ART

FESTIVAL D’AVIGNON – « Una imagen interior », voyage dans l’imaginaire sensible d’El Conde de Torrefiel

El Conde de Torrefiel - Vacio

La compagnie espagnole El Conde de Torrefiel présente Una imagen interior, une petite forme sensible et immersive. 

Il y a des spectacles dont on sort en sachant qu’il ne seront pas aimés. Trop radical, trop court, trop long ou trop naïf, les raisons sont souvent multiples. Pire, on sait qu’on comprendra une partie des critiques qui seront adressées et qu’on ne pourra rien d’autre que de répéter : «  certes, mais moi j’ai aimé  ». Mais ce sont souvent ces spectacles mal aimés qui restent le plus longtemps dans nos imaginaires et finissent par nous constituer. 

Explorer l’imaginaire 

Ça tombe bien, l’imaginaire intérieur, c’est exactement ce que Paolo Gisbert et Tanya Beyele, les fondateurs d’ El Conde de Torrefiel, cherchent à explorer. 

A travers une succession de tableaux, sans parole mais avec beaucoup de sons et de musique, le duo propose une réflexion sur les liens entre imaginaire et réalité. L’intention se veut assez intellectuelle : réalité, digitalisation de la société, incapacité à changer le monde…. mais, au final, le spectacle est avant tout sensoriel. 

Les parties se succèdent lentement dans des espaces différents : un musée, un supermarché, une fête figurés par des éléments succincts : une bâche-tableau, un caddie ou une faux feu.  A certains moments, un écran descend des cintres et projète des phrases à vitesse variable. Plus que leur sens – assez banal – c’est l’état dans lequel la lecture d’un texte plonge qui est ici intéressant. Comme dans les spectacles de Julien Gosselin où cette pratique est très présente, il s’agit de provoquer un ressenti particulier et de travailler le temps et la scène de manière différente. 

© Christophe Raynaud de Lage

Profusion d’images

Paradoxalement, les créateurs du spectacle n’ont d’autre choix que d’avoir recours à l’imaginaire du spectateur. Alors qu’ils dénoncent la profusion de fausses images, ils n’ont d’autre choix que d’en créer de nouvelles. Ils le font d’autant plus qu’ils ont pris le parti du théâtre-images relativement dépourvu de texte.

Le théâtre en lui-même n’est qu’une grande convention où l’on demande au public d’imaginer à partir de ce qu’il voit sur scène. Réalité, représentation, fiction, tout finit par se brouiller. On en vient même à se demander s’il y a une différence. Ironie cruelle ou poésie douce-amère ? Qu’importe. Après tout, les rêves font tout autant partie de notre réalité et nous constituent peut-être plus que les faits éveillés. Ils ne le font pas de la même manière mais les sensations qu’ils nous laissent sont parfois plus fortes que celles vécues les yeux ouverts. 

Una imagen interior n’est pas un spectacle grandiose, mais il est profondément spectaculaire en ce qu’il explore pleinement la notion de spectacle. Sour réserve d’accepter la fameuse convention de départ proposée, il n’y a plus qu’à se laisser porter et ressortir imprégné de la mélancolie qui finit par se dégager de la pièce. Tout le monde n’aura pas la chance d’y parvenir, certains resteront à la marge, d’autres iront même jusqu’à s’assoupir. Mais, à vrai dire, pas sur que cela déplaise complètement aux deux metteurs en scène… 

Una imagen interior, El Conde de Torrefiel. Jusqu’u 26 juillet au Festival d’Avignon (L’autre grande scène à Vedène) puis en tournée (du 7 au 10 décembre à la Villette à Paris dans le cadre du Festival d’Automne). Durée : 1h30. 

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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