CINÉMA

Arras Film Festival « Les Meilleures » : Amour turbulent

Les Meilleures
© Denis Manin

Présenté à l’Arras Film Festival, Les Meilleures est le premier long-métrage de Marion Desseigne-Ravel. C’est en évoluant aux côtés des adolescents de la Goutte d’Or que la volonté de narrer cette histoire est née. Après plusieurs confinements, voici enfin venu le moment de la porter au grand jour.

Nedjma est à la tête de sa bande de copines  : elles sont quatre. C’est l’été à Paris, trêve d’école, voici venu le temps des libertés. Lorsqu’une jeune fille emménage avec sa famille dans l’appartement vide d’à côté, les habitudes sont bouleversées. La nouvelle a beau être gentille, Nedjma s’en méfie  : Zina ne connaît pas les règles du quartier. Et pourtant, cette naïveté n’est pas pour lui déplaire.

C’est au cœur de la Goutte d’Or parisienne que Nedjma (Lyna El Arabi) habite avec sa mère et sa sœur. Dans ce quartier, tout le monde se connait, mais tout le monde ne s’apprécie pas pour autant. Il y a des groupes, des territoires et des règles. Qui s’y frotte, s’y pique. Là où les anciens se sont battus pour leurs libertés, les jeunes créent à nouveau des camps régis par une stricte hiérarchie. Quand elle apprend que Zina (Esther Rollande) est la cousine de la meneuse de la clique rivale, Nedjma n’a le choix que de se plier aux règles  : la haïr de la même façon que ses compatriotes. Elle ne s’y retrouve plus  : devant les autres, la haine est de mesure, tandis qu’en cachette l’amitié est tolérée.

Pourquoi tant de conventions, lorsque l’attirance est évidente  ? Zina est non seulement rivale, mais également femme… D’après les codes intériorisés, elle est à bannir sur tous les fronts.

Un choix cornélien : romance ou réputation

La cheffe de bande s’éprend d’une personne que sa bande est tenue de rejeter. Par principe, sans justification, car «  cela va de soi  ». Débute alors une quête identitaire pour Nedjma. Est-elle définie par ce groupe, par sa famille, par sa réputation  ? Est-elle prête à accepter ce qu’elle ressent, et qui plus est à l’assumer au grand jour  ? Que met-elle en jeu avec ce lourd secret  ? Ses priorités basculent, la vie prend un goût amer. L’été promettait l’unisson du groupe. Il créera plutôt la division.

Marion Desseigne-Ravel interroge avec Les Meilleures le rapport de rivalité constante que tant de jeunes réinstaurent dans leurs quartiers. Jusqu’où la pression exercée par un groupe peut-elle déterminer les choix de vie de ses membres ? Jusqu’à quelle mesure tient-on à sa réputation  ?

Cette ode à l’amour passionnel est d’une douceur inouïe. Elle révèle la force esthétique de la pudeur. Suggérer – sans montrer, convoque une tendresse indubitable. La découverte d’une sensation inconnue contre laquelle il faut lutter, est merveilleusement incarnée par Lyna El Arabi. Elle trouve une réponse tout aussi juste dans l’interprétation de la sensationnelle Esther Rollande (Zina). Un bol de fraîcheur.

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