LITTÉRATURE

« La vie seule » – Être une sorcière en temps de guerre

La vie seule, illustration de Stella Benson © Cambourakis
La vie seule, illustration de Stella Benson © Cambourakis

C’est une édition collector du texte de Stella Benson que proposent les éditions Cambourakis, près d’un siècle après la première publication de La Vie seule en 1920.

La Première Guerre mondiale tire sur sa fin et les membres du comité de l’Épargne en Temps de Guerre n’en finissent pas de se réunir. Les discussions y sont stériles et les calculs mesquins. L’arrivée impromptue d’une sorcière dans ce petit cercle un jour de réunion va les bousculer et leur donner le sens des irréalités.

Avec une modestie maligne, Stella Benson place au seuil du livre une page liminaire mystérieuse. Elle écrit : « Ceci n’est pas un vrai livre. Il ne parle pas de vraies personnes et ne doit en aucun cas être lu par de vraies personnes ». Cet « étrange petit livre » est tombé dans l’oubli jusqu’à ses cent bougies. 2020 a donc été l’année de la republication du texte en France. Pas moins de deux maisons d’éditions l’ont repris : les éditions Cambourakis et les éditions Callidor qui ont choisi le titre Le Fort Intérieur – Et la sorcière de l’île Moufle.

En rejoignant un comité, on abandonne tout sens des réalités. Ainsi, plus vous fréquentez de comités, moins vous comprenez la vie ordinaire  ; et lorsque vos journées ne se résument qu’à un enchaînement de réunions de comité, c’est comme si vous étiez déjà mort.

Stella Benson, La Vie seule

Satire et sorcellerie

Même si elle semble parfois lointaine, la guerre est pourtant bien présente en arrière fond de ce petit livre. Au cours de la Première Guerre mondiale, Stella Benson s’engage en aidant les femmes pauvres de Londres. Cette expérience dans le comité de la Charity Organization Society lui inspire deux romans, This is the End en 1917 et La Vie seule en 1919. Elle y dresse un portrait à charge des membres de comités extrêmement satirique. Dans le contexte mortifère de la guerre, l’irruption de la sorcière aux multiples noms et du fantastique permet d’alléger cette lourde réalité. Autour de cette magicienne gravitent toute une gamme de personnages divers, tour à tour rigides, diaboliques ou poètes.

Bon Dieu, c’est incroyab’ comme le ciel et l’air restent au-dessus de la boue et comment qu’on les r’garde et qu’on les respire et qu’on paye même pas de loyer pour ça au final. Quand on y pense, on met jamais d’penny dans la tirelire pour le clair de lune, et pourtant ça continue quand même.

Stella Benson, La Vie seule

Dans un contexte d’immédiat après-guerre, c’est une légèreté farfelue et bienvenue que devait apporter La Vie seule. Les péripéties et les idées fusent, créant souvent un heureux chaos dans lequel il faut savoir s’accrocher comme à son balais de sorcière.

Stella Benson, La vie seule [1920], éditions Cambourakis, trad. Leslie Le Bont, 208 p., 10

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