CINÉMA

FESTIVAL LUMIÈRE 2022 – Les mythes ne meurent jamais

Tim Burton à Lyon © Institut Lumière / Olivier Chassignole

Dimanche 23 octobre s’est achevée la 14e édition du Festival Lumière. Maze vous rapporte quelques souvenirs d’une semaine riche d’images et d’histoires.

On pourra toujours parler des films que l’on a vus. À force de joutes verbales et d’élans discursifs, l’on trouvera toujours un terrain d’entente avec celles et ceux dont on partage l’expérience d’un film. Et malgré cet aplanissement rationnel, résistera toujours ce petit rien – que d’aucun qualifierait d’inconséquent – qui enverra tout droit ledit film se lover auprès d’un autre résidu mémoriel. Sans autre forme de procès que celui de l’écho intime.

Et alors  ? Tout cela relève de l’évidence. Et puis, vraiment, quel rapport avec un festival de cinéma  ? C’est que, le Festival Lumière 2022 fonctionne exactement de cette façon. C’est une grande fête du cinéma (de patrimoine, mais pas que) où le principe de coexistence éclipse – partiellement, du moins – celui de cohérence.

Une grande villa et plein de portes

Entrez dans la villa de l’Institut Lumière et vous ne ressortirez qu’en donnant quelques coups de pied dans les portes. Loin d’enfoncer celles déjà ouvertes, vous découvrirez des passages secrets oubliés. À l’instar de celui qui s’est dessiné entre Jeux de nuit (Maï Zetterling, 1966), Le Souffle au cœur (Louis Malle, 1971) et Kisapmata (Mike de Leon, 1981). Le fil rouge de l’inceste, pourtant si tabou, a soudé pour toujours leurs images dans la mémoire de celles et ceux les ayant vus à Lyon. La coexistence fortuite, et temporaire, de ces films a fait tomber les cloisons esthétiques et historiques qui séparent les trois cinéastes.

Car l’immense joie du festival tient en cette puissance, autrement réservée à la mémoire (ou au montage), de coller les images des films vus dans un espace-temps très restreint. À moins de se cantonner à la rétrospective d’un.e seul.e cinéaste mis à l’honneur par cette 14e édition du Festival Lumière, impossible de ne pas se perdre. Dans la vaste programmation lyonnaise, une seule solution  : laisser les images s’adresser les unes aux autres.

Face aux larges rétrospectives consacrées à Tim Burton (récipiendaire du prix Lumière), Sydney Lumet et Louis Malle, aux hommages à Jeanne Moreau cinéaste, André de Toth ou encore James Gray, comment, en effet, ne pas céder aux sirènes de l’exhaustivité  ? Et pourtant, tout le monde sait que cela relève de la vanité  : il est, et sera toujours, impossible de tout voir. Alors, comme Ulysse, il faut ruser. Soit se laisser aller au gré des conseils avisés des Circé du cinéma – comprendre ici les programmateur.ices de l’Institut Lumière.

Peppermint candy au Festival Lumière
 Kyung-Gu Sol dans Peppermint Candy de Lee Chang-Dong © Swift Distribution

Sortir du labyrinthe  ?

Il faudra alors courir de proche en (très) lointain  : de Casque d’or (Jacques Becker, 1952) à Peppermint Candy (Lee Chang-dong, 1999), en faisant un détour vivifiant par la licorne de Louis Malle dans Black Moon (1975). Un exemple parmi tant d’autres, des mille chemins de traverse qu’ouvrent Thierry Frémaux et toute la clique du Festival Lumière 2022 afin de vous laisser tisser les fils de votre propre mythologie cinéphage.  

Alors, heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage en terres lyonnaises  ? Oui, mais attention  ! Car si le Festival Lumière 2022 promet de retrouver le foyer, ce n’est pas du cocon familial qu’il s’agit. Loin du festival Lumière l’idée d’une famille originelle à retrouver dans le cinéma de patrimoine, matrice de toutes les formes cinématographiques passées, actuelles et futures. Au contraire, le foyer lyonnais est un point de départ, certes, mais celui d’un rayonnement sans cesse renouvelé, d’où émanent d’innombrables ramifications imag(in)ées.

Il n’est donc pas étonnant que chaque séance de cette 14e édition du Festival Lumière ait fait salle comble, ou presque. Et surtout, qu’elle ait entendu résonner, au milieu des têtes grisonnantes (mais pas moins enthousiasmantes, attention), le rire franc du jeune public face à un Jean-Paul Belmondo, période moustache, en brigand-gentilhomme, dans le sec mais génial Le Voleur (1967) de Louis Malle.

À Lyon, en effet, les mythes ne meurent jamais. Mais il faut parfois savoir les réanimer. Pouvait-on rêver meilleur programme pour notre webzine – et pour ses lecteur.ices ? Car rappelons-le, « maze » c’est le « labyrinthe » en anglais. Et ce que nous glisse le Festival Lumière, c’est cette espérance : rien ne sert de vouloir en sortir, il suffit simplement de déjouer le déjà-vu. Quitte à, parfois, sauter par-dessus quelques haies.

À partir du 9 novembre, retrouvez Louis Malle, gentleman provocateur, une rétrospective consacrée au réalisateur, proprosée par Malavida, à Paris et dans 40 cinémas à travers la France.

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