CINÉMA

« The Humans » – Réunion de famille

The Humans © MUBI
The Humans © MUBI

Le dramaturge américain Stephen Karam adapte au cinéma sa pièce The Humans, récompensée de quatre Tony Awards. Le film est disponible en exclusivité sur la plateforme MUBI.

Une famille se réunit pour Thanksgiving. Il y a la grand-mère sénile qui ne peut plus communiquer, le père et la mère un peu bougons, la sœur malade qui n’accepte pas sa rupture et le jeune couple qui vient d’emménager. Au sein de ce couple : elle, veut être compositrice de musique, lui est le petit nouveau de la famille.

Voilà pour les humains. Et puis il y a l’appartement, le non-humain, le septième personnage de ce huis-clos qui flirte subtilement avec le drame et l’horreur. Tous·tes se réunissent dans cet appartement new-yorkais vide que vient d’acheter le jeune couple.

Les murs ont des oreilles

De l’extérieur de l’appartement, on ne verra pas grand-chose. Les fenêtres sales ne laissent rien transparaitre. Pourtant, Erik Blake (Richard Jenkins) les fixe avec insistance, l’air méfiant. Brigid (Beanie Feldstein) et Richard (Steven Yeun) ne semblent pas remarquer ce que voit le père. Les murs boursouflés par les infiltrations comme des veines à la Cronenberg, les bruits de tuyau qui font comme des borborygmes…

La caméra s’attarde sur ces détails en créant peu à peu une atmosphère angoissante et surnaturelle. Les effets sonores de Skip Lievsay accentuent cette impression sinistre. Et puis la tension retombe, l’attention se reporte sur les conversations. Alors, on se dit que ce n’est que de la paranoïa.

Entre chaque conversation, chacun·e déambule seul·e dans cet appartement vide. Le film est bien rythmé entre longues conversations légères, drôles ou sérieuses et moments solitaires et tendus. Pour rajouter à la tension, le père raconte un cauchemar : une femme sans yeux ni bouche hante ses nuits.

Est-elle là qui rôde dans l’appartement ou est-elle l’une de ces silhouettes en face, derrière les fenêtres sales ? Et puis, il y a cette référence clin d’œil à la série de zombies évoquée par la mère au moment où la caméra s’attarde sur Steven Yeun (l’interprète de Glenn dans The Walking Dead) qui se chauffe les mains devant sa cheminée virtuelle. Cette réunion de famille dans cet appartement vide est-elle une réunion après ou avant l’apocalypse ?

The Humans © MUBI

Une famille américaine

Les présentations des membres de la famille se fait avec fluidité. Une fois les liens entre les personnages établis, les petites tensions familiales peuvent apparaître. L’appartement est situé dans les environs du drame du 11 septembre, ce qui déplait fortement au père. Ce dernier (qui déteste New York et ses prix exorbitants) y était et fait souvent référence au traumatisme que l’évènement lui a laissé. Les sœurs et la mère se taquinent sur leurs régimes et sur l’alimentation de chacune.

Et puis il y a les maladies, l’argent, les boulots instables, les études chères que recommence Richard. Les dialogues, taillés pour le théâtre et bien adaptés, montrent avec finesse les relations familiales entre amour et haine.

Couple, famille, vieillesse, système de santé, coût de la vie, tous les enjeux des nord-américains contemporains sont ainsi abordés. « Ne pensez-vous pas que ça devrait coûter moins cher de vivre ? », demande le père à un moment donné. Tout le propos du film est dans cette phrase qui pourrait passer inaperçue, tant elle semble au départ hors contexte. Mais le cœur du propos est bien là : qu’est-ce qu’une vie humaine ?

Comme pour The Father l’an dernier, The Humans fait partie de ces adaptations de pièces de théâtre réussies par leurs créateur·ices. Après un succès à Brodway, une place de finaliste pour le prix Pulitzer en 2016 et quatre victoires aux Tony Awards, la pièce s’offre une seconde vie avec cette version en long-métrage. Une réussite pour un beau casting et un intéressant mélange des genres qui tient en haleine jusqu’à la dernière seconde.

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