MUSIQUEMusique en bref

MUSIQUE EN BREF – Introspections sonores

MEB
Crédits Guillaume Lacoste

Toutes les deux semaines, les journalistes de Maze vous proposent un tour d’horizon des albums et EP qui ont fait l’actualité musicale.

Maud Geffray – Ad Astra

Ad Astra est une virée cosmique à travers les genres, de l’eurodance à la transe expérimentale en passant par la space disco et le R’n’B, entre des moments d’ascension puissante et des instants de flottement, entre retour aux années 1990 et suspension du temps. À la suite de son épopée avec Scratch Massive, la DJ, compositrice de musique électronique et productrice Maud Geffray sait encore et toujours se réinventer. Après ses premiers albums solo Polaar (2017) et Still Life (2019), qui était un hommage au grand compositeur Philip Glass, Maud Geffray semble aller toujours plus loin dans l’émotion et l’expression d’elle-même. Il s’agit d’aller «  vers les étoiles, à travers la difficulté  » – d’après la locution latine d’où est tiré le titre, ad astra per aspera.

C’est un grand mix qui convoque le glacial et le charnel, le mystère et la révélation, le vaporeux et la chaleur, l’énergie et la mélancolie. Chacun des morceaux se répond, la voix de Maud est démultipliée, entre pitch et autotune, se mêle pour un titre au chant d’ivrogne de Koudlam ou à la voix cristalline et pure de Rebeka Warrior.

Sortie le 20 mai.

Coups de cœur  : Royal Bellies, Way Out, All Around Me

Milena Ill

Moderat – MORE D4TA

Moderat, c’est un peu le Arcade Fire de l’électro : très connu dans son milieu mais beaucoup moins hors de son champ. Après une trilogie d’albums à succès livrée entre 2009 et 2016 et propulsée par leur tube A New Error, le groupe né de l’alliance entre Modelselektor et Apparat est de retour avec un quatrième album. Entre techno obsédante, psychédélisme latent et électro aérienne, Moderat s’est peu à peu forgé un style inimitable et imparable. MORE D4TA ne déroge pas à la règle.

Parfois, les albums d’électro sont redondants ou se perdent en expérimentations hasardeuses et difficiles d’accès. Pas ici. MORE D4TA, c’est 10 morceaux, 10 pépites. Le rythme global de l’album paraît lent mais c’est une illusion. Les trois berlinois ont imaginé leur création au-delà d’un boum-boum enivrant et davantage comme une montée en puissance, et en adrénaline ; une place plus importante laissée au silence. Du house NEON RATS au techno UNDO REDO en passant par l’emballant EASY PREY, l’album est viscéralement électronique et érige en tube MORE LOVE, porté par sa mélodie accrocheuse et son beat régulier. Tout ça, sur fond d’alternance entre tracks instrumentales et morceaux chantés, aboutit au meilleur album du trio. De retour dans les bacs mais également sur scène, le groupe sera à We Love Green le 2 juin prochain !

Sorti le 20 mai 2022.

Coups de cœur : NEON RATS, NUMB BELL, MORE LOVE

Basile Hervé

Pi Ja MaSeule sous ma frange

Sortie de l’anonymat en 2017 par son doux single By the River, Pauline de Tarragon alias Pi Ja Ma dévoile dans la foulée son premier EP Radio Girl. Porté par le morceau éponyme, le premier album de l’artiste parisienne, Nice To Meet U, sort le 1er janvier 2018. Quatre ans plus tard, la voilà de retour avec Seule sous ma frange. Ce deuxième opus n’est pas l’album de la maturité mais celui de l’innocence, puisque Pi Ja Ma revêt le costume d’une enfant, sucette dans la bouche et frange sur le côté. Dans un condensé de pop colorée et sucrée, la chanteuse pose un regard naïf sur le monde qui l’entoure. Que ce soit pour parler d’amour (Destination l’amour), de relations (Should I Call U Baby) ou poser des questions existentielles à son père (présent sur le titre Les questions), Pi Ja Ma s’émerveille et nous émeut.

Au-delà d’être une musicienne et chanteuse reconnue, Pi Ja Ma est dessinatrice. Elle a récemment sorti un livre pour enfants Sous les Paupières, en collaboration avec la chanteuse Pomme. Depuis ses débuts en tant qu’artiste, Pi Ja Ma mélange les arts, vidéo, dessin et musique (on se souvient de son Pi Ja Ma show). Elle a d’ailleurs elle-même dessiné la pochette de son nouvel album, sans faire appel à un.e graphiste. Une artiste accomplie à l’univers pailleté, qu’on pourra découvrir en concert le 6 octobre prochain aux Étoiles de Paris.

Sorti le 20 mai 2022.

Coups de cœur : Nouveau canapé, La forêt, Les questions

Basile Hervé

Various Artist – Sick Sad World Vol.3

Sick Sad World est de retour pour un troisième volume ! Lancée pendant le premier confinement, l’initiative lyonnaise s’est fait connaître avec ses reprises de tubes des années 90 à 2000. Le collectif a fait appel à des groupes émergents afin de donner une seconde vie à des morceaux datés, mais toujours d’actualité dans nos cœurs.

Avec plus de 60 groupes, le volume 3 est encore plus fourni que les deux premièress éditions. Ponta Preta reprend Madonna version surf rock, le trio rock féminin MADAM rend les Whites Stripes encore plus brut, les nantais Mad Foxes jouent Titanium de David Guetta à la sauce punk… Ne s’imposant aucune barrière, les programmateurs et artistes livrent plus de trois heures et demie de reprises aussi barrées qu’innovantes. Destiny’s Child, Strokes, Rihanna, tout le monde y passe ! Mention spéciale à la reprise d’Empire Ants de Gorillaz par Wheobe. Le trio lyonnais choisit un titre méconnu et y apporte sa patte rap-rock.

Cerise sur le gâteau pour cette compilation : tous les bénéfices récoltés grâce à Bandcamp et la cagnotte Leetchi seront reversés au Secours Populaire. On vous laisse juste ici le lien pour soutenir Sick Sad World, pour qu’on ait toujours plus de (très) bonnes surprises musicales dans les volumes des prochaines années !

Sorti le 10 mai.

Coups de cœur : Empire Ants, Titanium, I’m a Believer

Kevin Morby – This Is A Photograph

Le musicien américain Kevin Morby nous livre son septième opus This Is A Photograph, dans lequel l’artiste nous délecte de 13 titres introspectifs et profonds. Après avoir vu son père s’effondrer devant lui et être emmené aux urgences, Kevin décide de plonger dans le passé à travers de nombreuses photos de famille retrouvées peu avant l’accident. C’est en attendant des nouvelles de son père, afin de passer le temps, que le chanteur se lance dans un road-trip dans l’Amérique profonde d’Elvis, de la Stax Records, ou encore sur les traces de Jeff Buckley – Morby lui rend hommage avec la chanson Coat Of Butterflies aux notes de saxophone légères et aux arpèges d’harpe divines. Les compositions simples mais touchantes du musiciens sont élevées par des paroles profondes et personnelles, portées le plus souvent par de sublimes mélodies comme sur Bittersweet, TN et la voix douce d’Erin Rae.

Nous y voyons presque un Bob Dylan moderne qui, à l’aide de sa famille et ses amis, nous enchante d’histoires remplies d’espoir, de regrets et de souvenirs lointains comme sur le titre éponyme This Is A Photograph. Le rock est mis de coté sur cet album où le piano est doux, les ensembles de cordes célestes comme sur Five Easy Pieces, et où la guitare folk nous guide délicatement à travers son périple. Heureusement, le morceau Rock Bottom vient tout de même nous montrer que Kevin Morby sait toujours faire du rock’n’roll pur et dur. Un opus sur le temps qui passe et qui éclairera vos lendemains.

Sortie le 13 mai.

Coups de cœur : This Is A Photograph, Bittersweet, TN, Disappearing, Coat Of Butterflies, Rock Bottom, Five Easy Pieces, It’s Over

Thomas Soulet

Ethel Cain – Preacher’s Daughter

Le premier album de l’américaine nous immerge dans l’expérience d’une jeunesse américaine désenchantée. Dès les premières notes d’American Teenager, l’artiste nous mène en bateau, ouvrant la voie à un hymne taylor-swiftesque dont on a envie de crier le refrain. Sous le vernis pop, le message anti-guerre reste clair. Cependant, l’illusion est parfaite : le reste du disque n’emprunte pas cette route musicale.

Au fil des morceaux, cet esprit s’évapore pour laisser place à quelque chose de différent et de, souvent, plus intéressant. Du côté lyrique, c’est son Amérique natale que dépeint la chanteuse : ses armes, ses motels, et ses hommes. Le titre évoque cependant le fil rouge de l’opus, un rapport inextricable et conflictuel à la religion. Family Tree en est la culmination, doublant les métaphores d’une poursuite de police, comme les dogmes qui ne cessent de poursuivre l’artiste, fille d’un diacre du Sud des États-Unis. Un opus parfois inégal, mais qui a l’audace de laisser l’auditeur réfléchir, de laisser les mots résonner : le simple piano de Televangelism divise l’album, et pousse à l’introspection. Pépite à suivre de près…

Sorti le 12 mai 2022.

Coups de cœur : American Teenager, Family Tree, Ptolemea, Sun Bleached Flies

Robin Schmidt

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