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Rencontre avec Kitch – « On n’est pas un groupe engagé, on est un groupe concerné »

Les quatre lyonnais de Kitch dévoilent NEW STRIFE LANDS, leur deuxième album, entre rock et noise teintée d’électro.

Kitch est le projet rock par excellence. Des potes de longue date qui décident de faire ce qu’ils aiment et en plus, le font bien. Après un premier EP sorti en 2018, le quartet dévoile son véritable premier album en 2020. Baptisé Calame, l’opus ne se contente pas de perpétuer la tradition d’un rock brut ancré à Lyon mais pousse l’expérimentation plus loin, du côté du prog et de l’ambient.

Avec leur second album NEW STRIFE LANDS sorti début 2022, Kitch mélange rock et techno, riffs saturés et synthés entêtants. Styles, label indé et Photoshop, on a rencontré le groupe juste avant leur concert lyonnais.

Comment s’est passée la composition de ce nouvel opus ? Le processus créatif a-t-il été différent de celui mis en place pour le premier album ?

Léo : Ça a été un peu différent parce que pour le premier on s’était enfermé, on avait composé en groupe, à 4, en Bretagne. On a sorti Calame (le premier album) le 7 mars et le confinement est tombé le 17. Donc on a commencé à travailler par WeTransfer, en s’échangeant des idées, des fichiers. Puis on s’est retrouvés 2 mois plus tard, une fois que le confinement était fini, et c’est là qu’on a commencé à mettre ces idées en place. Donc c’était vachement différent !

Il y a plusieurs transitions dans votre album (Coursive, Palan, Embellie…). Était-ce une envie préalable ou est-ce venu avec la phase de composition ? Qu’est ce que cela apporte selon vous ?

Dan : Avec Kitch on a tout le temps un petit labo expérimental où on teste plein de trucs. On l’avait déjà un peu essayé sur Calame. Avec NEW STRIFE LANDS on voulait développer cette partie-là. Dans notre école (l’ENM) on était avec Gilles Laval, qui nous a appris l’improvisation. On a récemment eu la chance que le Sonic nous ouvre ses portes pendant 6 jours. On a pu faire une grosse installation à l’intérieur pour enregistrer tout ça et après réécoute des bandes, on a trouvé qu’il y avait un liant dans l’album et c’est ce qu’on a essayé d’imbriquer entre les titres. Il y a cette envie avec l’intro, les interludes jusqu’à l’outro de faire tout un univers mêlé, quelque chose qui résonne et qui a une continuité.

Vous êtes très attaché au format album dans sa globalité ?

Léo : Ouais complètement, qui raconte quelque chose du début à la fin.

J’ai trouvé que certains de vos morceaux prennent davantage leur sens dans la continuité de l’album qu’en single, Charismatik par exemple…

Léo : Surtout Charismatik, parce que c’est le morceau un peu crash test ! Un peu techno !

Dan : Ça faisait longtemps qu’Adrien voulait rapporter ce truc techno dans le groupe. Léo avait eu ce riff de guitare débile et après en liant tout ça bam ! On est au tournant, il n’est peut-être pas encore totalement assumé mais il est là quand-même. C’est vrai que quand tu le sors de l’album il est différent par rapport à quand tu l’écoutes dans la globalité.

Vous avez composé tous ensemble ?

Léo : Charismatik ne devait pas être sur l’album. C’est d’ailleurs pour ça qu’il est sorti en single. On avait essayé de bosser ce morceau en répétition après le confinement mais ça ne sonnait pas. Puis en studio, un des morceaux qui devait être sur l’album, à l’inverse, ne marchait pas du tout. Notre réal, Mael Sabuco, nous a dit que Charismatik était mortel ! On a enregistré les deux guitares, la batterie et Adrien s’est enfermé pendant deux heures pour sortir cette boucle un peu techno. Avec une seule note c’est le morceau le plus simple. Ça a été le morceau le plus étonnant, le plus facile à enregistrer, le plus inattendu. Il a vraiment une histoire assez étrange. Ça montre le tournant qu’on a pris par rapport à Calame, plus dans les machines, l’expérimentation, le groove techno, et en même temps ça ne dévoile pas le reste de l’album.

Kitch n’est pas une entité, c’est quatre personnes.

Léo

Votre album s’appelle NEW STRIFE LANDS, qu’on peut traduire par nouveaux espaces de conflit. Ça parle de politique ? De personnel ?

Léo : De tout ça [rires] !

Dan : Ce nom d’album est venu à un moment particulier. On a pris tous les morceaux qu’on avait, on les a décortiqué, au niveau des textes, de ce qu’on avait dans la tête. On a même fait des fiches ! Et puis on s’est rendus compte qu’il y avait ce côté : qu’est ce que c’est le rite de passage à l’Homme ? Mais dans la société actuelle ! Il y a eu le covid, la politique nous a tous un peu soulevé la tête. On a voulu parler de tout ça mais sans dire aux gens “c’est comme ça on pense ça”, parce que c’est propre à chacun. Kitch n’est pas une entité, c’est quatre personnes. NEW STRIFE LANDS c’est des terres de conflit mais le conflit peut-être positif ou négatif. Il est partout dans notre société. C’est une façon de parler, de s’ouvrir. C’est ce qui nous a sauté à la tête.

Thomas : On peut aussi intégrer le new dedans parce qu’on n’a jamais connu ça autrement que maintenant. On avait forcément des zones de conflit partout, personnellement, mais on s’en est découvert une grande nouveauté par rapport à tout ce qu’on a vécu récemment.

Léo : Quand Calame est sorti, on avait 22-23 ans. Il y a le passage à l’âge adulte . C’est pas l’album de la maturité, c’est l’album du passage à la maturité. C’est aussi bien de la politique, que du social, que de comment on se sent. Nos textes, pour ceux qui les décortiqueront parce qu’il faut y aller, parlent de notre société, de ce qu’on a vécu. Quand on les a écrit on devait remplir des papiers pour pouvoir aller se balader, c’était un peu étrange. Mais on ne voulait pas non plus paraître engagé, on voulait plus paraître concernés. On n’est pas un groupe engagé, on est un groupe concerné. On voulait juste montrer qu’on comprenait ce qu’on vivait, aussi bien au niveau personnel que social. NEW STRIFE LANDES c’est pas non plus négatif.

Dan : Au début, on pensait à la perméabilité. Tu arrives à te protéger, tu prends des émotions etc. C’est vrai que NEW STRIFE LANDS c’est beaucoup plus général donc on est tombé d’accord là-dessus.

Qui écrit les paroles ?

Léo : Dan et moi. On écrivait le premier album chacun de notre côté parce qu’on les écrivait assez rapidement. Là on s’est plus posés, tous les deux, on s’est parlé. Des fois ça amenait des sujets que l’autre n’avait pas forcément imaginé. Ça mettait des barrières aussi : “merde je suis parti beaucoup trop loin”. C’était super chouette, ça permet de rendre la chose plus cohérente.

On parlait du format album, êtes-vous attachés au format physique ? Et pourquoi ce vinyle doré ?

Adrien : Quand on a fait la direction artistique on a tout de suite vu un objet doré. On en parlait bien avant d’avoir le titre, un peu comme la musique au final. On en discute, on en discute et un moment ça prend.

Léo : C’est Adrien qui a fait la pochette. Il nous a proposé plein de choses et un jour il nous a envoyé ça.L’or marchait super bien ! C’était vraiment ça, la lune, la rivière d’or. A la base c’est une photo de Dany. Une plage avec du sable, la mer. Maintenant on a vraiment l’impression que c’est le cosmos, un fleuve de l’enfer. C’est Stéphane du label A Tant Rêver Du Roi qui nous a proposé le vinyle en or et ça nous a plu direct ! On n’aurait pas forcément osé demander [rires] !

Adrien : J’ai travaillé sur les photos que Dany avait faites avec un appareil argentique quand il était en vacances. Après il les a simplement tiré sur une imprimante, on a commencé à en discuter, il a dessiné des choses dessus et il y a cette tâche dans le ciel qui est revenue. On ne savait pas trop si c’était un bateau, un navire, la thématique de voyage… L’horizon, nouvelles terres de conflit c’est un peu ça aussi. Voir quelque chose qui se déplace d’un point A à un point B.

C’est fou parce qu’on ne dirait vraiment pas une photo…

Adrien : Ouais, j’ai eu la chance d’avoir été briefé par un copain de Thomas. C’est lui qui m’a lancé dans Photoshop et j’ai pris le virus.

Léo : Il a appris sur le tas et il a grave assuré.

Adrien : Photoshop c’est vraiment cool, tu peux bosser de plein de manières différentes, il n’y a pas une ligne, c’est comme un instrument, tu peux le détourner dans tous les sens.

Dan : Pour revenir sur le format physique, on y est très attaché. On parle de rock quand même, donc vinyle. Moi je suis un amoureux du CD. J’aime bien les collectionner mais quand t’es un groupe de rock tu fais vinyle et CD. C’est un rêve de sortir un vinyle. Et c’est trop beau ! Les vinyles et CD sont sortis chez A Tant Rêver Du Roi, un label à Pau. C’est un label incroyable, 15 ans, plus de 100 disques.

Léo : On a joué pour son festival à Pau où on s’est rencontrés, on a parlé et c’était parti.

Dan : C’est vraiment les seuls gars dans le rock qui sont encore intègres. Tu parles avec lui, tu sais que ça va bien se passer, qu’il aime la musique, l’objet, qu’il aime défendre les petits groupes. Ça s’est super bien passé, on a 300 exemplaires du vinyle, 500 CD’s. C’est cool.

Léo : Ce gars fait un taff monstrueux dans le rock aujourd’hui en France. Il donne sa chance à plein de petits projets et il a cette philosophie que dès que ça devient vraiment gros il laisse aller. Il est là pour défendre un truc.

Dan : C’est une rampe de lancement. Là il est à 109 albums en 15 ans si je ne dis pas de bêtises.

Vous avez joué au Supersonic la semaine dernière. Qu’est ce que ça fait de retrouver la scène et le public ?

Léo : C’était notre premier concert depuis décembre.

Dan : Depuis la sortie de l’album on a fait Paris, la release et il y a d’autres dates qui arrivent prochainement. On se dépatouille, on a envie de se reprendre le projet dans la tronche, de s’en occuper, de se retrouver. Comme beaucoup de groupes vont t’en parler mais les deux années qu’on a eu n’étaient pas faciles dans la musique et dans plein d’autres domaines. Donc là il faut y retourner, mettre les mains dans le cambouis.

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