CINÉMA

« Plumes » – L’art de se faire plumer

Plumes - © Still Moving Production
Plumes - © Still Moving Production

Présenté lors de la dernière édition de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes, où il a obtenu le Grand Prix, Plumes est un ovni immanquable qui pose un regard particulièrement pertinent sur la société égyptienne.

Cela commence comme un film des plus naturalistes, à la lisière du documentaire, avant de bifurquer tout d’un coup vers le fantastique. Plumes, du cinéaste égyptien Omar El Zohairy, est un long-métrage inclassable dont le pitch ne manque pas d’intriguer. Soit l’histoire d’une mère passive et totalement dévouée à son mari et à ses enfants. Sa vie, c’est son foyer et l’horizon se borne aux murs de son appartement où elle trime aux tâches ménagères du matin au soir. Un jour, son quotidien se retrouve néanmoins égayé par l’anniversaire de son fils de quatre ans. Un peu de magie dans ce monde de brutes ne fait pas de mal. À moins que… Car le magicien fait malheureusement une erreur et transforme le père autoritaire en poule. Une catastrophe pour le foyer et qui oblige la matriarche, d’ordinaire si réservée, à assumer soudainement le rôle de la cheffe de famille.

Il est difficile de résumer Plumes. Le film fait autant rire que frémir. L’humour est évidemment présent par le postulat de départ. Transformer un véritable mâle alpha, misogyne et caractériel en gallinacé, il fallait oser. Le long-métrage, tirant régulièrement vers le comique de l’absurde (à l’image de la scène hilarante du tour de magie raté qui provoque la sidération chez les personnages), fait penser à du Jacques Tati ou à du Blake Edwards. Mais le film n’est jamais totalement une comédie. Car ici, le rire se confond avec le malaise. La caméra d’Omar El Zohairy filme un pays et surtout une société patriarcale totalement indifférente à toute une partie de la population. Et en particulier les femmes, véritables laissées-pour-compte.

Un réalisateur est né

Difficile de penser que Plumes est le premier long-métrage d’Omar El Zohairy, qui n’avait jusqu’à présent réalisé que deux courts-métrages. Maîtrisé de bout en bout avec des plans d’une beauté stupéfiante, son film est aussi féroce que juste. À Cannes où il était présenté dans la sélection de la Semaine de la Critique, il est reparti avec le Grand Prix. Une récompense qui devrait, sans nul doute, en appeler d’autres.

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