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Rencontre avec Baptiste W. Hamon – « Je voulais faire un disque avec cette lumière »

Baptiste W. Hamon
©Romain Winkler

Pour la sortie de son lumineux troisième album Jusqu’à la lumière, réalisé par John Parish et sorti ce vendredi 8 avril, nous avons discuté avec le chanteur Baptiste W. Hamon. Son écriture, l’intemporalité de sa musique, son goût pour la collaboration, ses influences entre la country américaine et la chanson française… Rencontre avec un artiste rare.

Jusqu’à la lumière est ton troisième album après L’Insouciance (2016) et Soleil, soleil bleu (2019), comment est né ce troisième opus ? 

Il est né petit à petit. J’ai écrit les chansons progressivement après la sortie de mon deuxième disque, donc juste avant le premier confinement. J’ai continué pendant le confinement puis jusqu’à quelques semaines avant d’aller en studio en avril 2021. Comme souvent, je n’écris pas tellement en ayant une idée précise de ce que je veux avoir en tant qu’album. Ce sont des chansons qui venaient les unes après les autres, j’ai fait une sélection de dix parmi toutes celles que j’avais écrites pour faire ce disque et j’ai essayé de trouver des thématiques que l’on retrouve d’une chanson à l’autre.

Les textes sont toujours très forts dans tes chansons, comment tu composes ? Tu écris les textes avant la musique ?

Ça dépend. Mais je ne me considère pas comme un très bon musicien donc c’est surtout sur le texte que je vais accentuer mon travail. Après ça peut venir de plusieurs procédés différents. Parfois, j’écris le texte et je mets en musique, mais c’est assez rare. La plupart du temps, je fais du yaourt/guitare et yaourt/voix et petit à petit il y a des mots qui vont venir. Je vais faire de l’écriture automatique et essayer d’écrire un texte avec une métrique et une rythmique que je viens d’établir dans ma tête. Ensuite, je fais des allers-retours entre la musique et le texte. C’est marrant, car c’est une question qu’on pose souvent et c’est difficile d’y répondre, car d’une chanson à l’autre, ce n’est jamais la même chose. Je passe beaucoup de temps sur les textes et c’est en studio que je travaille le côté habillage et arrangement musical. 

L’écriture a-t-elle toujours été présente ? Avant même de commencer une carrière de chanteur ? 

J’ai toujours écrit depuis mes 15 ans, dans mes cahiers secrets, comme plein de gens. Simplement, j’écrivais des poèmes aussi. C’était comme un entraînement. Le jour où j’ai écrit mes premières chansons, je me suis rendu compte que le fait d’avoir beaucoup écrit, j’ai gagné du temps. 

Et chanter.. c’est venu plus tard alors ? 

La véritable genèse est vers 14 ans, j’ai commencé à apprendre la guitare pour faire des reprises de chansons et faire marrer les copains. Le chant a toujours été quelque chose qui me plaisait et l’écriture en parallèle. Je n’avais pas vraiment relié le fait d’adorer chanter et écrire et donc que je pourrais écrire des chansons.

C’est venu plus vers 18 ans en ayant un vrai coup de cœur musical pour un artiste américain qui s’appelle Townes Van Zandt. Il a été le déclencheur de tout. J’avais ressenti des choses que je n’avais encore jamais ressenties en écoutant de la musique et qui était de l’ordre presque du mystérieux, du mystique. Et là, je me suis dit que si la chanson pouvait procurer ça, j’avais envie d’essayer de m’y mettre et de voir comment travailler la matière des mots et du chant pour essayer de parvenir à quelque chose de beau.

… Et de pouvoir y mélanger tes influences musicales entre les États-Unis et la France ? 

Oui, le déclencheur a donc été ce chanteur américain. J’ai découvert cette musique country qui a plutôt mauvaise presse en France, ou en tout cas qui est soit méconnue soit les gens pensent que c’est de la musique de conservateurs du sud. Je me suis rendu compte que ce n’était pas vraiment le cas et qu’il y avait une contre-culture dans le sud des États-Unis qui était quasiment complètement méconnue et qui m’intéressait beaucoup. Ça a été comme un monde nouveau qui s’ouvrait à moi et je me suis fait toute ma culture musicale américaine comme ça et j’avais l’impression que je n’entendais pas ces références dans tout ce que j’écoutais en France… Et moi, c’est de là que je viens donc je voulais faire ça. Et effectivement le fait que je chante en français, ce sont plutôt mes références de chansons françaises classiques…

… Avec lesquelles tu as grandi ? 

Oui, que mes parents me faisaient écouter, mais avec lesquelles je n’accrochais pas tellement quand j’étais ado. J’y suis revenu à 25 ans et j’ai pu me rendre compte de toute la puissance et de la poésie qu’il pouvait y avoir chez Moustaki, chez Barbara, chez Brel… Il m’a fallu réécouter ces gens-là pour avoir le déclic de l’écriture en français parce que ce n’est pas si évident que ça d’écrire des chansons en français quand on écoute que des chansons anglo-saxonnes. Dans mon cerveau, il s’est mélangé plein de références et ça a donné mes premières chansons. 

Et en même temps, il y a toujours une chanson en anglais sur chacun de tes albums…

Oui, car je continue de temps en temps d‘écrire des chansons en anglais. J’ai le sentiment que l’on ne dit pas la même chose, on ne fait pas sonner les mots de la même façon. Pour moi, ce sont un peu deux exercices différents et la plupart du temps, ce sont des mots en français qui me viennent, mais de temps en temps pendant deux heures, j’ai l’envie d’écrire en anglais. Et quand j’essaie de l’adapter en français, je me rends compte que c’est nul ou que ça ne marche pas donc je me dis tant pis, je la garde en anglais.

Parce que c’est plus difficile pour toi d’écrire en anglais ou ça reste quand même assez naturel ?

À la base, c’était plus difficile d’écrire en français parce que justement, je n’écoutais que de la musique anglo-saxonne. Il ne me venait que des mots captés dans les milliers de chansons que j’avais entendu. Aujourd’hui, c’est l’inverse, car j’ai appris à maîtriser la langue et comment faire pour écrire des chansons. Et je ne peux être complètement moi-même et précis dans ce que je veux raconter que quand j’écris en français. Mais de temps en temps, il y a une chanson qui me vient souvent assez vite en anglais. Tant que ça vient, je continuerai à en mettre sur mes disques. 

Pour ce disque, tu as fait appel à John Parish pour la réalisation, comment s’est faite cette collaboration ?

Je suis fan de John Parish depuis toujours. Pour moi, c’est un des plus grands réalisateurs de disques. Tout ce que je connais de lui, je trouve ça formidable au niveau de la production, que ce soit dans des registres plutôt rock comme PJ Harvey ou des trucs plus folk comme Aldous Harding. La vraie raison pour laquelle j’ai voulu bosser avec lui, ce sont les derniers disques d’Aldous Harding. C’est très folk, très épuré, très moderne et en même temps, il n’y a rien de trop. Je voulais un disque qui soit pas trop arrangé, avec peu d’instruments, mais qui soit bien produit et avec des recherches de sons, des entrées et sorties d’instruments au bon moment, que ça fasse sens avec la chanson.

Et n’étant pas très bon musicien, j’ai l’idée de comment je veux que mes chansons sonnent, mais je ne suis pas capable de les appliquer moi-même donc plus je suis entouré par des gens en qui j’ai confiance plus c’est facile. John Parish, c’était comme un rêve de pouvoir bosser avec lui, de le voir travailler sur mes petites chansons que j’ai écrite dans ma salle de bain. Le travail en studio était à la fois très simple et très excitant. Je voyais les chansons se transformer jusqu’au résultat final. Et avec ce que moi, j’insufflais comme idée tout en lui donnant carte blanche. Parfois, il écoutait ce que je lui disais et parfois, il essayait autre chose. C’est précieux de pouvoir bosser avec des gens comme ça. 

Il y a eu une vraie alchimie entre vous ? 

Oui déjà humaine, et un mec comme John Parish, il faut le laisser s’exprimer à la hauteur de son talent. Le résultat, je m’en doutais à l’avance. 

Tu parlais de tes références country, c’est marrant car tu as été étiqueté comme LE chanteur country français mais que ce soit Soleil, soleil bleu ou ce dernier album, c’est plus dans l’esprit que véritablement musicalement…

Oui complètement, moi, je n’ai jamais revendiqué d’être un chanteur country. Mes références sont country et 80 % de ce que j’écoute c’est de la musique country, americana, ou folk du sud des Etats-Unis. Dans ce disque, il y a une chanson qui s’appelle « Boire un coup » qui est peut-être la plus country de toutes. Et ensuite, je veux essayer de trouver une manière de rendre hommage à ces références dans mes albums. Par exemple, pour ce disque, il y a un instrument qui s’appelle le pedal steel qui est très américain. Et dans mes exigences auprès de John Parish, je lui en ai parlé. Dans mon esprit, il suffit qu’il y ait cet instrument-là dans une chanson et ensuite, tu es libre de faire ce que tu veux. 

Baptiste W. Hamon
©Romain Winkler

Et pourtant, on t’a beaucoup collé cette étiquette…

Oui, mais c’est un truc de journalistes. Je suis capable de parler de country pendant des heures et il n’y a peut-être pas beaucoup de chanteurs qui se revendiquent de cet héritage-là. Ce sont des raccourcis que je ne renie pas du tout. Mais si je vais à Nashville et que je fais écouter mon disque à quelqu’un qui écoute de la country de Nashville de 2022, il ne va rien entendre de country. 

Il y a d’ailleurs un lien assez évident entre ton précédent album et celui-là, le sentiment de passer du « Soleil bleu » de la mélancolie au « soleil jaune » de l’espoir. Je pense notamment aux titres : « Revoilà le soleil », et « Jusqu’à la lumière » qui donne son nom au disque…

Oui, il y a plus d’espoir dans ce disque. Je l’ai voulu plus ouvert et peut-être plus « soleil jaune » effectivement. C’est d’ailleurs le petit clin d’œil, je termine mon disque avec cette chanson qui s’appelle « Revoilà le soleil »… C’est plutôt un disque optimiste. J’ai toujours mes thématiques, j’aime parler des choses graves de la vie, mais avec quand même de la légèreté. J’ai toujours considéré qu’il y avait du beau dans les tristesses et que la tristesse n’était pas synonyme de désespoir. Elle peut être synonyme de beauté et d’espoir. J’ai essayé dans les textes et dans la musique de montrer cette facette-là. 

Il y a moins de mélancolie…

Oui, je ne suis pas allé à fond dans la mélancolie comme sur mes disques précédents. Je n’ai pas voulu faire le chanteur dépressif qui écrit des trucs très graves et ça se ressent. J’ai essayé d’apporter de la légèreté dans la nostalgie et les tristesses qui peuvent apparaître dans les textes que j’ai écrit. 

Et plus d’humour aussi ! 

J’essaie ! (Rires)

Je pense à un titre comme « Dorothée »  qui peut évoquer certaines chansons de Brel qui sont plus dans le jeu et dans un esprit assez drolatique dans la manière de raconter une histoire…

C’est une chanson un peu à part effectivement. C’est une petite histoire qui m’est venu et ça fait partie de cette idée de vouloir dépoussiérer le côté trop grave des choses et d’apporter quelque chose d’un peu rigolo. Et en ce sens, c’est aussi la chanson la plus proche des thématiques country avec « Boire un coup ». C’est l’alcoolique looser, mais la vie est quand même belle et on a envie de sourire. C’est la mélancolie joyeuse de la musique country. Il y a de l’alcool, de l’amour et de la rigolade. 

Ce sont un peu les thématiques de l’album non : l’alcool et l’amour ? J’ai le sentiment que l’on boit un coup dans presque toutes les chansons…

Ce n’était pas théorisé, mais oui, c’est aussi un disque de copains, d’amitié. Je ne veux pas faire d’auto-analyse, mais les dernières années ont été particulières et c’est comme si dans mes textes, je mettais tout ce qu’on n’a pas eu l’occasion de faire : c’est-à-dire la fête, les rencontres, voir ses copains. Ça m’a plu d’avoir ces thématiques-là. Je voulais faire un disque avec cette lumière. 

Et justement pendant cette période, entre tes deux derniers albums solo, tu as sorti un projet en collaboration avec Barbagallo… Comment est venue cette idée de disque ?

Oui, c’est vraiment un projet à part avec Julien Barbagallo qui habite en Australie, car il est dans le groupe Tame Impala. On s’était rencontré juste avant le confinement. On avait collaboré un peu et fait de la musique ensemble en studio. Musicalement, on s’emmenait un peu ailleurs. Et pendant le confinement en parallèle de ce disque, on s’est écrit et on a fait des allers-retours de collaboration à distance. Ça a été une parenthèse très chouette. Je n’étais plus tout seul dans ma chambre à essayer d’écrire des chansons pour un éventuel prochain album dont on ne savait pas s’il arriverait, car le monde allait peut-être s’écrouler d’ici-là (rires).

Là, il y avait un copain par mail qui m’envoyait des chansons puis je lui en renvoyais une et il arrangeait un peu. Ça a été quelque chose de nécessaire pour moi et une fois qu’on a eu six chansons, on s’est demandé si on les gardait pour nous ou si on les sortait. On s’est dit que ce serait quand même con de ne pas les sortir et je suis très content de ce petit disque qui est en marge de ce que je fais d’habitude, mais qui est une autre facette de moi-même. C’est vraiment une collaboration avec quelqu’un qui a un univers différent et on se rejoint dans quelque chose de sincère et très authentique. 

Cet album n’aurait donc pas existé sans le confinement ?

Je ne sais pas si on l’aurait sorti, car on aurait sans doute accéléré « Jusqu’à la lumière » s’il n’y avait pas eu les confinements. Je l’aurai peut-être sorti un an plus tôt. Et comme tout était gelé, on avait aucune visibilité sur la reprise des concerts… Le fait qu’on ne puisse pas tourner ce disque n’était pas un problème comme lui vit en Australie, ce n’était pas possible de toute manière. On s’est dit, on va sortir un disque sans faire de tournée derrière ce qui est normalement interdit par les maisons de disques. (rires)

C’est une expérience que tu aimerais bien refaire ?

Collaborer en général, c’est toujours fou artistiquement. On apprend beaucoup, ça nous met face à nos manières de procéder. Quand on travaille dans une même salle avec quelqu’un, ou même à distance, on se pose des questions différentes. Parfois, la personne nous dit que cette phrase est vraiment naze. C’est un exercice passionnant, ce n’est pas toujours concluant, mais quand ça marche, c’est assez jouissif. Il y a une partie de nous, une partie de l’autre et ça fait progresser très vite. Ça peut donner des idées pour les prochaines chansons qui seront 100 % de nous. 

Est-ce que ça permet de puiser des inspiration inscrites dans la musique contemporaine en expérimentant avec les copains artistes ?

Oui, avec Julien Barbagallo, on a beaucoup de références communes et d’autres pas du tout. Le disque n’a rien à voir avec un disque de Baptiste Hamon, je lui ai donné carte blanche sur le côté très moderne, boite à rythmes. Ça, c’était assez jouissif, je me suis dit « allons à fond et voyons jusqu’où ça nous mène ». 

Dans tes albums, il y a d’ailleurs chaque fois des collaborations en duo, ici avec Ane Brun…

C’est pour la seule chanson en anglais de mon disque. J’avais envie d’avoir une invitée et mon choix s’est porté sur Ane Brun. C’est une chanteuse norvégienne dont je suis fan depuis toujours ou presque. J’ai vécu en Norvège pendant deux/trois ans en 2007 et je l’ai beaucoup écouté. Sa voix m’évoque des choses liées à la mélancolie.

Tu ne l’avais jamais rencontré avant de faire ce duo ?

Je ne l’ai toujours pas rencontré, ça, c’est fait à distance. En enregistrant la chanson chez John Parish, je lui parle d’Ane Brun et il me dit qu’il adore ce qu’elle fait, mais qu’il ne la connaît pas. Je lui ai donc écrit et elle a répondu tout de suite. C’est assez émouvant de voir que ce qui m’a tant ému dans le passé se croiser avec le présent, j’ai l’impression d’une forme de petite réalisation, c’est à la fois émouvant pour moi et encourageant. 

Comme pour tes duos avec Miossec et Will Oldham sur les précédents albums ? 

Oui, j’aime collaborer. C’est un peu la tradition des folkeux américains d’inviter les copains sur les chansons. Pour Miossec et Will Oldham, le premier, j’avais fait beaucoup de premières parties pour la tournée donc ça faisait sens pour moi d’acter ça sur un disque. Dans trente ans, je pourrais dire « Ce disque, c’est le moment où je faisais ses premières parties et où on se voyait beaucoup… » Et Will Oldham, c’est un de mes héros de jeunesse. J’ai pu le rencontrer et je suis allé faire mon premier disque aux Etats-Unis chez le producteur qui a fait beaucoup de disques de Willl Oldham. Une fois, là-bas, j’avais demandé la possibilité de faire une collaboration avec lui. J’essaie de faire en sorte qu’elles aient sens avec ma vie à ce moment-là et au moins pour moi, je sais que c’est lié à une actualité. J’essaie d’être honnête. 

Et avec qui tu aimerais collaborer pour les prochains ? Même si ça parait impossible….

C’est une question difficile, je le saurai pour mon prochain disque au moment où éventuellement, j’aurai besoin d’une collaboration. Il n’y a pas vraiment d’artistes avec qui je me dis que je veux absolument faire un truc. Ça dépend de la chanson, du moment dans ma vie. Je pourrais très bien dire, je suis fan de Dolly Parton ou Bob Dylan, je veux absolument collaborer avec eux. Ça peut être une bonne idée, mais ça peut aussi être un peu nul donc il faut vraiment que ça fasse sens, que ça réponde à l’instinct d’un moment. 

L’ ambiance de ton disque m’a évoqué un esprit très seventies… C’est une époque qui te parle musicalement ? 

Alors par la force des choses, j’écoute beaucoup de musique des années soixante-dix que ce soit en country ou en chanson française, parmi mes références ultimes. Après, je n’ai pas cherché ni dans les thématiques, ni dans la musique à me rapprocher d’une époque particulière. Comme c’est un disque assez épuré au niveau des arrangements et qu’il y a peu d’instruments, c’est un peu intemporel finalement et les thématiques des chansons aussi. Sinon je n’ai pas de nostalgie d’une époque, j’essaie de piocher dans le passé ce qui m’intéresse pour pouvoir vivre dans le présent. Je veux éviter l’écueil d’être tourné en arrière en permanence. 

Pour t’inscrire dans cet espace intemporel ? 

Oui, je ne veux pas être dans l’hyper actuel non plus, car souvent, ça ne me plaît pas. J’essaie d’être sincère avec mes références, des arrangement simples, des musiciens d’aujourd’hui qui jouent de la guitare comme on joue de la guitare aujourd’hui, mais aussi avec des idées de sons qui sont liés aux machines et aux technologies d’aujourd’hui. Effectivement, je ne mets pas trop de boîtes à rythmes ou de synthés, car ça me parle moins. Mais je veux croire que ma musique est quand même 2022.

C’est d’ailleurs, ce qui te définit musicalement je pense, d’un côté tu ne rentres pas dans les cases établies mais tu n’es pas non plus complètement à contre-courant de ce qu’il se fait…

C’est difficile de se classifier soi-même. Je ne me dis pas qu’il faut que mon prochain disque ressemble un peu à ce que fait, par exemple, Angèle et en même temps à du Léonard Cohen de 1997. D’abord, j’écris mes chansons qui viennent de plusieurs inspirations, de vécu, de lectures et ensuite pour la musique, je ne cherche pas à révolutionner le son ou la production. Je ne cherche pas non plus à recopier. Donc oui, c’est de la chanson française, de l’americana chanté en français, de l’indie parce que John Parish a une production recherchée et des micros particuliers. 

Et en même temps, ce n’est pas si courant, d’avoir une identité propre qui se démarque en tant qu’artiste… On a tendance à beaucoup rapprocher les chanteurs contemporains entre eux… Et tu fais partie des seuls, dans la scène contemporaine à te démarquer…

Je prends ça comme un grand compliment. Je ne cherche pas à me différencier. Il sort de toutes mes références quelque chose qui est très moi et qui ne ressemble pas à beaucoup d’autres choses en français. Si d’autres gens en faisaient, je n’arrêterais pas pour autant. Après, il y a une chanteuse qui s’appelle Lonny qui vient de sortir son disque et qui a un peu les mêmes références que moi. Donc, on est quelques-uns quand même, mais comme la country/folk ne sont pas des registres très connus ou très compris, naturellement ça va apporter cette petite originalité dans la musique.

On a beaucoup parlé de tes références musicales mais concernant les textes, tu parlais de littérature, tu as des références précises qui t’influencent dans ton écriture ? Le titre « Ils fument » m’a beaucoup évoqué Raymond Carver…

Figure-toi que je n’ai encore jamais lu Carver, c’est sur ma liste depuis des années. Mais je lis beaucoup. Toutes mes lectures, tout ce que mon cerveau retient ça va influencer mon écriture au moment où je vais écrire. Je lis plutôt du roman français, un peu américain ou russe. Je ne lis pas tant de poésie ou alors comme ça une page de temps en temps. La littérature m’influence, car je lis 1 à 2 heures par jour. Je me nourris en permanence de nouveaux mots, de nouvelles esthétiques et ça se traduit forcément dans l’écriture même si je ne sais pas l’expliquer.

Et en même temps ton écriture, ta manière de raconter des histoires est très visuelle, presque cinématographique…

C’est possible. J’ai certains copains quand ils écrivent une chanson, ils imaginent le clip. Moi, pas vraiment. Certaines peut-être, mais quand on raconte une histoire, une fois que la chanson est sortie et reçue par des gens, chacun va y mettre des images sur les mots, rapprocher la situation d’une situation vécue et c’est ce qui fait la magie de l’écriture et de la chanson en particulier. Chacun va s’approprier une chanson et la chanson vit chez la personne qui la reçoit. Une fois que la chanson est sur un disque, un vinyle ou sur Internet, elle se met à vivre indépendamment de moi, c’est un peu bateau, mais c’est vrai. Et c’est toujours très étonnant d’avoir ces retours, je ne suis plus maître de ça.

Ce qui est certain, c’est que j’essaie de mettre le texte au cœur de mes chansons et que le texte arrive directement aux oreilles. Car moi-même quand j’écoute de la musique si la production est trop lisse, je ne retiens pas du tout le texte. Et je ne veux surtout pas que les gens se disent ça à propos de ma musique : « C’est beau, ça a l’air beau, mais je suis incapable de savoir de quoi tu parles ». Donc j’essaie dans l’interprétation et dans le mix, de faire en sorte que la voix soit assez forte, qu’il y a peu d’instruments qui perturbent l’écoute du texte et qu’ils viennent au bon endroit, au bon moment accompagner le texte.

Ce que je reprocherai aujourd’hui à la variété en France, aux choses un peu commerciales. Soit artificiellement, on pousse la voix très fort donc ça nous vient, mais la musique n’est pas très intéressante derrière soit on va en faire beaucoup du côté des instruments donc ça gâche complètement l’éventuelle portée que peut avoir le texte pour moi qui reçoit. Après, ce sont des choix, mais ça, c’est réfléchit, je veux faire en sorte que les textes soient entendus dès la première écoute.

Oui, d’ailleurs tu parlais de Barbara tout à l’heure et justement c’est l’exemple typique, on a tous un film en tête pour chacune de ses chansons, car ses textes nous parviennent instantanément…

Sa voix, sa façon de chanter et ses textes… On ne peut que se projeter dans une situation et c’est ce qui fait que j’ai les poils à chaque fois que je l’écoute, même des chansons que j’ai écouté 80 fois, c’est toujours aussi beau. 

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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