CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2022 – «  La Montagne  »  : Pierre qui roule

La Montagne
© Le Pacte

QUINZAINE DES REALISATEURS – Huit ans après son très réussi Vincent n’a pas d’écailles (2014), Thomas Salvador retrouve le chemin des salles de cinéma. Il signe, avec La Montagne, une épure contemplative, toujours teintée de fantastique.

Pierre (Thomas Salvador) est un Parisien quadragénaire ingénieur en robotique. Une présentation commerciale dans les Alpes déclenche chez lui un désir de grands espaces et de solitude. Epiphanie mainstream d’une classe sociale en mal d’ « authenticité ». Dans La Montagne, ses seuls contacts humains se feront avec quelques alpinistes et Léa (Louise Bourgoin, désarmante d’évidence), cheffe du restaurant du pic du Midi.

Fort heureusement Thomas Salvador fait de ce lieu commun un simple ressors narratif. Il s’agit ni plus ni moins d’un point de départ lui permettant d’ouvrir son cadre à un espace peu accueillant pour l’homme. Vincent n’a pas d’écailles faisait déjà de la relation entre un homme et l’eau du lac un enjeu narratif comme scénographique fort. Ici c’est la coexistence de l’homme et de l’imposant et menaçant glacier qui régit la composition de l’image.

Au sommet, la lumière

La décision de Pierre d’installer un bivouac sédentaire à plus de 3000 mètres d’altitude donne donc l’occasion au réalisateur-acteur de découper de grandioses paysages à même la montagne. Mais pour apprécier cette démesure, il faut accepter d’accompagner le rythme lent du récit. La Montagne est un film qui s’installe dans une durée menant à la contemplation. Au fil de cet étirement temporel, le spectateur a le loisir de laisser errer son regard et de s’interroger sur la fabrique du film.

Thomas Salvador est un véritable faiseur de cinéma. Tout d’abord il faut reconnaitre la prouesse technique de ses équipes devant tourner dans des conditions pour le moins audacieuses. Dans la neige, à plus de 3000 mètres d’altitude, il faut désirer le cinéma pour faire preuve d’une telle témérité. Et puis il y a, pour qui connait Thomas Salvador, l’intérêt de comprendre comment sa mise en scène si épurée amènera à l’inéluctable surgissement du fantastique.

© Le Pacte

La deuxième partie du film verse doucement vers cet imaginaire merveilleux. Pierre découvre, au terme d’une longue randonnée, une lueur rougeâtre mouvante. Pareille à la lave, celle-ci parcoure la roche d’un rythme lancinant à l’abri de toute lumière artificielle. L’incursion de cet extravagant détail dans un film au demeurant naturaliste scelle le lien entre Pierre et la nature qui l’environne. Pour Thomas Salvador, la fiction semble avoir des vertus salvatrices. Une scène, comme un rêve, justifie l’ensemble du film et son rythme étiré.

C’est donc au cœur de ce glacier qui ne cesse de fondre en raison du changement climatique, que le réalisateur réalise ce qui semble être son rêve bien avoué  ; celui d’une fusion littérale entre l’homme et son environnement.

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