CINÉMA

Festival Jean Carmet 2022 – Rencontre avec Lou Luttiau et Diong Keba Tacu

Festival Jean Carmet 2022
Lou Luttiau & Diong-Keba Tacu par Léïna Jung ©

Présenté au Festival Jean Carmet 2022, Crazy, le second court-métrage de Jérémy Doucet, a séduit le public. Lou Luttiau et Diong Keba Tacu remportent, à eux deux, pas moins de trois distinctions à la fin du festival. Ils nous ont accordé un peu de leur temps. Rencontre.

Sanou travaille en cuisine à mi-temps dans un bistrot de Belleville à Paris, bien que nourrissant en secret une autre ambition. Un jour, il rencontre Marion, embauchée en tant que serveuse. Marion raconte être venue à Paris passer l’audition du Crazy Horse et attend une réponse.

Parlez-moi de vos personnages. Qui sont-ils ?

Lou  : Marion vient du sud de la France. Elle est montée à Paris pour faire de la danse son métier. Son rêve ? Être admise au Crazy Horse, célèbre cabaret parisien pour lequel elle a déjà tenté les auditions à plusieurs reprises. Chaque fois, c’est un échec… Dépassée par les événements, elle se dit qu’elle devrait quitter Paris et rentrer chez elle pour de bon. C’était sans compter sur le personnage de Diong, Sanou, qui lui suggère de réfléchir davantage avant de prendre une telle décision. Qu’il y a peut-être autre chose à faire que d’abandonner ainsi.

Diong  : Mon personnage, Sanou, a bientôt 30 ans. Il vit encore chez ses parents et travaille en tant que cuistot. Il a toujours cuisiné pour sa famille, ça s’est fait naturellement. En réalité, Sanou est un rêveur, un écrivain, un poète  : il a rédigé un roman, qu’il rêve de voir publié.

Qu’est-ce qui vous a touché dans vos personnages ? Est-ce la proximité que vous ressentez avec leurs aspirations ?

Lou  : Je me retrouve d’emblée en Marion à travers notre intérêt commun pour la danse. En tant que danseuse professionnelle, je sais à quel point ce milieu-là est fermé et compliqué à intégrer. On enchaîne les échecs. Je me suis naturellement retrouvée là-dedans.

Diong  : Je dis tout le temps cette phrase : «  Si j’enlève mon masque, je m’arrache la peau  ». Ce masque, je le porte à être si rêveur et à vouloir accomplir tant de choses. Ça fait partie de moi, cette personnalité rêveuse. Jérémy, je l’ai rencontré à travers un atelier de théâtre au cours duquel nous avons rapidement sympathisé. Il m’a connu en tant que traiteur à côté de cet atelier. Il me semble que c’est cette situation qui a en quelque sorte “inspiré” l’histoire de cet homme qui travaille d’une part, en rêvant de faire complètement autre chose en réalité.

Lou  : Je crois même avoir entendu Jérémy dire qu’il avait écrit à partir de toi.

Festival Jean Carmet 2022
© Léïna Jung

Quel honneur de se savoir source d’inspiration, non ?

Diong  : Oui  ! Justement, il a écrit en fonction de moi, mais en lisant le scénario, je ne me suis pas retrouvé dans le personnage directement. C’est intéressant : il a sa propre vision de ma personnalité, dans laquelle je ne me suis pas retrouvé… J’ai même pensé : «  Tu l’as écrit pour moi, en t’inspirant de ce que tu sais de moi, mais pourtant ce n’est pas moi, je ne comprends pas.  »

Si cela avait été exactement toi, tu n’aurais pas véritablement eu matière à jouer non plus, à devoir entrer dans un personnage…

Diong  : Exactement  ! Voilà.

Vous connaissiez tous deux le réalisateur Jérémy Doucet avant de faire partie du projet, alors  ?

Lou  : Pas moi ! J’ai été contactée via Instagram, pour passer un casting. J’avais déjà fait un long-métrage (Mektoub my love) auparavant, qu’il avait vu. Je crois que c’est ainsi qu’il m’a repérée, puis proposé de passer les auditions pour le rôle de Marion.

Le thème musical aux notes de blues était-il prévu d’emblée ? Le noir et blanc quasi continu, également ?

Lou  : Nous n’avons pas joué avec le thème présent. Il a été rajouté en postproduction, tout comme le noir et blanc, que nous avons découverts lors de la projection au Festival Jean Carmet. Cela fait partie des surprises que nous réserve le réalisateur après le montage.

Diong  : J’ai été agréablement surpris de voir que le film était en noir et blanc. Je crois que cette décision a été prise très tardivement.

Vous avez tous deux déjà tourné de longs formats (Fragile, Mektoub my love), ici, il s’agit d’un court. Quelles différences leur trouvez-vous ?

Diong  : Le format court ? C’est une pépite pour moi ! Ça te permet de t’exprimer, quand comme moi, tu n’as jamais eu de rôle principal dans un long-métrage. J’adore ce format. Ça fait plaisir, ça fait du bien. C’est un très bon entraînement. Tu te rends compte de ce que c’est que d’être au centre de la production, de porter le film. Je trouve que c’est un beau défi, je pourrais faire des courts toute ma vie  !

Et cette opportunité de venir le défendre en festival alors  ?

Diong  : C’est chouette et stressant à la fois, parce que nous, on l’a d’abord vu en projection avec des amis et des gens qu’on connaît. Ça leur a plu, mais bon, comme on les connaît, c’est différent. Là, ce sont des personnes aléatoires, et puis tant de gens de la profession ! Mais je suis très reconnaissant de participer au Festival Jean Carmet, c’est une très belle expérience, même si elle est accompagnée d’un peu de stress.

Lou  : Je rejoins complètement Diong.

Festival Jean Carmet 2022
© Léïna Jung

Diriez-vous qu’il y a une morale à tirer de ce film  ?

Lou  : Ne jamais rien lâcher et suivre ses rêves.

À quoi ressemble la suite pour vous ?

Lou  : Ce sera plutôt dans la danse pour moi prochainement. En ce moment, je danse avec une compagnie, on tourne aussi. Et puis, plus personnellement, je vise à réaliser des courts, en liant le cinéma et la danse.

Diong  : À court terme, j’ai des séries qui sont actuellement en train de sortir, dont Caro Nostra sur France TV Slash. À plus long terme, je commence à travailler sur de la production, et je développe mon seul en scène. Et comme rêve, parce que c’est beau de nourrir des rêves, je dirais : participer à un film sur chaque continent. C’est-à-dire, travailler avec un·e réalisateur·rice sur chaque continent. Apprendre la langue pour travailler sur chaque territoire et m’immiscer vraiment dans la culture pour y tourner.

Et si vous n’étiez pas comédien·ne, que feriez-vous  ?

Lou  : Bon, moi c’est un peu de la triche parce que je le suis déjà, mais j’aurais dit danseuse.

Diong  : Le problème, c’est que je change tout le temps  : boxeur un temps, médecin un autre… Quand je parlais avec ma mère et que je lui disais «  Maman, maintenant, je veux être ça  » elle me répondait «  Toi, tu vas être comédien  ». Je ne comprenais pas.

En étant comédien, tu pouvais toucher à tout…

Diong  : Justement, moi, je ne comprenais pas, je lui répondais «  Mais maman, t’as pas compris, comédien, c’est un autre métier  » (rires). C’est après, avec l’âge, que ça s’est réalisé.

Quel serait votre projet de rêve  ?

Lou  : Franchement, je n’ai pas trop d’idées.

Diong  : Le rôle qui me vient là, ce serait celui de Thomas Ankara. Il a été président du Burkina Faso, et a fait énormément en très peu de temps. Ça vaut le coup de se renseigner. Pour Lou, j’ai l’intime conviction qu’elle jouera une reine à un moment de sa carrière. Voire une princesse, parce qu’elle est jeune, et que ça peut se faire bientôt. Elle a une prestance de reine en tout cas…

Lou : C’est vrai qu’on m’a déjà fait cette remarque concernant la monarchie. Qui sait  ? Il faudrait que je travaille mon port de tête dans ce cas. Sinon je dirais que j’aime beaucoup DiCaprio et McConaughey. À voir où cela pourrait mener… (rires)

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