ARTThéâtre

FESTIVAL D’AVIGNON – « Le Septième jour », Meng Jinghui au royaume des morts

LE SEPTIEME JOUR © Christophe Raynaud de Lage

Trois ans après sa formidable adaptation de La Maison de thé, Meng Jinghui met en scène Le Septième jour, un texte moins politique que le précédent, mais qui lui permet de capter les errances de la Chine contemporaine.

Vingt-deux heures. Le public prend place dans le grand cloître de la place des Carmes. Sur l’immense scène sont éparpillés quelques meubles et une dizaine de squelettes en plastique, disposés en rang d’oignons. Nous sommes le premier jour et Yang Fei (Chen Minghao) vient de mourir. Notre héros entre en scène, en jogging, claquettes en plastique aux pieds, bière à la main. Un peu désorienté. Il est mort. Mort ? Sérieusement ? Un employé de la Mort lui fait comprendre qu’il va bientôt être incinéré. Yang Fei voudrait patienter encore un peu. Il lui reste quelques détails à régler.

Durant les sept jours que vont durer son errance dans la mort, avant la fatidique crémation – hommage biblique à peine voilé aux sept jours avant la création -, Yang Fei va faire la rencontre d’autres êtres désorientés, tout aussi perdus dans la (non)-existence que lui. Il retrouvera son ex-femme, décédée quelques années après leur divorce, et qui sera partie avant qu’elle n’ait pu lui avouer qu’elle l’aimait encore. D’autres personnages, inconnus mais très contemporains, jalonnent ce parcours morbide. Parmi eux, un couple de jeunes chinois, dont le garçon a vendu un rein pour offrir le dernier iPhone à sa petite amie.

© Christophe Raynaud de Lage

Nihilisme persistant

Avec Le Septième jour, Meng Jinghui propose une composition nettement moins politique que sa Maison de Thé, formidable exploration de la société chinoise qui s’étalait sur plusieurs générations et critiquait frontalement capitalisme et occident, présentée en 2019 à l’Opéra Confluence, dans le cadre du Festival d’Avignon.

La mise en scène permet toutefois de renouer avec les obsessions de ce virtuose du théâtre : un nihilisme persistant, une direction d’acteurs très libre et des personnages, toujours marginaux, qui affrontent leur condition avec un humour noir et provocateur. Dans le public, les réactions ne sont jamais en demi-teinte. On est fasciné ou on quitte la salle, éreinté par ce théâtre sombre et sale, qui évoque la violence et la met en scène sans avoir peur d’y mettre les mains. Du génie ou de la provoc, c’est selon.

Le Septième Jour de Meng Jinghui, au Cloître des Carmes, Festival d’Avignon.

Journaliste

You may also like

More in ART