CINÉMA

« Les Nuits de Mashhad » – L’homme qui n’aimait pas les femmes

Les Nuits de Mashhad © Metropolitan FilmExport

Trois ans après le sensationnel Border, Ali Abbasi revient avec Les Nuits de Mashhad, un thriller inspiré de l’histoire d’un serial killer ayant sévi en Iran au début des années 2000. Un film coup de poing avec la révélation Zar Amir Ebrahimi, prix d’interprétation féminine lors du dernier Festival de Cannes.

Ça commence par des gestes qui se répètent et des habitudes qui ne changent pas. Les premières minutes des Nuits de Mashhad, le nouveau film du réalisateur iranien Ali Abbasi, montrent une prostituée dans l’exercice de ses fonctions. Elle fait le trottoir, quelques passes… Mais ce soir-là, sa route va croiser celle d’un homme. Un homme qui n’aime pas les travailleuses du sexe et qui a décidé de les supprimer. L’infortunée sera l’une d’entre elles.

Comme une quinzaine d’autres femmes, elle sera l’une des victimes de ce serial killer ayant semé la terreur dans la ville sainte de Mashhad au début des années 2000. À la suite de ce meurtre abominable, Rahimi (formidable Zar Amir Ebrahimi), une journaliste venue de Téhéran, viendra enquêter sur place et découvrira rapidement que les autorités ne font pas tout ce qu’il faudrait pour arrêter ces crimes abjects.

Inspiré de faits réels…

Pour son nouveau film, Ali Abassi est parti d’un fait réel. Après le conte étrange Border en 2019 et Shelley (directement sorti en VOD l’année suivante), le cinéaste s’aventure du côté du thriller. Les Nuits de Mashhad est un film sombre qui explore avec brio l’hypocrisie de la société iranienne. Comme c’était déjà le cas dans Border, Ali Abbasi montre qu’il est un grand metteur en scène.

Petit à petit, la tension s’insinue. L’un des procédés les plus intéressants du film réside dans le fait que le spectateur sait d’emblée qui est l’assassin. Le long-métrage ne va pas jouer avec un faux suspense. Car plus qu’un simple film noir, Les Nuits de Mashhad est avant tout une grande oeuvre sociale sur l’Iran contemporaine (même si le film a été tourné en Jordanie et qu’il relate des faits qui se sont déroulés en 2001).

Zar Amir Ebrahimi, une comédienne avec qui il faut désormais compter. © Metropolitan FilmExport

Ali Abassi vise juste notamment par rapport à la question de la place du religieux. Le serial killer de son film (inspiré de la figure du réel tueur en série Saeed Hanaei) tue au nom de la foi, persuadé d’accomplir une bonne action. Son rapport avec les femmes et la modernité, personnifiée par le personnage de Rahimi, constitue le point de complexité qui fait toute la richesse du film.

Une actrice révélée et récompensée

À Cannes, où il était présenté en sélection officielle, Les Nuits de Mashhad n’est pas reparti bredouille. Si un prix du scénario ou de la mise en scène aurait été amplement mérité, il se trouve que le jury présidé par Vincent Lindon en a décidé autrement en lui octroyant le prix d’interprétation féminine pour Zar Amir Ebrahimi.

Peu connue en France (à l’exception de son rôle dans la comédie Damien veut changer le monde de Xavier de Choudens), cette actrice iranienne exilée dans l’hexagone impressionne dans son rôle de journaliste opiniâtre et féministe. Son destin et son physique de tragédienne ne sont pas sans rappeler ceux de sa consœur et compatriote Golshifteh Farahani, obligée comme elle de quitter sa terre natale. Deux Iraniennes, deux comédiennes et deux diamants purs du cinéma.

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