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Mardi Série – « MAID » : Nous deux contre le reste du monde

© RICARDO HUBBS/NETFLIX

Deux fois par mois, la rédaction se dédie entièrement au « petit écran » et revient sur une série pour la partager avec vous. Toutes époques et toutes nationalités confondues, ce format pourra vous permettre de retrouver vos séries fétiches… ou de découvrir des pépites. Aujourd’hui, c’est au tour de la mini-série américaine MAID.

Disponible depuis le 1er octobre 2020 sur Netflix, MAID a été visionnée plus de 67 millions de fois. Produite par Warner Bros, cette mini-série est l’adaptation des mémoires de Stéphanie Land « Maid : Hard Work, Low Pay, and a Mother’s Will to Survive ». En 10 épisodes de presque une heure chacun, la réalisatrice Maggie Betts et la scénariste Molly Smith Metzler (Shameless, Orange Is The New Black) livrent cette chronique sociale sur fond de précarité, d’inégalités sociales, d’abus domestiques et de harcèlement moral.

Cherchant à fuir l’alcoolisme violent de son compagnon, Alex, interprétée par Margaret Qualley (The Leftovers) va remuer ciel et terre pour protéger leur petite fille, Maddie. Sans aucune ressource, la jeune femme de 25 ans devient femme de ménage pour subvenir aux besoins de sa fille et en conserver la garde.

Margaret Qualley © RICARDO HUBBS/NETFLIX

Un combat ordinaire

Bien loin de l’imaginaire du rêve américain, MAID met en lumière le quotidien de ceux qui n’ont pas le temps d’y penser, parce que trop occupés à tenter de survivre. Alex, en nettoyant littéralement les dégâts dans la vie des autres, laisse échapper les chances de s’occuper de la sienne. Elle se met de côté, mais n’abandonne pas pour autant. Ses priorités ne sont pas celles d’une jeune femme de 25 ans. Le compteur de son argent en témoigne à l’écran.

La violence est partout  : des embûches administratives liées aux aides sociales à la procédure judiciaire pour la garde de Maddie, des nuits passées dans sa voiture avec sa fille aux allers-retours en foyers d’accueil, des déconvenues salariales aux petites réussites tuées dans l’œuf par son entourage. Alex se heurte en permanence au rejet et à la saleté, tant crasse qu’humaine.

C’est dans son esprit que se trouve un refuge. Et nous l’accompagnons. Au tribunal, Alex semble se noyer dans ce jargon judiciaire qui lui est inconnu et effrayant. Tout ce qu’elle entend et que nous voyons sont les termes « légal » et « illégal ». Car pour elle, il n’y a pas matière à discuter. C’est elle qui s’occupe de Maddie, qui en prend soin, qui l’aime. On découvre Alex vulnérable, presque vaincue. Elle se révèle indomptable et plus forte que jamais lorsqu’il s’agit de protéger sa fille.

Portrait de femmes

La relation mère-fille habite la série. De sa douce complicité avec Maddie à celle, douloureuse, oscillant entre le rejet et l’amour vache, qu’elle entretient avec Paula. Campée par sa véritable mère à la ville, Andie MacDowell (Un jour sans fin, Quatre mariages et un enterrement), cette mère est démente à tout point de vue. Peu fiable et piquante, elle se transforme en tornade émotionnelle dès qu’elle en a l’occasion. Sa vulnérabilité se révèle au fur et à mesure des épisodes. Et il en va de même pour chaque personnage gravitant autour d’Alex  : d’un ami de longue date sur lequel elle va pouvoir s’appuyer à une de ses clientes que l’opulence anéantit. Leur instabilité émotionnelle à l’image est une des forces de la série. Cette dernière réussit le pari de retranscrire le vécu bien réel de Stéphanie Land, sans juger les personnages qui le peuplent.

Pour preuve, MAID se garde de diaboliser la figure de l’homme. La violence de Sean, joué par Nick Robinson, n’est ni excusée ni justifiée. Ses démons prennent le pas sur la personne qu’il aurait pu être, bien que nous en ayons un aperçu. Il dissémine, çà et là, les graines d’espoir d’une vie meilleure (en arrêtant de boire, en retrouvant un travail). Tout ça pour mieux les piétiner plus brutalement quelque temps après. Sean entretient le cercle vicieux, voire toxique, de sa relation avec Alex. Grâce à cette vision, on est plus à même de comprendre le fonctionnement d’Alex dans cette relation, et, par extension, de chacune des victimes de violences conjugales.  

Margaret Qualley, Andie MacDowell © RICARDO HUBBS/NETFLIX

Si la femme est en effet mise en danger dans MAID, elle est aussi celle qui sauve. Celles dans l’entourage d’Alex ont toutes fui, connu un passage à vide ou sans-abris (plus ou moins long), le retour à la case départ, puis la délivrance. Elles brisent tour à tour l’enfer du silence dans lequel elles se sont plongées, chacune avec leur propre raison. Ce courage à l’œuvre va aider Alex à s’en sortir, chacune lui apportant un soutien bien particulier.

Briser les tabous

Inspirée d’une histoire vraie, MAID est une série claustrophobique, addictive, indispensable. L’intelligence de son casting révèle des acteurs brillants. Infiniment humaine, sa drôlerie réside dans les deux niveaux d’interactions à l’œuvre  : de la douce compassion à la grossièreté mordante. Elle évoque la résilience dont font preuve celles dont on n’attend rien, qu’on ne voit pas, et la générosité dont elles sont bâties.

Les quelques longueurs de ces 10 épisodes sont nécessaires au parcours d’Alex. Il nous faut ressentir le poids, la lourdeur de son quotidien, mais aussi apprécier sa progression. Dans MAID, l’espoir est précaire. L’amour, s’il n’est pas maladroit ou malheureux, n’en reste pas moins fort. La liberté, elle, est loin, mais toujours là au bout du compte.

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