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Rencontre avec Wet Leg – « C’était soit on créait le groupe, soit on se faisait enlever par des aliens  »

Wet Leg
Crédits Hollie Fernando

Le phénomène musical de 2022 Wet Leg sort ce vendredi son premier album éponyme. Rhian et Hester nous présentent leur machine à tubes, qui remet le rock sur le devant de la scène.

Nous le savons, l’Angleterre est une terre remplie de talents en tous genres, et encore plus quand il s’agit de musique. Il aura fallu deux tubes pour que le duo retourne la planète rock. Rhian Teasdale et Hester Chambers sont originaires de l’île de Wight, petite île isolée du sud de l’Angleterre. C’est en créant Wet Leg, d’une combinaison d’émoji aléatoires, que les deux comparses nous présentent un album éponyme sans bavures, et surtout balancent un uppercut à la question « Est-ce que le rock est mort ? ». Car ici, il est clairement en vogue et il est féminin. Après avoir joué leur tube de l’été 2021 « Chaise Longue » dans les late shows américains et commencé une tournée 2022 à guichet fermé, un avenir radieux attend les deux amies d’enfance, qui nous l’espérons dépasseront la difficile étape du deuxième album.

Nous avons rencontrer le duo Wet Leg dans les locaux de Domino Records France. Fatiguées des deux jours d’interviews et de promo pour leur premier album, les filles nous ont donné une entrevue extra-terrestre, des aliens étant censés venir les chercher dans cinq ans, selon Hester. Nous y discutons du difficile passage de l’adolescence au monde adulte, relations contemporaines, applications de rencontre et rêves humides… tout ça au milieu de beaucoup de rires.

Crédits © Hollie Fernando

Est-ce que vous pouvez nous présenter Wet Leg ?

Rhian : Je suis Rhian et je suis « Wet », et à côté de moi c’est Hester qui est « Leg ».

Comment vous êtes-vous rencontrées ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer ce groupe ?

Hester  : Nous avons décidé de former Wet Leg au sommet de la grande roue du End Of The Road Festival en 2018.

Rhian : C’était ça ou être enlevées par des aliens. (rires) D’ailleurs peut-être que les deux arriveront.

Hester : On leur a dit : « Non, s’il vous plaît, on vient tout juste de commencer un groupe. Revenez dans cinq ans. »

Et à quoi ils ressemblaient ?

Hester : Oh, ils n’étaient pas vraiment là. Ils nous parlaient par télépathie. (rires)

Revenons plus sérieusement à votre album. Dans votre single «  Too Late Now », vous parlez du somnambulisme dans le monde adulte. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce terme ?

Rhian : Je pense que notre génération a été bercée par nos parents qui ne cessaient de nous dire que l’on pouvait tout faire, tout accomplir. Que si on le veux vraiment, on peut y arriver. Mais au final c’est complètement faux : il y a tellement de personnes avec des boulots sans avenir qui ont pourtant des rêves et des inspirations…

Vous pensez que c’est dur d’être entre vos 20 et 30 ans aujourd’hui ?

Rhian : Je pense, oui. Dans le début de ma vingtaine, j’étais complètement perdue et triste.

Est-ce que la musique t’a aidée ?

Rhian  : Non, pas vraiment. (rires) C’est quand j’ai arrêté la musique que ma santé mentale s’est améliorée. Mais maintenant avec Hester, le reste de notre groupe et les bonnes personnes autour de nous, c’est un défi parfois positif. La plupart du temps, ce sont des choses que l’on aime et dont on est passionnées qui nous aident. Ce sont un peu les montagnes russes.

Justement, comment faites-vous pour gérer toute cette attention nouvelle sur vous ? Dans le clip «  Oh No », vous avez compilé tous les gentils et méchants commentaires de vos vidéos YouTube, qu’avez-vous ressenti en lisant tout ça ?

Rhian : J’ai trouvé ça plutôt excitant de republier et compiler tous ces commentaires dans quelque chose dont nous avions complètement le contrôle. Mais nous avons essayé de rester loin du « doomscrolling ». Je crois que je n’arrivais pas à dormir ce soir-là, je pensais trop.

Hester : C’est fou comme un commentaire négatif ou un positif peut te déranger, t’interroger.

Rhian : Même pour un commentaire positif tu dois faire attention, car les affirmations de personnes que tu ne connais pas ne sont pas une bonne raison pour faire quoi que ce soit. Ce n’est pas bon pour ta santé.

Mais toute cette attention vous a permis de signer chez Domino Records, label des Arctic Monkeys ou encore de Franz Ferdinand. Êtes-vous heureuses d’avoir signé chez eux ?

Hester : On est vraiment chanceuses et reconnaissantes. Notre manager nous a demandé d’enregistrer quatre chansons en plus et un autre vidéo-clip car nous avions déjà fait « Chaise Long ». Une fois envoyé à Domino, ils nous ont recontactées.

Rhian : En nous disant : « Allons-y pour un déjeuner. »

Hester : Donc on les a invités dans un de nos pubs favoris sur l’Île de Wight, avec une sublime vue du bord de mer et un repas champêtre. Et je pense que c’est grâce à ça qu’ils se sont dit : « Les gars, si on signe Wet Leg, on aura l’occasion de revenir pour cette belle vue et ces pintes de pirate en verre » (rires)

Hester, tu as parlé de «  Chaise Long », tube rock entêtant. Pour moi, c’est la chanson parfaite de la procrastination. Est-ce que c’est quelque chose que vous aimez faire, procrastiner ?

Rhian : Est-ce que tu es ma mère ? (rires) Évidemment, je pense que c’est même ma plus grande compétence, procrastiner. Je suis très forte pour ça. On dit que tu dois passer environ 10 000 heures sur quelque chose pour en devenir un expert, et j’ai clairement passé 10 000 heures à procrastiner.

Dans l’album, il y a un thème qui revient souvent et sur lequel je vous trouve assez dures, c’est l’amour – comme sur les morceaux «  Being In Love  », «  Loving You  », ou encore «  Piece Of Shit  ». Qu’est-ce que vous pensez réellement des relations amoureuses de nos jours ?

Rhian : J’ai eu le cœur brisé quand j’ai écrit ces chansons. J’ai passé pas mal de temps à réfléchir à l’amour et aux relations romantiques, sur leur importance ou non. Et je pense qu’après la fin de cette fameuse relation, j’ai trouvé beaucoup de joie et d’amitié. J’avais accidentellement négligé toutes mes amitiés pendant 6 ou 7 ans. Et donc, j’ai repris contact avec tous mes amis pour leur redonner de l’amour, de l’amour platonique et amical. J’ai reçu en retour beaucoup d’amour et de positif autour de moi, comme retrouver un travail que j’aimais beaucoup et dans lequel je m’amusais. J’ai retrouvé confiance en moi.

Je me suis donc demandé pourquoi la société nous dit, à un âge très jeune, que l’amour romantique est ce dont nous avons besoin dans l’Amour et que c’est la chose la plus importante. Je pense tout le contraire de ça, car quand ta relation est terminée tu ne reçois rien en échange.

Vous parlez aussi des applications de rencontre, et pas pour en dire que du bien.

Rhian : Oui, comme beaucoup de personnes qui sortent d’une relation et qui pensent « J’ai des amis qui ont rencontré quelqu’un par ce genre d’applications, donc ça ne doit pas être si terrible. Pour me sentir mieux je vais installer cette application, car c’est ce que font les gens. » Il y a beaucoup de cœurs brisés et de personnes perdues là-dedans qui cherchent quelque chose dont ils ne connaissent pas la forme, mais pensent que c’est une personne.

Personnellement, afin de me remettre de ma dure séparation, j’ai trouvé plus utile de mettre de l’énergie et de l’amour dans mes amitiés et mon travail. Je valorise toujours l’amour romantique, je ne veux juste plus jamais me faire passer au second plan.  Car je n’ai pas fait ça avant, et je me suis rendu compte que je vivais une relation toxique – celle dont je parle dans mes chansons.

Revenons sur votre deuxième single. Pourquoi avoir choisi des pinces de homard pour le clip «  Wet Dream  » ?

Rhian : Mes amis, moi et Hollie, qui est la styliste et créatrice de costumes, avons pensé que ça serait sympa pour un photoshoot. Donc à l’origine, ces pinces devaient être utilisées seulement pour ça. On les a fabriquées nous-mêmes avec des petits bonnets rouges, en pensant juste que ça serait cool. Puis j’ai suggéré d’utiliser le costume pour un clip vidéo entier. J’aimais bien l’idée d’une étrange secte de l’île de Wight qui finit par se retrouver à se manger elle-même, comme on peut le voir à la fin du clip. Je trouvais ça très drôle.

Vous parlez aussi du film Buffalo 66 comme si c’était la proposition parfaite pour conclure. Est-ce que c’est pour vous le classique du film romantique ou c’est complètement ironique ?

Rhian : C’est un vrai problème le scénario dans ce film, car le personnage principal, qui je trouve rejoint bien notre chanson, est le type de garçon qui utilise la culture comme monnaie d’échange pour coucher avec des filles. Je crois que c’est quelque chose qui m’est arrivé, donc j’y fais un clin d’œil avec cette référence. Buffalo 66 semblait être le film parfait dans lequel le personnage de ma chanson pourrait être. Vincent Gallo joue un personnage terrible, c’est vraiment une histoire dangereuse ce film.

Pour finir avec «  Wet Dream  », quel a été votre dernier «  rêve humide  » ?

Rhian : (rires) Je ne pense pas qu’on pourra répondre à cette question. Bien essayé. (rires) En fait, j’ai peut-être une réponse. J’ai tendance à m’endormir facilement. Une fois, j’étais en train de boire de l’eau dans ma gourde et l’avais mal refermée. Je me suis endormie avec et quand je me suis réveillée, j’étais littéralement trempée. J’ai même pensé que je m’étais pissé dessus. (rires) J’étais très fatiguée et j’avais très soif. Ça m’est même arrivé deux fois la semaine dernière. Voilà, ce sont donc mes deux derniers rêves humides. (rires)

Les Wet Leg seront en concert le 9 novembre 2022 à l’Élysée Montmartre.

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