MUSIQUEMusique en bref

MUSIQUE EN BREF – Émotions à la dérive

MEB Juin
Crédits Guillaume Lacoste

Toutes les deux semaines, les journalistes de Maze vous proposent un tour d’horizon des albums et EP qui ont fait l’actualité musicale.

$afia Bahmed-Schwartz EMO ICON

$afia Bahmed-Schwartz, musicienne, dessinatrice, éditrice et plasticienne frappe fort avec EMO ICON, mélange d’hyperpop, de rap et de techno. Après ses deux premiers albums ÉTÉ (Artcore) et PASSÉ/PRÉSENT/FUTUR, il n’est plus question avec ce troisième album de temps ou de saisons qui passent, mais d’intimité et d’émotions. Alternant entre la chaleur et les murmures de sa voix, et la froideur de l’autotune, l’album est une véritable épopée intimiste. Du « shibari émotionnel » du titre ATROCE COLÈRE à la « force du désordre » scandée dans PEUR BLEUE, ou l’extase érotique dans EXTASE.

Du son pour danser ou pleurer, pour exploser ou encore se recueillir, ou faire tout cela à la fois. Un florilège de sensations, clôturé par un écho de « merci  » murmurés à la fin du tout dernier morceau, qui nous donne l’irrésistible impression d’assister à une performance de l’artiste. $afia Bahmed-Schwartz, à la langue sensuelle et poétique, suit à la trace la pensée de Toni Morrison, citée en exergue du clip très futuriste de ESCAPE GAME : « Car le chez-soi, c’est la langue : celle dans laquelle nous rêvons. » Le rêve, la technologie, toutes ces choses qui offrent une échappée et une possibilité de démultiplier sa propre personnalité : ce sont là les thèmes essentiels de ce troisième album éclectique et réussi.

Sorti le 10 juin.

Coups de cœur : TRISTESSE, ATROCE COLÈRE, ESCAPE GAME

Milena Ill

Kaba & Keno – Long Story Short

Long Story Short du duo de rappeurs Kaba et Keno est la révélation rap FR de ce début d’année. Instrus jazzys, décalées, dansantes … La couleur orange pressentie par les artistes pour la pochette de l’album et pour le clip d’Ipiranga se prête à merveille à leur univers musical. Kaba et Keno résument eux-mêmes leur recette magique par ces quelques mots : «  musicalité, multitude de flows  ». De São Paulo avec Ipiranga qui nous fait voyager dans le Brésil de João Gilberto à l’Amérique du techno-rap avec Nexter à la manière d’Ateyaba, l’album Long Story Short séduit instantanément de par son éclectisme et ses notes chaudes et élégantes.

Kaba et Keno s’inscrivent dans cette lignée de rappeurs nostalgiques de la scène de Soul R&B d’antan, à l’instar de Kojey Radical avec son album Cashmere Tears (2019), la difficulté étant de se réapproprier les codes musicaux de la génération Z. Pari réussi pour Kaba et Keno qui manient aussi bien le rap d’hier que le rap d’aujourd’hui, le langage soutenu que le dialecte de la rue, de Magritte à la “caillasse légale” … Bilan : une collaboration placée sous le signe de la virtuosité qui, on l’espère, nous réservera d’autres satisfactions à l’avenir.

Sorti le 10 juin.

Coups de coeur : Ipiranga, Nexter, Don’t Play Me

Marion Bauer

Marie-Flore – Je ne sais pas si ça va

L’humour désabusé de Marie-Flore, sa voix légèrement grave et son sens du rythme pondéré font de son dernier album une pause réconfortante. Un album qui se prête surtout à la confidence et à l’introspection, la chanteuse nous livrant ses coups de blues sentimentaux avec beaucoup d’autodérision et de subtilité. La tristesse du sujet abordé contraste avec les instrus enjouées qui composent le plus souvent l’album comme dans Mal barré et Si jamais.

Même quand Marie-Flore se laisse aller à la mélancolie dans les touchants Je me connais et Je sais qu’il est tard, la mélodie finit toujours par reprendre le dessus comme pour faire un pied de nez au chagrin. De quoi rappeler la chanteuse Clio qui adhère elle aussi à cette sensibilité musicale et lyrique.

L’album n’en fait pas moins dans l’expérimentation musicale, de la pop à l’électro en passant par le piano et le violon. A mi-chemin entre Louane et Angèle, avec une nostalgie latente des tubes d’autrefois en prime, Marie-Flore est une artiste qui ne manquera pas de s’imposer sur la scène de la nouvelle chanson française.

Sorti le 10 juin.

Coups de coeur : Je me connais, Si jamais, 20 ans

Marion Bauer

Just Mustard – Heart Under

Just Mustard, groupe venant tout droit de l’Irlande pays des grands Fontaine D.C, sort un deuxième album puissant et sombre aux sons mécaniques et au rythmes énergiques. Avec Heart Under, le quintet nous livre 10 titres d’une obscurité parfaite. Porté par la voix plaignante et sinistre de la chanteuse Katie Ball, ce nouvel opus est glorifié par les bruits trafiqués de la guitare de David Noonan qui donnent un côté robotique aux rythmes effrénés du batteur Shane Macguire comme sur le single Still. Du premier titre 23 à Rivers, nous sommes submergés d’une vague de noirceur.

Signé chez le label de Brooklyn Partisan Records, Just Mustard sublime les abysses d’une musique qui ne fera que vous approcher de la lumière noire. Ici, nous contemplons la désolation, l’inaction face aux désillusions de notre monde, et nous sommes en deuil de nos rêves qui ne pourrons jamais se réaliser. Cette ambiance shoegaze mélangée à ce post punk aérien fait de cet album la bande son triste, mais d’une beauté inexplicable, de l’incompréhension de nos désirs et de nos envies.

Sorti le 27 mai

Coups de coeur : 23, Still, Seed, Mirrors, Rivers.

Thomas Soulet

You may also like

More in MUSIQUE