
Coups de cœur : Du love et de l’eau, Sur la bouche, Maison de Terre
Sortie le 28 octobre 2022
Marion Bauer