MUSIQUEMusique en bref

MUSIQUE EN BREF – Canicule sonore

MEB juillet
Crédits Guillaume Lacoste

Toutes les deux semaines, les journalistes de Maze vous proposent un tour d’horizon des albums et EP qui ont fait l’actualité musicale. Dernière sélection avant la rentrée.

Wu Lu – LOGGERHEAD

Wu Lu, de son vrai nom Miles Romans-Hopcraft, est un des nouveaux visages de l’avant-garde musicale britannique. Intégré récemment chez Warp, le prestigieux label de Aphex Twin et Boards of Canada, ce producteur multi-instrumentiste a pondu le sublime LOGGERHEAD le 8 juillet, après un premier album paru en 2015, Ginga. Douze titres passionnants, entre hip-hop, rap, punk et métal, qui insufflent un vent insurrectionnel et politique puissant à la musique moderne.

Avec LOGGERHEAD, le délice commence en douceur, avec des rythmes downtempo (Take Stage), puis l’album poursuit une intensité dramatique grandissante, avec les grondements sourds de la basse dans le morceau Ten. L’excellent South fait résonner les screamings d’un ensemble de voix qui finissent par se transformer en cris d’aigles en plein vol ; le troublant Scrambled Tricks donne à entendre des beuglements déconcertants qu’on peut retrouver chez les Pixies par exemple. La dernière partie, enfin, suit une sorte de déclin progressif, notamment avec Calo Paste où la voix chaleureuse et intime de Léa Sen rappelle celle de Erika de Casier.

Engagé contre les changements liés à la gentrification que vit sa communauté de Brixton, Wu Lu dit faire de la musique avant tout pour «  les ignorés, les sous-représentés et tous ceux sans voix  ». Sans être parfait, LOGGERHEAD exprime une rage de vivre bouillante et une urgence de faire quelque chose de son énergie. Entre Yves Tumor, Dean Blunt et Kae Tempest, la musique de Wu Lu est un perpétuel mouvement vers le manifeste poétique.

Sortie le 8 juillet 2022.

Coups de cœur : South, Facts, Scrambled Tricks

Milena Ill

Thibault Mechler – Overview Fragments : Meditations on a Broken Pipe Organ

Avec Overview Fragments : Meditations on a Broken Pipe Organ, Thibault Mechler signe un premier album aux sonorités organiques riches et puissantes. Véritable escapade contemplative, l’album est entièrement porté par la voix défaillante d’un orgue Mutin Cavaillé-Coll au travers d’harmonies soutenues. La structure musicale, quant à elle, se meut dans un espace onirique latent, une parenthèse hors du temps aux résonances multiples.

Si certains morceaux comme 001 (A bunch of absinthe) affichent une impression de crescendo, d’autres marquent un temps d’arrêt propice à la perdition. On le ressent dans 007 (The fall) où les grésillements sonores semblables à l’écho lointain de vagues s’élèvent par-delà toute réalité tangible. Dans 010, c’est la respiration sifflante de l’orgue qui semble chanter sa détresse, un appel à l’aide piégé dans les limbes abyssales d’un univers en constante expansion.

Par une superposition de sons et d’accords, Thibault Mechler se réapproprie les effets acoustiques de son instrument, sculpte le son couche par couche, dans une quête constante d’émotions. Un pari magistralement réussi, qui confère à Overview Fragments une dimension paradoxale, tantôt intemporelle, tantôt éphémère.

Sortie le 15 juillet 2022.

Coups de cœur : 001 (A bunch of absinthe), 005 (The butterfly effect), 010

Daniela Zepka

Naima Bock – Giant Palm

Naima Bock, ex-bassiste de Goat Girl, nous présente l’un des plus beau album de 2022. Giant Palm, premier album solo de la jeune artiste, va vous bouleverser de douceur et de tendresse. Revenue à une vie plus ou moins normale après son départ de Goat Girl, Naima revient vers la terre pour ouvrir une entreprise de jardinage et reprendre des études d’archéologie. Mais la chanteuse n’a cessé de composer, et avec l’aide de l’arrangeur et producteur Joel Burton, ce premier effort magique fut créé.

Dès le premier titre (Giant Palm), nous sommes charmés par la voix profonde de Naima, accompagnée par des synthétiseurs paisibles tandis qu’elle monte dans les aigus. Ici, l’artiste embrasse la folk anglaise profonde agrémentée d’une flûte traversière enchanteresse comme sur Toll, ou accompagnée d’un chœur de voix et de sifflements sur le triste et touchant Every Morning. Puis les cordes viennent animer nos âmes avec l’ironique et drôle Campervan, valse au piano psychédélique digne d’un grand morceau de Nick Drake. Nous nous sentons proches de la jeune blonde grâce à cet opus où nous découvrons ses maux, ses joies et même ses racines. Née d’un père brésilien, Naima Bock nous emmène vers ses origines avec la reprise de Carlos Lyra O Morro, sublime balade à l’orgue chantée en brésilien.

Giant Palm séduit par sa saveur folk, sa bonté franche et sa sérénité musicale. Un voyage sonore qui invite à marcher vers l’inconnu.

Sortie le 1er Juillet 2022.

Coups de cœur : Giant Palm, Toll, Every Morning, Working, Natural, Campervan, Instrumental, O Morro.

Thomas Soulet

David Walters – Bow Down (EP)

Il y a un temps pour tout, David Walters lui a le pouvoir de nous catapulter sous un rayon de soleil dès les premières notes d’un de ses disques ; comme un shot d’énergie, un remède contre l’ennui et les coups de blues. Loin d’être un hasard, donc, s’il est signé sur l’une des plus belles écuries françaises, Heavenly Sweetness (Guts, Souleance, Blundetto) et produit par la superstar Bruno Patchworks. Son nouvel EP Bow Down, en prélude d’un nouvel album calé début 2023, tient toujours une grande place dans les racines afro-caribéennes du producteur de Kryé Mwen, et rend ici hommage aux Amérindiens venus en aide aux esclaves africains.

Une preuve de force qui fait écho dès le premier titre No One, et son invitation à n’écouter personne que son propre instinct. Comme par exemple enregistrer en seulement quatre jours ce disque sans regarder en arrière, et offrir quatre titres de créole soul aux gimmicks et sourires communicatifs.

Sortie le 1er juillet 2022.

Coups de cœur  : No One, Yemaja

Guillaume Lacoste

Film Noir – Palpitant

Encore un rescapé du confinement ! Une nouvelle aussi palpitante que le nom du premier long play du collectif français Film Noir, qui sortait il y a quelques jours. Palpitant donc, écrit en majuscule sur la pochette, comme une note d’intention, un ouf de soulagement pour ce groupe qui n’avait rien sorti depuis l’EP Tendrement en 2020. Ou simplement comme un point final à trois ans de répétitions et de lives à façonner cet album, performant par ailleurs plusieurs fois en ouverture pour certains seigneurs du genre : La Femme, Black Lips, Juniore ou encore Fontaines DC (début juin à Lyon), dont on créditera justement quelques arrangements de guitare de Carlos O’Connell. 

Et puisqu’on parle de collaborations, c’est dans le sud de Londres que Palpitant est enregistré et confié avec grande attention à Jamie Neville et Ben Romans-Hopcraft (Fat White Family, Childhood, Insecure Men). Le quatuor enregistre en prises directes pendant dix jours, coupé du monde extérieur, et donne naissance à dix titres au dessin essentiellement rock, mais doués de nuances. Chaque chanson, sombre et ironique à la fois, met ses héros à l’épreuve de situations extrêmes, d’humeurs punk violentes (Erotica) aux ballades romantiques (I Will Rise) ou de productions dirty/garage (Narcisse) au folk (Bad Omens) avec ses cordes délicatement tirées à la Ben Harper. Sans oublier les deux frangins (Joséphine et Alexandre de la Baume) qui partagent le micro, et qui le feront prochainement à Paris cet automne (date à venir).

Sortie le 10 juin 2022.

Coups de cœur : Narcisse, Poison, Bad Omens, Prends la pierre

Guillaume Lacoste

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