QUINZAINE DES RÉALISATEURS – Après le fascinant Mate me porte favor , la cinéaste brésilienne Anita Rocha da Silveira présente son deuxième long-métrage Medusa. Une adaptation contemporaine du mythe de Méduse sous forme de dystopie pop troublante et effrayante pour dénoncer la société patriarcale et extrémiste brésilienne.
Dans son précédent film Mate me por favor, la réalisatrice brésilienne Anita Rocha da Silveira se servait d’un cinéma de genre, du thriller aux couleurs pop pour donner la voix à des adolescentes troublées par le sexe et la violence, poussées par la pulsion de s’affirmer dans un Brésil répressif. Pour ce deuxième long-métrage, elle continue de puiser dans la situation actuelle de son pays en s’inspirant de faits réels dramatiques. D’un côté, la montée du mouvement conservateur depuis 2013, de l’autre des règlements de compte entre des gangs de jeunes filles devenues policières des bonnes moeurs en tabassant d’autres filles pour les punir de leur comportement qu’elles considèrent déviants.
Pour parler de ces dysfonctionnements, Anita Rocha da Silveira inscrit Medusa dans un cinéma de genre adolescent, fabriquant une dystopie contemporaine. Ses personnages, Mari (Mariana Oliveira) en tête, s’inscrivent dans l’héritage des héroïnes comme Suzy Banner dans Suspiria de Dario Argento ou Carrie de Brian de Palma évoluant dans une ambiance entre le cinéma de Carpenter et l’atmosphère mystérieuse et musicale d’Exotica de Atom Egoyan.
Dans la ville manichéenne de Mari, la société est divisée en deux catégories. Il y a les fidèles chrétiens qui tendent vers la piété et le contrôle de soi, dévots de Jésus et de leur pasteur au regard pénétrant. Les jeunes filles doivent adopter un comportement considéré comme irréprochable et un physique dit parfait. Face à elles, il y a les autres, les païens et païennes qui osent vivre et s’adonnent à des fêtes clandestines dans les bois. Les jeunes filles de la communauté, affublées d’un masque, s’adonnent la nuit à des punitions sur d’autres femmes. Tandis que les jeunes hommes forment une milice entraînée à combattre en récitant des prières au nom de leur foi.
Girl power
Entre Méduse et Eve, Mari va être tentée par le serpent , animée par la même curiosité. À la recherche d’une pécheresse défigurée cachée derrière un faux visage immaculé, la jeune femme va trouver du travail en tant qu’infirmière dans un hôpital où tous les malades sont dans le coma – symbole du peuple impuissant. Dans ce décor désertique de film d’horreur, Mari va se laisser posséder par les idées impures et contaminer son univers fanatique.
Comme dans Mate me por favor, Anita Rocha da Silveira s’empare de nouveau avec cynisme du teenage movie horrifique pour créer la révolte. La colère gronde dans le cœur de ces jeunes filles façonnées par la société à l’âge des pulsions sexuelles qui leur sont interdites. Dans l’obscurité, la cinéaste crée une oeuvre aux couleurs néons explosives. Elle maîtrise l’art du grotesque et des métaphores, jouant du mystique pour dénoncer.
Depuis quelques années le cinéma brésilien contemporain s’exprime par différentes formes narratives et cinématographiques pour alerter sur la situation politique actuelle d’un pays malade laissant la crise sanitaire décimer sa population. Medusa, en est une preuve de plus. Qu’il est jouissif de voir ces jeunes femmes, cette nouvelle génération, se rassembler et crier contre l’oppression patriarcale, religieuse et politique. Medusa électrise furieusement le Festival de Cannes ! Retenez bien le nom d’ Anita Rocha da Silveira !