Entre faux polar et vrais fous rire, GPS pointe avec humour notre modernité ultra-connectée, sans tomber dans le piège du « c’était mieux avant ».
C’est un roman sur l’amitié. Ou sur le fait d’être à la marge. Ou sur la manière dont les technologies envahissent nos vies. Peut-être aussi que c’est un roman sur une enquête. On ne sait pas bien et on doit cette incertitude au talent de Lucie Rico qui, pour son deuxième roman paru aux éditions P.O.L, choisit de jouer avec les genres et les codes de la littérature, jusqu’à susciter le fou rire dans ce qui ressemble pourtant à un thriller.
Tout commence dans la vie d’Ariane. Elle est journaliste, spécialisée dans les faits divers – qu’elle retranscrits ou qu’elle invente carrément, c’est selon. Mais au chômage depuis deux ans. Elle ne sort plus vraiment de chez elle, tente de quitter son lit (et sa vie de marginale) pour postuler aux offres d’emploi qu’elle voit passer sur Internet, renonce souvent. Les seuls qui viennent encore la voir – et donnent à sa vie un semblant de normalité – sont Antoine, son petit ami, et Sandrine, copine d’enfance rentrée sur Internet.
Sandrine a fait carrière dans les piscines creusées, s’est fait refaire le nez et va se marier. Elle partage sa localisation à Ariane pour que celle-ci puisse trouver le lieu des festivités. Le lendemain, Sandrine disparaît. Elle disparaît, mais pas le point GPS qui permet de la localiser. C’est le début d’une course folle, dans la vie mais surtout dans Internet, pour retrouver l’amie disparue.
Rire, ironie, modernité
Lucie Rico confirme son talent de romancière et parvient à se créer un univers bien à elle. Cette intrigue à tout d’un polar – il y a bien une morte, une piste et bientôt une enquête de police. Seulement voilà, ce que l’on retrouve au centre des phrases, de la voix d’Ariane, la narratrice, c’est ce ton formidablement désabusé de celle qui, un peu exclue de la société, n’a plus peur de lâcher des vérités bien senties. C’est percutant, sans tomber dans la punchline inutile. Elle est résolument drôle, cette Ariane, confinée dans ses marges. On rit dans un polar. C’est un tour de force. Et c’est d’autant plus appréciable que c’est rare de lire en littérature.
Ce qui rend GPS passionnant, c’est aussi sa construction. Si la disparition de Sandrine marque le basculement dans le thriller, la véritable origine du roman réside dans le « point » GPS, qui permet à Ariane de géolocaliser son amie pourtant disparue. Un point qu’elle va suivre de manière obsessionnelle, à distance, depuis son téléphone. Encore une cocasserie qui nous fera rire de son personnage, mais qui interroge subtilement sur la place que nous accordons au numérique.
La manière dont ils s’immiscent dans nos vies, jusqu’à, peut-être, devenir la vie. La modernité nous change, voire nous façonne. Lucie Rico en prend acte et nous tend un miroir. Son livre n’accompagne pas son lecteur. C’est un bonbon : cette fausse enquête se lit de manière compulsive, elle se dévore. On est avide de ces rires qu’elle nous arrache, du suspens qu’elle parvient à ménager, malgré l’incongruité des situations exposées. Un régal.