SÉLECTION OFFICIELLE – CANNES PREMIÈRE – Dominik Moll présente La Nuit du 12, un thriller entêtant, hommage sombre à ces victimes pour qui justice n’est jamais faite et à toutes celles qui payent de leur vie le fait d’être nées femme.
Dès les premières secondes de La Nuit du 12, Dominik Moll alerte : l’histoire qu’il s’apprête à montrer n’a pas été résolue. L’exercice est donc risqué, puisque même si l’enquête peut s’avérer captivante, le spectateur sait déjà qu’il ne connaîtra jamais l’identité du coupable. Un pari de taille, mais qui pose d’emblée les motivations du réalisateur. Ici, ce ne sont ni le visage, ni le nom du meurtrier qui importent. Seules comptent les raisons de son crime.
On dit qu’à la PJ, chaque enquêteur tombe un jour ou l’autre sur un crime qu’il n’arrive pas à résoudre et qui le hante.
Yohan – La Nuit du 12
Dans la nuit du 12, la jeune Clara est arrêtée par un homme masqué alors qu’elle rentre chez elle, et brûlée vive. La violence du crime alerte immédiatement la brigade de la PJ de Grenoble, qui est envoyée pour récupérer le corps et les pièces à conviction présentes sur la scène du crime. Pour le chef de groupe de la brigade, Yohan, l’affaire devient vite une obsession.
Les pistes s’enchaînent et les suspects, tous des hommes que la victime fréquentaient, se succèdent en interrogatoire. Yohan en est sûr, chacun de ses hommes aurait pu commettre le crime. Entre leur dégoût affiché pour Clara, une “fille facile”, le harcèlement qu’ils faisaient subir à la jeune femme ou encore les antécédents de violence conjugale de l’un des suspects, ils sont tous le meurtrier idéal.
Au fil de l’enquête, l’évidence apparaît sous les yeux des enquêteurs. La torture de ce cas non résolu s’accompagne pour Yohan d’une véritable prise de conscience. Au sein de sa brigade et dans ses enquêtes, la violence inouïe des crimes contre les femmes dont il est témoin l’étouffe.
Incompréhensible et pourtant bien réelle, elle s’infiltre partout, jusque sur le bureau de ses collègues. Cette noirceur dévore le film, pendant que Yohan sombre toujours plus dans les doutes. La violence de ce conflit intérieur est d’autant plus grandes que ces questions n’auront jamais de réponses.
“Je vais vous le dire moi, pourquoi Clara a été tuée. Elle a été tuée parce que c’était une fille. C’est tout“.
Nanie – La Nuit du 12
La Nuit du 12 part d’une proposition très risquée, à savoir une intrigue jamais résolue, et un thriller dont le ton tend régulièrement vers la comédie. Car autour de l’enquête, la vie à la brigade se déroule, donnant lieu à des dialogues franchement drôles. Le talent de Dominik Moll se révèle dans cette prise de risque énorme, et dans sa capacité à jouer de dialogues légers sans jamais perdre de vue ni la gravité de son sujet, ni l’intensité de son intrigue.
Alors qu’il a été prévenue de l’issue de l’enquête, le spectateur se prend au jeu, et comme les hommes de la PJ, se raccroche à l’espoir avec chaque nouveau suspect envisagé. Cruelle attente, qui plonge dans la réalité de ces affaires jamais résolues. Le propos est subtil et nécessaire, le récit finement mené. Un film qui dépasse de loin l’idée qu’on s’en faisait, et mérite très largement sa place dans la sélection cannoise.